Dans l’antique Kahndaq, l’esclave Teth Adam avait reçu les super-pouvoirs des dieux. Mais il en a fait usage pour se venger et a fini en prison. Cinq millénaires plus tard, alors qu’il a été libéré, il fait régner sa conception très sombre de la justice dans le monde. Refusant de se rendre, Teth Adam doit affronter une bande de héros d’aujourd’hui qui composent la Justice Society – Hawkman, le Dr Fate, Atom Smasher et Cyclone – qui comptent bien le renvoyer en prison pour l’éternité.
Avis de John Roch :
Avec le DCEU, Warner a tenté, Warner a foiré. Que l’on aime ou déteste le MCU, force est de constaté que son président Kevin Feige a su établir un univers cohérent qui a pris le temps de se développer. A l’inverse du DCEU qui a voulu prendre le train en route et s’y est cassé les dents avec des choix illogiques (sortir les films réunion avant les films solo) et des métrages à la qualité douteuse. Mais plus que ça, avec le temps, le DCEU s’est avéré être un bordel monstrueux en interne. Le cas Snyder est intéressant car il est à l’origine d’une cassure chez les fans qui voient le Snyderverse comme le seul et unique DCEU. Quelques films, à la sortie sans cesse repoussée, posent également problème : Aquaman 2 qui a subi de plein fouet le procès Johnny Depp/Amber Heard dont on ne sait toujours pas si son rôle sera coupé ou non, et Flash qui est une épine dans le pied de Warner à cause des sorties de route de son acteur principal Ezra Miller. Deux métrages problématique qui sortiront, à l’inverse d’un Batgirl jeté à la poubelle suite au rachat de Warner par Discovery. A voir ce que James Gunn et Peter Safran, désormais en charge de rattraper tout ça, vont faire du DCEU. Ce qui ne serait pas sans sacrifice, puisque Wonder Woman 3 et Man of Steel 2 seraient déjà en passe d’être annulé, tout comme une éventuelle suite à Aquaman puisque Jason Momoa resterait chez DC, mais pour y incarner Lobo. Il n’empêche que malgré tout ce bordel, le DCEU tente d’exister en introduisant de nouveau personnages, tel ce Black Adam qui a un atout de taille dans sa manche : Dwayne Johnson dans le rôle-titre. Mais un acteur, tout aussi bankable soit-il, ne fait pas tout et le moins que l’on puisse dire c’est que Johnson a loupé son entrée dans le monde des super héros avec un métrage qui non seulement est un petit échec commercial, mais aussi un film de super héros pas forcément désagréable dans la forme pour qui aime les blockbusters actuels remplis d’action et de CGI heureux ou non. Mais en grattant légèrement, d’un petit coup d’ongle, dans le fond c’est un sacré ratage.
Créé en 1945, Black Adam est dans le comic book une version maléfique de Shazam, les deux personnages ayant les mêmes pouvoirs. Avec le temps, le personnage a évolué pour devenir un héro oscillant entre le bien et le mal, ce que tente de reprendre la version cinématographique…avec un net penchant pour le bien, Blockbuster Hollywoodien super-héroïque oblige. Pourtant, Black Adam tente de faire quelque chose du côté maléfique de son anti-héros en faisant de lui un personnage sans foi ni loi qui abat froidement ses adversaires. Et ça fait vaguement illusion lors de la première apparition de Black Adam, tiré d’un sommeil de 5000 ans, dans une scène qui repoussent les limites du PG-13 : les corps se décomposent et calcinent sous les éclairs de, de son vrai nom, Teth-Adam qui prend une pose iconique avec un bras fraichement arraché. Mais ça ne suffit pas, car tout aussi violent (pour une production de ce calibre on s’entend) soit le personnage, il ne tue que des méchants. De fait, malgré des dialogues qui jurerait le contraire, on ne ressent jamais Black Adam comme un anti-héros ou une menace pour la planète. Oui le personnage est surpuissant et perd tout contrôle lorsqu’il se fâche vraiment, mais jamais il ne se trompe de cible, jamais il n’y a au moins un dommage collatéral dans les nombreuses scène d’actions qui montre que Black Adam est un personnage qui n’a que faire de la notion de bien et de mal. Ce qui amène au principal défaut du métrage : un traitement des personnages à la rue.
Dans Black Adam, le personnage est inexploité et se fait régler ses traumas en une phrase de personnages humains (pour résumer : « soit gentil, pas méchant ») en la personne d’une rebelle qui veut libérer le Kahndaq de l’Intergang, un groupe de mercenaires qui exploitent les ressources du pays, et de son fils qui va apprendre au anti-héros à se comporter comme un héros au sein d’une société qu’il ne connait pas, comme dans Terminator 2 mais en complètement raté. De ce fait, Black Adam n’est en réalité jamais le personnage principal de l’histoire, et le film aurait pu se nommer Justice Society et Black Adam tant le récit est parfois bien plus centré sur eux. Ce qui ne veut pas dire que leur traitement est plus réussi, c’est même le contraire. Car oui, dans le DCEU, on n’apprend jamais de ses erreurs. On balance donc une nouvelle chiée de super héros menée par Amanda Waller, qui a déjà à sa charge la Suicide Squad. Mais là ou James Gunn avait réussi à faire tenir et caractériser ses personnages dans The Suicide Squad (passons sous silence Suicide Squad premier du nom, avec lequel Black Adam partage une bande son FM complètement hors sujet), ici les scénaristes ne semblent pas savoir quoi faire de la plupart des héros qui sont mis en scène, la Justice Society donc. Hormis un Hawkman pas introduit mais assez développé par la suite, campé par un excellent Aldis Hodge, qui voit en Black Adam une Némésis dans le sens où ce dernier remet en cause ses valeurs super héroïque (mais pas d’inquiétude, en deux phrases ils deviennent copains), et qui est le véritable héros de l’histoire une scène sur deux, les autres membres de la Justice Society sont du genre absent. Atom Smasher est ainsi le sidekick comique du métrage, en plus d’être pour le moins inutile à chacune de ses apparitions, super héroïque ou non. Quant à Cyclone, elle est tout simplement transparente. Bien que les plans ou elle entre en action sont plutôt jolis. Car il n’y a pas tout à jeter dans Black Adam. Le rythme y est franchement bien géré, il n’y a aucun temps mort malgré des dialogues, des idées, et des personnages inexploités. Les scènes d’action sont de bonnes factures, nombreuses, aux CGI soignés malgré quelques errements, et iconisent des héros mis en scène avec classe, mais aussi avec un effet de déjà-vu. Et c’est là où le film se plante à nouveau, car tout aussi sympa soit il à suivre, Black Adam est un film totalement impersonnel, qui ne prend pas la moindre prise de risque et regarde ce qui s’est fait non seulement chez DC, mais aussi chez Marvel.
Revenons à la Justice Society avec le seul personnage que je n’ai pas mentionné : Docteur Fate. Alors oui c’est connu, chaque héro DC a eu son pendant Marvel, et le contraire est vrai. Mais là, Docteur Fate est un décalque à peine caché de Docteur Strange, que ce soit au niveau des effets visuels ou de sa capacité à voir les différents futurs possibles qui pourrait conclure l’intrigue. Justice Society toujours, Atom Smasher n’est ni plus ni moins qu’un Ant Man mixé avec Deadpool, avec un humour so MCU qui est pour le coup assez forcé, apparaissant à chaque fin de répliques, et qui auraient pu donc finir coupée sur la table de montage. On pense également très fort au X-Men et à Man of Steel. Le constat est le même en ce qui concerne la réalisation. Jaume Collet-Serra se prend pour Zack Snyder (ou Paul Anderson période 3D) en accumulant les ralentis jusqu’à overdose. En ressort des plans sympas, mais d’autres qui auraient mérité une vitesse réelle tant les ralentis sont la plupart du temps utilisés pour faire style plutôt que pour un quelconque effet de mise en scène pertinent. Le problème de Black Adam est là : tout a été vu avant, que ce soit en terme de super héros, de mise en scène, de situations ou encore d’effets spéciaux. Le film semble avoir été développé aux débuts du DCEU en aillant ingéré la recette du MCU, mais sans avoir pris en compte l’évolution des deux univers en terme d’à peu près tout. Black Adam se permet même des choses obsolètes. Alors qu’on pensait en avoir fini avec le rayon qui monte dans le ciel et un méchant non charismatique qui devient dans le final une bête en CGI franchement pas glorieuse, Black Adam nous ressert une sauce bien périmée. En ce sens, Black Adam peut devenir un cas d’école. A force de toujours montrer la même chose à quelques variantes près, le film de super héros commence à montrer ses limites. C’est vrai depuis longtemps, mais pour le grand public responsable de l’échec, mérité, du film au box-office, il était temps que les yeux s’ouvrent.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le rythme ♥ Des scènes d’actions sympas ♥ Il y a Dwayne Johnson tout de même ♥ Aldis Hodge ♥ Des CGI de bonne facture… |
⊗ Le traitement des personnages à la ramasse ⊗ Un scénario qui n’exploite rien ⊗ La bande son FM hors sujet ⊗ L’humour forcé qui ne fonctionne jamais ⊗ Un film qui a un train de retard sur la production actuelle ⊗ … mais parfois perfectibles ⊗ Un film impersonnel et sans la moindre prise de risque |
En dépit d’un rythme maitrisé et de scènes d’action plaisantes, Black Adam est un film impersonnel, fade, sans la moindre prise de risque. Ce métrage montre encore plus les limites de la vague de films de super héros, Il serait temps que les spectateurs ouvrent les yeux, et visiblement ça semble être le cas car même la présence de Dwayne Johnson n’a pas empêché un échec commercial mérité. |
Titre : Black Adam
Année : 2022
Durée : 2h04
Origine : U.S.A
Genre : Super-héros
Réalisateur : Jaume Collet-Serra
Scénario : Adam Sztykiel, Rory Haines et Sohrab Noshirvani
Acteurs : Dwayne Johnson, Aldis Hodge, Pierce Brosonan, Sarah Shahi, Noah Centineo, Marwan Kenzari, Quintessa Swindell, Bodhi Sabongui, Djimon Hounsou, Viola Davis, Jennifer Holland