[Film] Anora, de Sean Baker (2024)


Annie, alias Anora, jeune américaine d’origine russe, travaille comme danseuse et escort-girl occasionnelle dans un club de strip-tease Newyorkais. Sa rencontre avec un jeune milliardaire va bouleverser sa vie lorsque ce dernier, tombé sous son charme, va lui proposer de devenir sa petite amie officielle pendant une semaine.


Avis de Nasserjones :
Décidemment, les Palmes d’or de ces dernières années ne cessent de me surprendre. Depuis que je m’intéresse au cinéma, j’ai toujours vu la compétition officielle du Festival de Cannes comme un truc surtout réservé à des films d’auteurs exigeants, certes abordant des thèmes intéressants, mais le plus souvent très pénibles à regarder quand on est avant tout un fan de cinéma de genre. En effet, j’ai beau essayer de m’ouvrir au maximum, rien à faire, l’image que j’ai en tête du Festival de Cannes est avant tout celle des films des frères Dardenne, de Michael Haneke ou de Aichatpong Weerasethakul, c’est-à-dire des films chiants et impossible à regarder pour moi, même avec toute la meilleure volonté du monde. Bien sûr, Tarantino et Scorsese aussi ont eu des Palmes d’Or, mais je voyais plutôt ça comme des exceptions, des « anomalies ». Mais voilà que récemment, certains Lauréats sont un peu sortis des sentiers battus de la compétition, notamment le body-horror de Julia Ducournau (même si je l’ai détesté) ou le drame familial beaucoup plus léger et sensible de Kore-eda, Une Affaire de famille (celui-là par contre j’ai adoré). Anora est lui aussi un film qui me semble sortir des sentiers battus habituels de la prestigieuse compétition Cannoise, ou du moins de l’image peut-être clichée que j’ai d’elle.

Présenté vulgairement comme une version trash de Pretty woman, Anora est avant tout un film fun et rafraichissant, pas si trash que ça mais bourré d’énergie et bien drôle. Le métrage commence un peu comme un film de Abdellatif Kechiche sous extasie, avec pas mal de scène de sexe et de nudité où Sean Baker s’amuse à filmer son actrice principale Mikey Madison toute nue et sous tous les angles. Cette dernière nous gratifie d’ailleurs du strip-tease le plus sexy de l’année au cinéma (ou du plus vulgaire c’est selon le point de vue). Le personnage d’Anora nous est présenté comme une jeune femme dynamique et pleine d’énergie qui pratique son métier de strip-teaseuse avec entrain, presque avec plaisir. Sean Baker nous montre la vie dans ce club avec légèreté, sans aucun misérabilisme. Cette première partie est filmée de manière très moderne, très clipesque, à grand renfort de son dance et rap. Dès la première séquence, le tube pop de Take That Greatest Day nous met direct dans l’ambiance. Les trois premiers quarts d’heure du film qui, ont même des faux airs de clip de rap US, vont donc nous emmener dans ce que les américains appellent la fast life avec notre héroïne et son prince milliardaire qui s’éclatent en boite, consomment de la drogue avec allégresse et baisent comme des lapins. Une première partie sympathique qui fera peut-être grincer certaines dents mais qui va vite laisser sa place à une deuxième partie bien différente et bien plus drôle d’ailleurs. Plusieurs personnages un peu farfelus vont entrer en scène et là on va se diriger vers une comédie à la Guy Richie avec un enchainement de scènes à l’humour un peu grotesque. Les hommes de main du riche papa Russe, une sacrée équipe de bras cassés, vont donc se retrouver aux côtés d’Anora, arpentant les rues du quartier Russe à la recherche du fiston disparu, dans des situations souvent ridicules. On s’écarte donc complètement du schéma Pretty Woman 2024 pour aller vers une excellente comédie grinçante. Le conte de fée laisse donc place à une virée nocturne entre loosers et la Cendrillon de Brooklyn revient aux sources en insultant de bon cœur la terre entière avec le langage le plus fleuri.

Tout était quasiment parfait jusque-là, mais malheureusement Anora souffre aussi de la maladie contagieuse du cinéma de ces dernières années, à savoir la maladie du plus de deux heures. Oui Anora aurait été parfait s’il ne faisait qu’une heure quarante mais Sean Baker a choisi comme tout le monde de pousser le bouchon jusqu’à deux heures vingt. Et surtout le film se finit par un dernier acte en cassure complète avec le reste du film. Un dernier acte qui m’a complètement laissé sur le bord de la route, avec ses vingt dernières minutes interminables. Du moins, ce n’est que mon ressenti car beaucoup de personnes ont trouvé cette dernière partie très touchante, voir la plus intéressante du film. Sean Baker, qui jusque-là filmait tous ses personnages avec un certain recul, sans porter aucun jugement, finit par une petite note moralisatrice pas forcément nécessaire. Oui, la vie ce n’est pas « un putain de conte de fée » et, oui, les riches n’ont aucune considération pour les gens plus pauvres, Mélenchon et Manon Aubry seront tout à fait d’accord avec toi Sean. Et que dire de la dernière scène un peu glauque et là pour le coup typique du bon vieux film d’auteur comme on les aime au Festival de Cannes ? Pas très utile à mon sens même si on peut comprendre le besoin d’exploser d’Anora après une journée aussi folle. Encore une fois, ce n’est que mon ressenti qui ne sera pas forcément partagé et, quoi qu’il en soit, même ces vingt dernières minutes n’empêchent en rien Anora d’être une excellente comédie dramatique et une Palme d’Or rafraîchissante.

LES PLUS LES MOINS
♥ Fun
♥ Énergique
♥ L’humour grotesque
⊗ Un peu long sur la fin
⊗ Dernière acte déstabilisant
⊗ Une morale finale pas forcément utile
Malgré ses vingt dernières minutes discutables et un certain voyeurisme qui en agacera certains, Anora est une excellente comédie grinçante, fun et rafraîchissante, à l’humour grotesque qui fait mouche. Une Palme d’Or audacieuse.



Titre : Anora
Année : 2024
Durée : 2h19
Origine : U.S.A
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Sean Baker
Scénario : Sean Baker

Acteurs : Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, youri Borisov, Lindsey Normington, Daria Ekamasova, Vache Tovmasyan, Paul Weissman, Emily Weider, Luna Sofia Miranda

Anora (2024) on IMDb


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Auteur : Nasserjones

Fan névrosé de cinéma HK, élevé aux girls with guns et heroic bloodsheed, j'essaye depuis quelques années de me soigner comme je peux en m'ouvrant un peu plus à des films plus intimistes et différents. Des Philippines au Kazakhstan, de la Corée à l'Indonésie, je poursuis tant bien que mal mon auto-thérapie.
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