[Film] Anyab, de Mohammed Shebl (1981)

The Rocky Horror Picture Show, version Égyptienne…


Avis de John Roch :
Après The Rocky Horror Picture Show, j’aurais pu enchainer sur Shock Treatment, sa suite si méconnue qu’elle semble n’avoir jamais existé. J’aurais pu également parler de The Rocky Horror Picture Show : Let’s Do The Time Warp Again !, remake/hommage produit pour la télévision à l’occasion des 40 ans du film de Jim Sharman ou un dossier sur les multiples clins d’œil et références dans toute une chiée de films et de séries mais non, c’est mal me connaitre. Je suis parti dans une direction complètement opposée, dans les tréfonds des oubliettes du cinéma pour en sortir une chose dont j’ai appris l’existence complètement par hasard il y a quelques mois : Anyab, de son nom international Fangs, plus (ou moins, c’est selon) connu sous le titre The Egyptian Rocky Horror Picture Show. Ce n’est cependant pas à quoi l’on pourrait s’attendre, car si le film démarre bel et bien comme une copie du métrage culte, il s’en éloigne complètement au bout de 20 minutes pour devenir autre chose. Une autre chose laide, où le rythme et la mise en scène y sont absents, où les longueurs et le montage à la frontière de l’incompréhensible y sont présents, et si bien que le film dure 1h40, j’ai eu l’impression d’avoir passé mon après-midi à le regarder. Avant de passer aux choses sérieuses non, Time Warp n’est pas repris à la sauce Égyptienne. Ce qui n’est pas forcément un mal, mais en y repensant, ça aurait surement apporté un peu de disco sensations à une B.O sur laquelle bien évidement je reviendrai.

Anyab commence donc comme le Rocky Horror, du moins partiellement. Il y a bien une bouche qui chante sur un fond noir, à la différence près que celle-ci laisse entrevoir des canines et que cette chanson est entrecoupée par un genre de dance cérémoniale digne d’un délire d’artistes sous LCD pendant le Burning Man Festival. Jusqu’ici cependant tout va bien, et nous retrouvons juste après notre couple de héros, nos Janet et Brad Egyptiens : Mona et Ali. Ces derniers vont commencer par chanter l’amour qu’ils ont l’un pour l’autre, comme dans le Rocky Horror, mais pays Musulman oblige, ce ne sera pas dans une église mais en pleine rue où quelques figurants se massent pour agiter leurs bras dans une chorégraphie pas vraiment chorégraphiée. Mais jusqu’ici tout va bien. Nos tourtereaux partent pour la fête du nouvel an chez des amis mais comme dans le Rocky Horror, la voiture va crever et ils se retrouvent seuls sous la pluie dans une scène qui pompe le film qu’il photocopie jusqu’à en reprendre l’humour, sans quelques éléments tout de même (les bikers notamment). C’est une fois rentré dans la demeure que les choses changent complétement. Changer, le mot est faible. Ça va partir en couille complétement. Il est évident que dans un pays Musulman, reprendre les thématiques du Rocky Horror Picture Show, qui je rappelle prône toute forme de sexe sauf celle d’après mariage, était impossible. Nos invités ne vont donc pas faire connaissance du Dr. Franck N. Furter mais de… Dracula en personne ! Et tout comme son homologue travesti de la transsexuelle Transylvanie, celui-ci va s’introduire en chanson. Chanson dont l’intro, un son disco où des vampires enlèvent leurs masques de vampires pour montrer leurs vrais visages de vampires (croyez-moi, je n’invente rien…), dure 9 minutes. 9 putains de minutes de torture auditive et visuelle ! Puis le vampire chante, je ne jugerai pas les talents de chanteur de l’acteur, je ne suis pas du tout amateur de musique Arabe et le Raï est pour moi un genre de musique imbuvable (ceci dit il y a quelques morceaux que j’aime bien), tout juste j’ai noté qu’il avait le même timbre de voix que Faudel. S’il y a des amateurs ici, à vous de me dire si c’est une bonne chose ou pas dans les commentaires.

Par la suite, Anyab va devenir un film de Vampire dans la pure tradition du genre (genre dont par ailleurs le réalisateur se moque lors d’un monologue qui fait office de constat sur le film de vampires), Dracula va donc tenter de séduire la belle pendant que son fiancé tente de l’en empêcher. Il y a aussi une histoire de vampire à la Ziggy Stardust avec son éclair dessiné sur sa tronche qui veut renverser le pouvoir de Dracula. Mais avant ça, le plat de résistance. Car si le réalisateur de la chose, Mohammed Shebl, ne parle pas de sexe, il parle politique. Le narrateur de The Rocky Horror Picture Show est ici repris, mais d’une manière inattendue. Alors que Anyab partait dans une direction déjà bien différente de celui qu’il empruntait, il part dans une autre lorsque le narrateur s’embrouille avec Dracula sur l’existence des vampires, et d’un coup, sans prévenir (et il va falloir que ce moment s’arrête pour vraiment comprendre ce qu’il se passe) le métrage se perd dans une autre dimension où Mona, Ali, Dracula et Shalaf (le Rif-Raff local) interagissent dans une succession de sketchs montrant le couple de héros galérer à plusieurs moments de leur vie. Pour résumer : t’appelles le plombier : taxe ! Tu vas au bureau de tabac : taxe ! Tu vas chez le boucher : taxe ! Tu veux une bonne éducation pour tes enfants : taxe ! L’hôpital, le docteur, le taxi : taxe ! Oui, Anyab préfigure avec 10 ans d’avance les frères qui rap-tout, du moins dans ma tête (et dans la vôtre possiblement, essayer de relire tout ça en ayant la chanson des Inconnus en esprit), et tape sur le gouvernement Égyptien, du moins je suppose. Le problème, c’est que ça dure une bonne vingtaine de minutes bien trop longues et qui aurait pu dégager du montage final même si paradoxalement c’est le meilleur moment du métrage. Et c’est là le principal problème de Anyab : on se fait chier, et pas qu’un peu. Car en plus de scènes qui s’étirent plus que de raison (soit 85% desdits scènes, à la louche), le rythme est aux abonnés absent. Un film peut être lent mais jamais long, ici ce n’est pas le cas et Anyab en devient un film ennuyeux du début à la fin, à la mise en scène qui brille par son absence. Car voyez-vous, dans Anyab, le tournage a dû être ennuyeux pour Mohammed Shebl qui pose sa caméra et tourne, et c’est tout. Pas un mouvement de caméra, pas une idée de mise en scène, rien. Question réalisation, on est donc dans une sorte de néant temporel, qui rend encore plus longues ces 1h40 qui l’étaient déjà trop. Quant au montage, il est par moments incompréhensible. Si forcement des cuts auraient été nécessaires dans les scènes d’une longueur sans nom, si tant soit peu celles-ci auraient été filmées sous différents angles, le reste alterne entre des plans subliminaux de plans qui précédaient la minute d’avant, où parfois on a le droit à des onomatopées lors de l’unique scènes d’action du film, ou des incrustations de dessins censés représenter les vampires, mais dessinés par des élèves de maternelles. Coté chansons, et bien c’est comme le rythme du film : il faut attendre. Ne vous attendez pas à une avalanche de titre comme dans The Rocky Horror Picture Show, mais à cinq chansons à tendance nubi-shâabi / disco qui peut très vite taper sur le système. Je ne vais pas m’étendre sur l’utilisation parfois incompréhensible de morceaux de musiques classique tel que Pomp and Circumstance qui arrive à un moment qui pourtant ne prête pas à l’utilisation de cette chanson connue pour être utilisée lors de la remise de diplômes des étudiants Américains. En revanche, l’équipe du film avait une très bonne collection de B.O de films, puisque l’on entend entre autre les thèmes de James Bond, Les Dents De La Mer, Orange Mécanique, La Panthère Rose… ce que l’on peut retenir au final, c’est que la Turquie n’était pas le seul pays bordé par la méditerranée à ne jamais avoir eu dans leur vocabulaire le mot Copyright.

LES PLUS LES MOINS
♥ A un moment, un vampire met un T-Shirt The Rocky Horror Picture Show
♥ Dans le fond… je suppose qu’il y a un fond
♥ Pour être honnête, j’ai aimé la dernière chanson
⊗ Pas de mise en scène
⊗ Pas de rythme
⊗ C’est lent ET c’est long
⊗ La musique en général, à s’arracher les oreilles
⊗ Le montage soit inexistant, soit complétement cramé

Alors comme ça vous êtes fans de The Rocky Horror Picture Show et vous êtes du genre complétiste ? Rassurez-vous, vous pouvez amplement vous passer de Anyab, un film qui contentera les fans les plus fous pendant 20 minutes. En ce qui concerne la suite, l’auteur de ses lignes n’est pas responsable de la gêne occasionnée. Vous êtes prévenus : ne faites pas un saut à gauche, un pas vers la droite, ne mettez pas vos mains sur les hanches et ne repartez pas dans le temps pour découvrir cette chose qui va vous bouffer 1h40 de votre vie… et je ne parle que du temps réel car dans l’esprit, vous allez perdre bien plus.


Titre : Anyab / Fangs / The Egyptian Rocky Horror Picture Show
Année : 1981
Durée : 1h40
Origine : Égypte
Genre : Let’s poop the time warp again !
Réalisateur : Mohammed Shebl
Scénario : Hassn Abd Raboo, Tarek Sharara et Mohammed Shebl

Acteurs : Ahmed adawiyya, Ali El Haggar, Hasan El-Eman, Mona Gabr, Haddey Saddekk, Tal’tt Zean

 Anyab (1981) on IMDb


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Auteur : John Roch

Amateur de cinéma de tous les horizons, de l'Asie aux États-Unis, du plus bourrin au plus intimiste. N'ayant appris de l'alphabet que les lettres B et Z, il a une nette préférence pour l'horreur, le trash et le gore, mais également la baston, les explosions, les monstres géants et les action heroes.
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