[Film] Body Parts, de Eric Red (1991)

Amputé de son bras à la suite d’un accident de voiture, Bill Chrushank se voit greffé du membre d’un condamné à mort. Il s’aperçoit vite que ce nouveau bras n’est pas comme les autres.


Avis de John Roch :
Body Parts est une adaptation libre du roman «… Et mon tout est un homme». Dans cette œuvre lauréat du prix de l’humour noir 1965 signée Boileau-Narcejac, un inspecteur de police enquête sur une série de meurtres étranges dont les victimes ont un point commun : ces sept personnes ont été greffées d’un membre d’un homme condamné à mort. Scénariste talentueux de Hitcher, Aux Frontières De L’Aube et Blue Steel, Eric Red s’empare de ce sujet pour son second long métrage, après un certain Cohen and Tate qui fut un échec au box office, mais un carton sur le marché de la vidéo. Le script séduit Franck Mancuso Jr. Qui, en manque de Vendredi 13 pour faire le bonheur de son banquier, donne à Eric Red un budget confortable de 10 millions de Dollars, et une sortie à grande échelle sur les écrans par la Paramount, du moins aux USA où il se ramassera sans même rentrer dans les caisses le budget initialement alloué. La vidéo a très certainement sauvé les meubles, mais il est dommage que le public n’ait pas répondu présent pour ce sympathique petit film qui mélange les genres et bénéficie d’un aspect technique carré, d’un bon casting et d’un scénario bien écrit mais pas sans défauts. Body Parts à pour héros Bill, un criminologue en pleine crise existentielle quant à l’utilité de son métier, qui perd un bras dans un spectaculaire accident de la route. Plongé dans le coma, le docteur Webb propose à la femme de l’accidenté une opération inédite : une greffe de bras. Sous la pression et l’urgence du moment, cette dernière signe le papier et l’opération est un succès. Mais si tout va pour le mieux au départ, Bill va commencer à faire des cauchemars et à perdre petit à petit le contrôle de son bras, qui, il se trouve, appartenait à un psychopathe de la pire espèce condamné à mort.

Si dans la forme, Body Part tient plus du thriller que du film d’horreur, cela n’empêche pas à Eric Red d’y incorporer des éléments scénaristiques d’autres genres afin de les mixer et d’obtenir un mélange de genres subtil qui ne prend jamais le dessus sur l’histoire. Ainsi, cette histoire de greffe rappelle Frankenstein, mais dans le sens inverse. Car si le savant fou conçoit sa créature de toutes pièces en assemblant différents membres pour donner la vie, c’est ici le contraire et le docteur de Body Parts déstructure un corps pour lui donner une seconde vie. En plus de verser dans le fantastique, Body Parts a également un coté film d’anticipation, la transplantation de membres humains tenant à cette époque de la science fiction. De quoi donner de l’épaisseur à un script qui n’en manque pas. Script bien écrit au demeurant mais qui prend bien trop son temps dans sa première heure. Dans celle-ci, on suivra d’une part l’enquête de Bill sur l’origine de son bras, mais aussi sa lente descente aux enfers dès lors que son membre manifeste des signes de violence qu’il ne contrôle pas, en donnant par exemple sa torgnole de sa vie à son fils, ou en étranglant sa femme dans son sommeil. Bill va aussi faire la connaissance des autres greffés. D’un coté un artiste peintre qui, si il est lui aussi en proie à des cauchemars, voit cette greffe comme une bénédiction qui lui rapporte du pognon. De l’autre un homme qui lui vit avec les deux jambes du condamné à mort et pour qui tout roule. Normal puisque ce personnage s’avère être dispensable et à peine développé. De là à ce demander si ce n’est pas Bill qui fait un rejet psychologique de son bras, ou si celui-ci n’est pas empreint de la personnalité de son propriétaire qui commence à déteindre sur celle de son locataire.

Une première heure agréable à suivre, bien écrite et non sans un certain humour, mais qui dans la forme n’est qu’une succession de scènes d’exposition. La mise en scène est suffisamment bien fichue pour rythmer le récit et ainsi permettre au spectateur de ne pas sombrer dans l’ennui, mais l’ensemble peut malgré tout paraître longuet. En fait, Body Parts ne démarre vraiment que dans sa dernière demi-heure. Parce que si le docteur Webb mérite le prix Nobel pour ses opérations, celle-ci est avant tout un genre de savant fou dont le travail sur Bill et les deux autres greffés n’était en fait que la partie mineure de son œuvre. Car le plus gros boulot, c’est d’avoir réussi à greffer la tête du psychopathe démembré sur un autre corps, et ce dernier n’a qu’une idée en tête : récupérer ses membres. Dès lors, le métrage va prendre à contre pieds tout ce qui a précédé et va enchaîner non-stop meurtres et arrachages de membres gentiment gores, scènes d’action spectaculaires et idées barrées. De spectaculaire, on retiendra surtout l’accident qui ouvre le métrage, une cascade carrément impressionnante (et pour cause, ladite cascade ayant merdé à même le plateau, les images ont tout de même été gardées car le cascadeur s’en est miraculeusement sorti indemne) et deux bagnoles lancées à toute berzingue en sens inverse avec le conducteur et le passager menottés… qui ne sont pas dans la même voiture. Ce ne sont là que deux morceaux parmi d’autres d’un métrage qui de plus est techniquement carré. Du bon boulot pour une bonne série B à laquelle le public n’a pas été réceptif, le métrage ne rapportant que 9 millions de dollars aux box office nord-Américain. Un score qui a fragilisé Eric Red qui, après avoir écrit deux téléfilms, reviendra à la réalisation 5 ans plus tard avec Pleine Lune, à nouveau une très bonne série B et très certainement le meilleur film de loup-garou des 90’s (vu la concurrence, ce n’était pas très difficile, ce qui n’enlève en rien les qualités du métrage), qui lui s’est encore plus ramassé avec à peine 1 million de dollars de recette au box office. Déjà mis au banc de Hollywood, Red fera les titres des journaux pour avoir causé la mort de deux personnes dans un accident de la route. Il fera un timide et à ce jour ultime retour en 2008 avec 100 Feet, un autre B movie carré et sympathique. Un autre au palmarès d’un réalisateur et scénariste qui n’a pas eu la carrière qu’il méritait.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un film bien écrit
♥ La scène d’ouverture, impressionnante
♥ La dernière demi heure
♥ Le mélange des genres qui fonctionne
♥ Les touches d’humour
♥ Techniquement, c’est du propre
⊗ Toute aussi agréable soit-elle à suivre, la première heure prend trop son temps
⊗ Un film qui décolle vraiment dans sa dernière demi heure

Techniquement propre, scénario bien écrit, mélange de genres qui fonctionne… Body Parts est un métrage qui ne manque pas de qualités. Si l’on pourra regretter que la première heure prenne trop son temps, la dernière demi-heure quant à elle réserve son lot de surprises et de folies qui valent à elle seules la vision de cette série B efficace et carrée.



Titre : Body parts
Année : 1991
Durée : 1h28
Origine : USA
Genre : Parties intimes
Réalisateur : Eric Red
Scénario : Eric Red, Norman Snider, Joyce Taylor et Patricia Herskovic

Acteurs : Jeff Fahey, Lindsay Duncan, Kim Delaney, Zakes Mokae, Brad Dourif, John Walsh, Paul Ben-Victor, Peter Murnik

Body Parts (1991) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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