[Film] Bullet Ballet, de Shinya Tsukamoto (1998)


Quelques jours après le suicide de sa compagne, Goda croise dans une ruelle Chisato, une fille qu’il avait rencontrée et sauvé peu de temps avant alors qu’elle tentait de se jeter sous un train. Mais celle-ci hurlant au viol, le publicitaire se retrouve face à face à Goto et sa bande. Agressé, volé, il est sommé par ces derniers le ramener tout son argent, la prochaine fois. A bout de nerfs, Goda décide d’acheter une arme mais lors de la transaction, il ne remarque pas que l’arme en question n’est qu’un simple pistolet à eau. Il se résout alors de monter son propre revolver avec des pièces de métal. Il n’a plus qu’une obsession : tuer.


Avis de Oli :
Bullet Ballet est un des films les plus personnels de Tsukamoto. Il le dit lui-même : “j’ai peur que le public ne comprenne pas tout ce que j’ai mis dans ce film.” L’idée de départ trouve sa source dans une péripétie vécue par le réalisateur : alors qu’il garait son vélo à proximité d’une gare, quelques voyous se sont approchés de lui pour le dépouiller. Il avoue aujourd’hui avoir eu très peur mais précise que lorsque c’est arrivé, il a pris le soin d’observer les vauriens, un peu comme pour figer cet instant, dans un recoin de sa mémoire.

Là où les plus vieux délinquants respectent certaines règles, ces jeunes loubards qui se fichent de tout sont capables du pire pour obtenir peu de choses en retour. Tsukamoto dépeint donc cette jeunesse désabusée, qui ne fait plus d’effort pour rentrer dans le rang. C’est peut-être cette complaisance dans le désenchantement qui exaspère le plus le réalisateur. Ainsi, comme le dit fort bien Jean-Pierre Dionnet, Tsukamoto nous montre des jeunes beaux, impressionnants dans leurs tenues en cuir et autoritaires quand il s’agit de se faire respecter des plus faibles. Beaux oui, mais vides, sans personnalité ni but dans la vie. Ces jeunes qui se font plus gros qu’ils ne sont, qui se mettent à pleurer comme des gosses lorsqu’ils prennent un mauvais coup, qui se font même appeler par leur mère alors qu’ils sont en pleine bataille rangée.

Au milieu de cette jungle, la belle Chisato apparaît tel un ange furieux. Adolescente aux tendances suicidaires, elle prendra des allures de Christ crucifié comme pour mieux accepter son châtiment. La jeune femme se surprendra néanmoins à rêver d’une existence pareille aux autres : empruntant les vêtements et le lit de la compagne de Goda, elle en épousera ainsi la vie l’espace de quelques instants, doux et reposants. Un film furieux, filmé en noir et blanc et de manière déjantée (mais maîtrisée), comme pour mieux illustrer le désarroi et la folie des jungles urbaines tokyoïtes, comme une projection de la rage et du pessimisme des différents protagonistes de l’histoire. Sur la forme donc, le film risque d’effaroucher quelques spectateurs. Vous êtes prévenus : Bullet Ballet est un univers étrange et personnel, dont on ne sort pas toujours indemne. Un hymne sombre mais qui sait distiller de savants moments d’optimisme pure.

LES PLUS LES MOINS
♥ La réalisation
♥ Un côté fascinant
♥ La peinture de la jeunesse
⊗ Pas facile d’accès
Sans trop que je parvienne trop à expliquer pourquoi, ma fascination pour ce film augmente avec le temps. Malgré quelques défauts, cette œuvre entière est un pur moment de cinéma, qui supporte plusieurs visions et qui surprend à chaque fois.



Titre : Bullet Ballet
Année : 1998
Durée : 1h27
Origine : Japon
Genre : Polar d’auteur
Réalisateur : Shinya Tsukamoto
Scénario : Shinya Tsukamoto

Acteurs : Shinya Tsukamoto, Kirina Mano, Hisashi Igawa, Takahiro Murase, Tatsuya Nakamura, Lyoka Tsujioka, Koji Tsukamoto, Kim Su-Jin

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Auteur : Oli

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