Après une tentative d’assassinat dont il fut l’objet, le jeune prince Asoka, suivant le conseil de sa mère, quitte le palais royal pour quelque temps. Voyageant incognito dans le pays, il rencontre Kaurwaki, princesse de Kalinga, et son frère Arya qui fuient les assassins de leurs parents et tentent de regagner leur palais. Asoka et Kaurwaki tombent amoureux l’un de l’autre et se marient. Croyant sa mère malade, le prince rentre au palais royal, puis retourne vers sa femme. Il apprend alors par Bheema, le garde du corps de la princesse, que Kaurwaki et Arya sont morts assassinés. Fou de douleur, Asoka rentre chez lui, puis tombe dans la folie meurtrière après l’assassinat de sa mère…
Avis de Postscriptom :
Enfin un film épique et barbare digne de ce nom, après les déceptions variables que furent BRAVEHEART, GLADIATOR et autres SEIGNEUR DES ANNEAUX. Le film ne prétend pas être une reconstitution fidèle de la vie de l’empereur Asoka, qui vécut réellement au troisième siècle avant J.C. (d’ailleurs le film se termine au moment de la prise de conscience de sa folie et de sa conversion au bouddhisme), mais s’attache tout de même, à travers quelques épisodes marquants de sa vie légèrement romancés, à montrer comment un jeune homme corrompu par le pouvoir peut sombrer dans la folie, une démarche semblable à celle de Chen Kaige dans L’EMPEREUR ET L’ASSASSIN. Cependant la ressemblance s’arrête là, car formellement on est à des années-lumière du kouglof indigeste de Kaïge, qui s’était trouvé complètement dépassé par l’ampleur de son budget et avait livré un film horriblement laid, mal filmé et insupportable de lenteur.
On le sait, les films hindis font la plupart du temps en moyenne trois heures, et ils maîtrisent bien mieux que les occidentaux cette durée inhabituelle. Et quand vous avez aux commandes un filmeur de la trempe de Santosh Sivan (un des plus grands chef-opérateurs de l’Inde passé à la réalisation, et également scénariste du film), vous savez dès les superbes premiers plans que les presque trois heures vont paraître trop courtes. Ce type est en effet un surdoué capable de livrer son seulement des images magnifiques (dans ce style, il avait photographié DIL SE avec déjà Shahrukh Khan), mais en plus il vous fait croire que c’est complètement naturel et que ça ne lui demande aucun effort, n’ayant pas son pareil pour aligner des plans élégants cadrés au cordeau, aidé par un montage percutant, et un style élégant et fluide que beaucoup de cinéastes n’oseraient même pas s’imaginer posséder un jour. Même le John Mc Tiernan du 13EME GUERRIER (le film qui ressemble le plus à ASOKA dans son filmage et son côté très terrien) semble prudent à côté de lui, et je ne parle pas de la bataille finale qu’on attend toujours dans son film : ici elle est bien là, avec ses tonnes de figurants qui chargent sabres au clair !
Mais la performance technique en tant que telle n’intéresse pas Sivan, car il n’oublie jamais que son film tire sa force de ses personnages incroyables avant tout, et cette bataille (pourtant historique et connue de tous les Indiens) n’est que l’occasion de signer les retrouvailles inoubliables et tragiques des deux amants, sans oublier cette scène sublime à la Kurosawa, après la bataille, où un Asoka défait au milieu de milliers de cadavres prend soudain conscience de sa folie… Bref, aussi bien au niveau humain que logistique, et malgré quelques défauts (un premier quart d’heure un peu hésitant, un combat un-contre-un pas aussi bien filmé que dans un film HK, rien de grave mais il fallait le mentionner…), on se retrouve en présence d’un film superbe comme Hollywood savait les faire jadis (LES 55 JOURS DE PEKIN, LE CID, LA CHUTE DE L’EMPIRE ROMAIN…) mais dont le savoir-faire s’est perdu, où plutôt déplacé vers l’Inde, un continent dont le talent inouï pour le cinéma n’a pas fini de nous étonner…
Un mot sur l’actrice principale du film, la sublime Kareena Kapoor, soeur de l’également sublime Karisma (vue dans DIL TO PAGAL HAI) dont il paraît qu’elle est assez mauvaise danseuse… On pouvait donc s’attendre à voir une fille rigide, et c’est vrai qu’elle ne bouge pas aussi bien que Karisma ou d’autres stars du Bollywood (Kajol ou Madhuri Dixit pour ne citer que les plus incroyables), mais bon c’est là qu’on apprend à relativiser, ils sont à un tel niveau là-bas que même une danseuse « moyenne », filmée comme ça par un Santosh Sivan visiblement inspiré par son tempérament hors-norme et sa beauté étrange (look sauvage et yeux de statue grecque), et bien ça décoiffe grave, surtout si on compare avec les prestations « scéniques » récentes d’actrices hollywoodiennes oscarisables, comme Nicole Kidman dans MOULIN ROUGE au hasard, parfaite tant qu’elle ne danse pas (c’est-à-dire tout le temps ou presque) dans le film de Lurhmann. D’ailleurs le filmage clip de l’australien, qui ruinait une bonne partie de son film (dommage d’ailleurs car il est proche du ciné hindi dans l’esprit démesuré et une volonté de spectacle total), nous amène à évoquer les cinq séquences dansées et chantées d’ASOKA, plus discrètes qu’à l’ordinaire dans un film hindi, mais que malgré l’époque reculée il n’hésite pas à filmer comme des clips (montage plus rapide, léger surdécoupage), ce qui devrait être une aberration, hé bien non, ça passe comme une lettre à la poste, et ces séquences sont absolument sublimes en plus, encore un exploit à ajouter au crédit du film.
On finira en évoquant Shahrukh Khan, évidemment le choix idéal pour incarner l’empereur Asoka, passant de l’innocence de la première partie à la folie meurtrière de la deuxième (au cours du film on se met vraiment à le détester !), dont on peut dire sans exagérer qu’il est un des plus grands acteurs du monde, du niveau d’un Chow Yun-Fat par exemple, capable comme ce dernier de faire le guignol dans une scène puis de redevenir sérieux en quelques secondes, cela sans compter bien sûr son charisme exceptionnel et sa gestuelle tout aussi sidérante (de ce point de vue c’est le meilleur, je ne l’ai jamais vu dans un film faire un geste qu’il ne contrôle pas totalement ou qui soit inutile), des dons qu’il a perfectionné (c’est un bourreau de travail qui enchaîne les tournages) et qui ont fait de lui la plus grande vedette du ciné hindi depuis dix ans. Découvrir ASOKA sans le connaître est à la limite idéal (ou un peu effrayant) tellement le rôle lui ressemble, un sommet de sentiments contradictoires extrêmes qu’il est parvenu à canaliser à force de volonté et d’enthousiasme pour son métier. On notera également que Santosh Sivan est le réalisateur du déjà culte THE ASSASSIN, l’histoire d’une jeune kamikaze hindi dont le film relate les derniers jours (rien que le sujet on a envie de le voir, bientôt la critique !), car remarqué dans un festival par un John Malkowitch bouleversé (il pleurait presque en répondant aux interviews sur le sujet, véridique) qui a ensuite aidé à sa distribution aux States.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Visuellement superbe ♥ La mise en scène ♥ Les personnages forts ♥ Kareena Kapoor / Shahrukh Khan ♥ Les scènes de danse |
⊗ L’introduction |
Bref, n’hésitez pas à découvrir ASOKA, un film qui, entre tradition et modernité, Inde et occident, trouve son équilibre pour livrer un spectacle somptueux. |
Titre : Asoka / अशोक
Année : 2001
Durée : 2h51
Origine : Inde
Genre : Epopée guerrière
Réalisateur : Santosh Sivan
Scénario : Santosh Sivan, Saket Chaudhary
Acteurs : Shahrukh Khan, Kareena Kapoor, Danny Denzongpa, Ajith Kumar, Hrishitaa Bhatt, Rahul Dev, Suraj Balaje, Umesh Mehra, Subhashini Ali, Gerson Da Cunha