[Film] Audrey Rose, de Robert Wise (1977)

Janice et Bill Templeton forment avec leur fille Ivy une famille heureuse et sans histoire… jusqu’au jour où un mystérieux étranger se met à les suivre partout où ils vont. L’inconnu finit par leur proposer un rendez-vous et leur révéler qu’Ivy serait la réincarnation de sa propre fille, morte onze ans plus tôt.


Avis de John Roch :
Il est indéniable que Robert Wise a laissé sa marque dans l’histoire du cinéma. La féline, La Maison Du Diable, West Side Story, La Mélodie Du Bonheur, Le Jour Où La Terre S’arrêta, la première adaptation cinématographique de Star Trek sont autant de pièces maîtresses dans leurs genres respectifs. Forcement avec une filmographie de cet acabit, certaines œuvres de Robert Wise sont un peu plus oubliées et considérées comme mineures. Ce qui est le cas de Audrey Rose, souvent considéré comme le sous-Exorciste du réalisateur, mais bien que le film doit bien son feu vert suite au succès du film de William Friedkin, cette comparaison n’a absolument pas lieu d’être. Qu’ont en commun les deux métrages ? Rien, si ce n’est l’âme d’une enfant à sauver. Audrey Rose ne doit rien à l’Exorciste, c’est un film qui a sa propre identité et s’éloigne totalement de son supposé modèle. Le script d’Audrey Rose, on le doit à Frank De Felitta qui adapte son propre roman du même nom, il en fera d’ailleurs de même avec « The Entity », transposé à l’écran par Sidney J. Furie avec L’Emprise, et passera même le cap de la réalisation avec le désormais culte téléfilm Dark Night Of The Scarecrow. De ce script, Robert Wise en tire un film aussi solide que trompeur, car sous ses airs de film fantastique, Audrey Rose est en réalité un véritable drame familial.

Pourtant, Audrey Rose semble de prime abord être un film de possession tout ce qu’il y a de classique. L’intrigue tourne autour de la famille Templeton, famille Américaine aisée et typique sans histoire. Jusqu’au jour où la petite Ivy commence à faire ce qui ressemble à des cauchemars éveillés que seul son père parvient à calmer, du moins au départ. En se basant sur ce genre de film dont les codes sont inévitables, la suite, on pense la connaître. Cependant, le métrage va rapidement changer de direction en introduisant Hoover, un Anglais qui colle d’un peu trop prêt la famille Templeton et dont la soudaine irruption dans leur vie est vue comme une menace. C’est pourtant ce mystérieux inconnu qui pourrait être la clé de la guérison de Ivy. D’après lui, cette dernière serait en fait la réincarnation de sa propre fille, Audrey Rose, décédée dans un accident de voiture pile au moment où Ivy est venue au monde. La jeune fille n’est donc pas à proprement parler possédée, elle est en fait le réceptacle d’une âme qui n’a pas trouvé le repos et revit sans cesse le moment de sa mort. Pour Hoover, le seul moyen de faire cohabiter Ivy et Audrey Rose, c’est la nécessité de sa présence au sein du couple Templeton, une solution un rien envahissante pour Bill qui ne crois pas un mot de cette histoire, au contraire de Janice qui elle commence petit à petit à se poser des questions. Il ne s’agit là que de la première partie d’Audrey Rose, film qui par la suite amène d’autres surprises scénaristiques dans un script à l’écriture quasi impeccable. Écriture qui est la plus grande force du métrage et réussit à non pas relayer son argument fantastique en toile de fond, mais à l’ancrer dans le réalisme en opposant deux religions sur l’idée qu’elle se font de la vie après la mort.

Une idée simple mais efficace, qui n’évite cependant pas certains poncifs du genre dès lors que l’esprit d’Audrey Rose prend le dessus sur celui d’Ivy. Rien de gênant cependant, Robert Wise ne mise de toute façon pas sur les scènes chocs et le peu qui ponctuent le métrage, bien qu’elles bénéficient du savoir faire du réalisateur qui livre un boulot techniquement carré, ne sont pas présentes dans le but de terrifier mais sont au service du scénario et de son intensité dramatique. Car Audrey Rose est avant tout un drame familial, un double même puisque d’un coté l’unité de la famille Templeton est mise à mal et se détruit lentement tandis que de son coté, Hoover lui par la force des choses cherche à s’en recomposer une. Ce qui amène de la matière au développement psychologique des personnages. Si l’on regrettera que Bill soit un peu trop en retrait (voire trop effacé dans la seconde moitié du métrage) et ne se résume au final qu’à un être de plus en plus agressif face à la situation, alors que son personnage de père qui voit sa femme et sa fille se rapprocher d’un autre homme aurait mérité une progression psychologique moins primaire, les autres âmes qui peuplent Audrey Rose ont bénéficié d’un soin certain dans leurs écritures, qui plus est interprétés avec brio. Ne bénéficiant d’aucune tête d’affiche en son temps, le casting d’Audrey Rose est néanmoins parfait. John Beck dans le rôle de Bill donc, mais aussi Marsha Mason dans celui d’une Janice qui va jusqu’à remettre en question son couple et ses propres croyances pour le bien de son enfant. Mais c’est surtout Susan Swift dont le personnage est habité par le rôle titre qui impressionne de par son jeu qui ne verse jamais dans l’excessif, et Anthony Hopkins dont la superbe prestation donne de l’épaisseur à Hoover, qui est à la fois une sorte de sauveur mais aussi l’antagoniste de l’histoire. Histoire qui par ailleurs est émotionnellement chargée, voire parfois bouleversante (mais quel final !). Audrey Rose est donc bien un film aussi solide que trompeur. Trompeur dans le sens où son étiquette de sous-Exorciste qui lui colle à la peau et la présence de Robert Wise derrière la caméra laisserait penser à un pur film d’horreur. Il n’en est rien et au final, si ceux qui sont venus chercher cela seront bien évidement déçus, ce serait passer à coté d’un excellent film plus intéressant, abouti et dramatique que l’on pourrait le penser.

LES PLUS LES MOINS
♥ Une écriture solide…
♥ Techniquement carré
♥ Plus qu’un film fantastique, un véritable drame familial
♥ Certains moments chargés en émotion
♥ La conclusion
♥ Le casting, impeccable
⊗ … à un personnage près

Plus qu’un film fantastique, Audrey Rose est un véritable drame familial. Longtemps considéré comme le sous-Exorciste de Robert Wise, le métrage possède pourtant sa propre identité, s’éloigne totalement de son supposé modèle et est bien plus intéressant, abouti et dramatique que l’on pourrait le penser. Un film peut être mineur dans la filmographie de Robert Wise, mais quel film !


Audrey Rose est disponible en Combo Blu-ray / DVD chez Rimini Editions au prix de 24.99€.

En plus du film, on y trouve : « Le cinéma d’horreur selon Robert Wise » par l’historien du cinéma Stéphane Du Mesnildot et un livret de 24 pages écrit par Marc Toullec : « Audrey Rose, une âme pour « deux ».



Titre : Audrey Rose
Année : 1977
Durée : 1h53
Origine : USA
Genre : Réincarnation
Réalisateur : Robert Wise
Scénario : Frank De Felitta

Acteurs : Marsha Mason, John Beck, Anthony Hopkins, Susan Swift, Norman Lloyd, John Hillerman, Robert Walden, Philip Sterling

Audrey Rose (1977) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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