[Film] Black Maiden Chapter Q, de Sato Sakichi (2019)

Mei, élevée dans un orphelinat, est adoptée par la famille Ueda. Dans la demeure familiale, elle y trouve Rana, une jeune femme précédemment adoptée par le couple, et qui a la même date de naissance que Mei. Elles se lient rapidement d’amitié et deviennent comme de vraies sœurs. Jusqu’au jour où les parents leur annonce que l’entreprise familiale a fait faillite, et que l’une d’entre elle devra retourner à l’orphelinat…


Avis de Rick :
Black Maiden, il me faisait de l’œil depuis des mois. Petit film en deux parties, les Chapter Q et Chapter A, nous sommes là en présence de petits métrages, au sens noble du terme. À savoir donc que le budget ne semble pas bien élevé, mais que l’équipe y croit suffisement pour nous livrer un produit qui a de la gueule. Ou pour contrecarrer tous ces films de V-Cinema tournés à l’arrache ces dernières années, qui a tout simplement un look professionnel. La première partie qui nous intéresse aujourd’hui, le chapitre Q, ne dure que 1h06. Film donc parfait en cas de fatigue, si l’on a pas beaucoup de temps, ou si l’on a des doutes sur la qualité du produit. Car 1h06, qu’on se le dise, ça passe super vite finalement si l’on est prit dans l’aventure, ce qui fut mon cas. La première partie du diptyque réalisé par Sato Sakichi m’aura convaincu et même incroyablement plu par certains aspects.

Au fur et à mesure des minutes, je me suis surpris à être plongé dans l’aventure, et à me dire que cela me rappelait dans le fond certains métrages étranges déjà vus par le passé. Et ce n’est pas étonnant, puisqu’en regardant de plus près la carrière du réalisateur, également scénariste, on peut y trouver du bon, des films qui rassure dans son CV. Alors si l’on passera sur le fait que Sato Sakichi jouait Charlie Brown dans Kill Bill Volume 1, ou qu’il apparaît également dans certains films comme Karate-Robo Zaborgar de Iguchi, As the Gods Will de Miike ou dans la série The Naked Director, c’est en tant que scénariste que l’on comprend plus vite l’affiliation que Black Maiden peut avoir avec d’autres métrages étranges et souvent bricolés. Le monsieur aura tout simplement commencé sa carrière en écrivant deux films géniaux de Miike, à savoir Ichi the Killer en 2001 et l’étrange Gozu en 2003, avant d’écrire Tokyo Zombie en 2005 qu’il réalise lui-même. De ses collaborations avec Miike, ou même Iguchi et compagnie en étant acteur, il en a sans doute retenu des leçons de tournage, sur les petits budgets, sur l’ambiance, sur l’étrange étrangeté comme on l’appelle aussi, cette étrangeté du quotidien, qu’il semble très bien maitriser ici dans cette première partie de Black Maiden. Dès la première scène, j’étais presque conquis.

Alors certes, je m’attendais à un métrage fauché tourné un peu n’importe comment, et je me suis retrouvé dés la première scène avec une œuvre filmée proprement, caméra sur pieds quasi intégralement, avec des cadrages léchés, une jolie photographie, et une envie de poser une ambiance qui devient lourde au fur et à mesure des minutes sans que l’on sache les tenants et les aboutissants de la dite histoire. Du bon boulot donc. Oui, dés l’ouverture dans l’orphelinat, qui semble presque abandonné, avec cette jeune femme, Mei (Asakawa Nana) sifflotant le boléro de Ravel sur sa balançoire, avant de continuer à l’intérieur avec une discussion entre le directeur de l’orphelinat, une bonne sœur et le couple Ueda, venu en ses lieux pour adopter Mei, une ambiance se pose, quelque chose de lourd se trame, sans que l’on sache quoi. Les silences sont parfois lourds, le couple Ueda passe son temps à sourire, et une étrangeté se dégage de ces quelques moments. Alors, le spectateur non habitué lui pourra tiquer sur certains éléments, notamment le jeu des acteurs, absolument pas mauvais, mais qui a tendance à en faire un peu trop sur certaines émotions. Beaucoup d’éléments sont accentués, volontairement. Est-ce pour faire ressortir encore une fois l’étrangeté ? Ou une volonté un peu plus « manga » ? Impossible à dire, mais Black Maiden n’adapte rien, c’est là un scénario original du réalisateur. Les scènes s’enchaînement, et si l’amitié qui va lier Mei à Rana (Kita Kana), les deux orphelines de la famille Ueda est plutôt douce et fonctionne naturellement à l’écran, l’étrangeté elle ne quittera jamais longtemps le récit. Quelques apparitions étranges en arrière plan (mais sans aucun jumpscares), des parents qui passent leur temps à sourire, c’est déjà étrange. Mais si l’on ajoute alors le voisinage au comportement grotesque, avec cette dame passant son temps à taper sur une poêle dehors en criant Hitogoroshi (Meurtrier), même en plein milieu de la nuit, venant alors envahir le métrage de manière sonore, nous indiquant sa présence quasi permanente, ça fonctionne vraiment très bien.

Du coup, même pendant la première moitié du métrage, lorsque Mei et Rana se lient d’amitié, et que Mei commence alors enfin à sourire (non car au début du film elle passe son temps à faire la gueule), et que la famille s’entend à merveille, ou va s’amuser dans un parc, il y a toujours quelques éléments pour contrebalancer l’ambiance joyeuse et nous rappeler que tout peut basculer. Ce qui va bien entendu arriver assez rapidement. Passé les premières 25 minutes, les choses vont se dégrader au sein de la famille Ueda, doucement mais sûrement. Chaque matin, une mauvaise nouvelle de plus semble s’abattre sur la famille, laissant les deux jeunes femmes perplexes. Un vase casé, des rayures sur la voiture, des difficultés financières. Ça pourrait sembler un peu énorme, mais ça fonctionne bien, le film restant sobre dans sa manière de mettre en scène les évènements, et le réalisateur semblant savoir ce qu’il fait. Il faut dire qu’en posant les bases et quelques petits éléments dés le début du récit, pas besoin d’en faire plus, et qu’il est aidé pour l’ambiance sonore par Endô Kôji, fidèle collaborateur de Miike (tiens, justement à l’œuvre sur Gozu), spécialiste des ambiances minimalistes. Mais forcément, étant très court, ce premier chapitre finit par se lâcher très rapidement, enchaînant après dans sa dernière partie les retournements de situations, quelques passages sanglants, les cris, les scènes étranges un peu plus frontales, avant de révéler toutes ces cartes, dans un final certes un peu déroutant et posant plus de questions que de réponses, mais il faut se rappeler qu’il ne s’agît que de la première partie. Dommage d’achever la vision par cette chanson de J-Pop pour le générique. Mais dans le genre, surtout quand on s’attend à tout sauf à un métrage réellement bien filmé et pensé, et bien, Black Maiden fait du bien. Espérons que la seconde partie tienne la route et que l’ensemble soit donc parfaitement recommandable.

LES PLUS LES MOINS
♥ Très bien filmé et éclairé
♥ Une ambiance étrange maitrisée
♥ Ultra court et donc ne perds pas de temps
♥ La relation entre Mei et Rana fonctionne
⊗ Trop court et trop de questions à la fin ?
⊗ Un jeu d’acteur qui en fait sans doute un poil trop parfois
note2
Ce premier chapitre du diptyque Black Maiden est une très agréable surprise. Filmé avec sérieux, maitrisant son ambiance qu’il distille tout du long, reste à voir la seconde partie pour éclaircir les ombres sombres du scénario et des personnages.



Titre : Black Maiden Chapter Q – Kuroi Otome : Q – 黒い乙女Q

Année : 2019
Durée :
1h06
Origine :
Japon
Genre :
Horreur
Réalisation : 
Sato Sakichi
Scénario : 
Sato Sakichi
Avec :
Asakawa Nana, Kita Kana, Wada Soko, Mitsuya Yoko et Matsushima Ryota

 Black Maiden: Chapter Q (2019) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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