Une fois par an au cours d’une nuit extraordinaire, les Jellicle Cats se réunissent pour leur grand bal. Leur chef, Deuteronome, choisit celui qui pourra entrer au paradis de la Jellicosphère pour renaître dans une toute nouvelle vie.
Avis de John Roch :
Avant toute chose, une pensée. Une pensée sincère pour les enfants qui, en ces belles vacances scolaires de Noël 2019/2020, auraient pu voir Star Wars 9, ou la reine des Neiges 2 en guise de film de fin d’année. Ceux pour qui le chat n’est plus le même, qui ont développé une allergie psychique à l’animal de compagnie préféré des internautes. Ceux qui dorénavant préfèrent Cujo au chat-bus, ceux qui font partie des 52000 spectateurs Français qui étaient dans les salles : Ceux qui ont vu Cats au cinéma.
Sans être un succès critique, Cats est une comédie musicale jouée dans une vingtaine de langues qui cartonne dans le monde depuis 1981. Une première adaptation fut envisagée dans les années 90 sous la forme d’un dessin animé, mais le projet capota. Le salut vient d’Universal, qui lance le développement du film en 2013 après avoir racheté les droits des années auparavant. À la réalisation, on retrouve Tom Hooper, qui a déjà donné dans la comédie musicale avec son adaptation des Misérables. Cats est un four monumental, assassiné unanimement par la critique, créant une sorte de hype. Pour l’auteur de ses lignes, la hype c’est le mal. Déjà, quand il s’agit d’une hype positive, combien de « meilleur Star Wars depuis le précédent », de » le [insère ton classique ici] du 21ème siècle », de « on n’a jamais eu autant les jetons depuis[ré-insère ton classique ici] », ou de bandes annonces montrant des spectateurs dithyrambiques, pour un film qui sera au final une déception colossale. Le contraire est vrai, à vomir sur un film à outrance, on y récupère au moins un nanar, ou un métrage pas si catastrophique. Mais dans le cas de Cats, la hype est réelle. L’enfer Hollywoodien existe, Tom Hooper a ouvert l’une des sept portes qui y mènent, et a ramené de ses entrailles Cats : un cauchemar, un vrai.
Dès le premier plan, Cats nous plonge dans un univers étrange, aux décors disproportionnés, dans une ambiance à la photographie qui rappelle Dario Argento et Nicolas Winding Refn, accompagnée d’une musique tellement creepie que la scène en devient malaisante. C’est là, dans une ruelle, qu’est abandonnée Victoria, qui va rapidement faire la connaissance des Jellicle chats. Et comme ils sont polis, ils vont se présenter, en chantant, d’abord en groupe puis individuellement. Pendant que Macavity, le méchant, kidnappe les chats après leur chanson, ça valait le coup de pousser la chansonnette. Son plan est de devenir le jellicle choix, un genre d’élu qui pourra avoir un voyage en montgolfière pour se réincarner dans la jellicosphère. Ne cherchez pas plus loin pour l’histoire, Cats excelle dans la manière de raconter du vide. Le scénario se résume à une succession de chansons, à croire que les scènes explicatives ont été sucrées au montage. Mais pourquoi les jellicle chats voudraient quitter leurs lieux ? Ils ont l’air heureux, alors pourquoi chaque année ils organisent un concours de chant dont le gagnant doit mourir. Une méthode qui ressemble beaucoup aux sectes qui sacrifient annuellement l’un d’eux pour la prospérité et une bonne récolte. Cats en est une allégorie, mais ce n’est qu’une théorie.
Le scénario n’est rien comparé à ce qui fait basculer Cats dans la bizarrerie : son identité visuelle. Bien plus qu’un prototype de ce qu’aurait donné un film live des Aristochats par David Cronenberg, les personnages de Cats ressemblent à un délire de zoophile fêlé, qui aurait abusé d’un logiciel de deep fake acheté sur Wish pour afficher les visages des stars qu’il adore sur les animaux qui l’excite. Les effets sont d’une laideur à la qualité aléatoire, où les CGI et les effets de maquillage à même le plateau ne se mélangent absolument pas. En parlant d’effets pratiques, il est temps d’évoquer une autre clé qui fait de Cats un film unique : le casting, composé entre autres de Idris Elba, Judith Dench, Taylor Swift, Jason Derulo, ou encore un Ian McKellen plus ou moins maquillé selon les scènes. Non seulement ils campent les créatures les plus glauques vu depuis longtemps, mais ils sont tous à fond, à adopter une démarche entre le pas de danse et le déplacement du chat, à se frotter, à se déshabiller, à se caresser l’entre jambe, à se le regarder aussi, à faire des gestes improbables en imitant les félins. On a beau se dire que cette fois c’est la bonne, que plus rien ne nous étonnera, il y a toujours quelque chose de nouveau à observer dans Cats. Un détail, quelque chose dans l’avant ou l’arrière plan qui fait toujours plus basculer le film dans le glauque, le malaisant, l’anxiogène et l’irregardable. Toujours quelque chose qui relance une pièce dans la machine, quand ce ne sont pas des scènes entières qui s’en chargent.
Concernant les chansons, sans être fin mélomane, un tiers me signale dans l’oreillette que Memory est jolie. Soit. Mais ce que l’on retient surtout, c’est des chansons qui partent en vrilles toutes seules, du genre à commencer par un genre puis en incruster un autre en plein milieu sans raison (dont une sorte de beat Eurodance à en chialer de rire). Et pour ce que ça raconte, il en va sans dire qu’il auraient pu ne pas les chanter et juste parler.
Des chansons trop longues, tout comme les scènes qui les accompagnent. Car dans Cats, le rythme est aux fraises. Si vous estimez avoir perdu votre temps face à un film, celui-ci vous fait prendre conscience du poids du temps qui passe, en particulier dans les 45 dernières minutes, où Tom Hooper a semble t-il perdu la foi, et se contente de filmer les créatures en gros plan ou en plan large lorsqu’elles chantent. Donc non seulement c’est long, mais plus ça avance plus ça devient mou, et plus la tentation d’abandonner se fait de plus en plus forte. D’où la question épineuse : Cats peut-il être considéré comme un nanar ? Et bien non. S’il y a à boire et a manger, le rythme, la fracture mentale qu’occasionnent les chansons, et le spectacle qui se déroule devant nos yeux ébahis ne prêtent pas à rire, pas plus qu’une pseudo morale qui non seulement n’a rien à voir avec le film, mais prend en plus son auditoire pour un con ! De plus, une seconde vision tient du miracle, donc pour le partager avec vos potes lors d’une soirée nanar, ça va demander de l’entraînement.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Du jamais vu | ⊗ Mais qu’est ce que c’est que ça ? ⊗ Pourquoi? ⊗ Comment ? |
Cats n’a pas volé sa réputation de film éprouvant, glauque, raté. Aucun écrit ne peut retranscrire l’expérience visuelle et auditive qui vous attend, le mieux est de vivre cette catastrophe industrielle par soi-même. Bon courage. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Le film contient des chansons inédites.
• Un téléfilm adaptant la comédie musicale a été tourné en 1998 par la BBC.
• Des graphistes auraient été embauchés pour effacer numériquement le trou du cul des chats, ce qui a donné lieu à des rumeurs sur un « butthole cut ».
Titre : Cats
Année : 2019
Durée : 1h50
Origine : U.S.A
Genre : Suicide Artistique
Réalisateur : Tom Hooper
Scénario : Tom Hooper, Lee Hall
Acteurs : Idris Elba, Francesca Hayward, Judi Dench, Taylor Swift, Rebel Wilson, Ian McKellen, James Corden, Jason Derulo