Une rue anonyme dans la banlieue de Melbourne. C’est là que vit la famille Cody. Profession : criminels. L’irruption parmi eux de Joshua, un neveu éloigné, offre à la police le moyen de les infiltrer. Il ne reste plus à Joshua qu’à choisir son camp…
Avis de Cherycok :
Si je vous dis « Animal Kingdom », il y a de fortes chances que vous pensiez à la très bonne série de 6 saisons de 2016 se concentrant sur une famille du sud de la Californie, dont le style de vie excessif est alimenté par leurs activités criminelles. Cette série est en fait un remake d’un film australien de 2010, bien moins connu, portant le même nom, qui a fait pas mal de bruit dans les festivals par lesquels il est passé, remportant par exemple le Grand Prix du Public au Festival du Film de Sundance de 2010, pas moins de 10 prix au Australian Film Institute Awards en 2010, et a même été nominé aux Oscars 2011. En 2015, The Guardian l’a même classé parmi les 50 meilleurs films de la décennie. Animal Kingdom a d’ailleurs été acclamé par la critique un peu partout où il est sorti et c’est clairement amplement mérité car en voulant proposer un polar anti-spectaculaire, s’attardant longuement sur sa famille de délinquant, le réalisateur David Michôd (The Rover, Le Roi) nous délivre, pour son premier long métrage, un film froid, angoissant, et extrêmement réussi. Animal Kingdom est d’autant plus impactant qu’il s’inspire de faits réels.
Le scénario d’Animal Kingdom s’inspire de plusieurs crimes qui auraient été commis par la famille Pettingill à Melbourne, en particulier celui impliquant les frères Trevor Pettingill et Victor Peirce ainsi que deux autres hommes, tous acquittés en 1988 du meurtre de deux officiers de police lors de la fusillade de Walsh Street, à Melbourne. Exit ici les malfrats élégants à la Scorsese façon Les Affranchis, on nous présente une famille au demeurant lambda, mais qui composée d’escrocs notoires, dangereux, imprévisibles, que personne n’aimerait avoir comme voisins. Il y a la mère, perturbante par sa façon d’être tout le long du film, qui s’avèrera être un personnage glaçant et effrayant par son pouvoir et par sa façon d’être. Les quatre fils, tous escrocs à leur manière, ont plus ou moins la tête sur les épaules, quand certains n’ont pas le nez dans la drogue, mais l’un d’eux se détache par ses problèmes psychologiques, capable d’envenimer n’importe quelle situation à cause d’un coup de sang. Et il y a enfin le petit fils, qui a atterri dans cette famille après le décès d’une overdose de sa mère, et qui va par la force des choses subir leur vie de malfrat, parfois devoir y participer, et être obligé de composer avec d’un côté ça et de l’autre la Police qui voit en ce jeune homme de même pas 18 ans une jolie porte d’entrée pour les faire tous tomber. Le casting est tout bonnement excellent et l’absence de réelle tête d’affiche, bien que les visages de Guy Perce et de Joel Edgerton ne soient pas inconnus, permet d’être réellement absorbé par cette famille et d’une manière plus globale par le milieu du crime fait de tromperie, de paranoïa et de corruption. On apprend à connaitre cette famille, on s’attache à ces personnages malgré leurs agissements, jusqu’à ce que la vraie nature de certains se révèle et nous glace parfois le sang. Leurs prestations sont réellement marquantes, du jeune premier James Frecheville (alors encore au lycée à cette époque) à la vétérane Jacki Weaver, en passant par un Ben Mendelsohn tout simplement habité en frère psychopathe au comportement effrayant. Le personnage de ce dernier va être le moteur principal du film, et c’est lui qui va entrainer le jeune petit fils vers le chemin de la destruction alors que ce dernier essayait juste de rester clean en essayant malgré tout de se fondre dans cette famille dont sa mère l’avait tenu éloigné.
Le scénario d’Animal Kingdom est très bien écrit et l’histoire qu’il nous raconte est captivante grâce donc aux acteurs et aux personnages très bien caractérisés, mais aussi à une excellente mise en scène anti-spectaculaire, préférant rester sans cesse réaliste pour que les excès de violence sèche et brutale ne soient que plus impactants. Car il y a bien de la violence graphique, oui, mais de manière très sporadique et jamais plus d’une seconde ou deux. Le film préfère s’attarder sur cette violence latente, psychologique, qui va frapper le jeune Joshua, aussi bien de la part de sa famille que de celle de la Police, plus sournoise, plus ambigüe, et de comment Joshua va essayer de survivre au milieu de tout ça. Animal Kingdom parle de la survie, de l’adaptation, et de ce qui définit vraiment le fort, le faible, le bon, le mauvais, comme l’explique l’inspecteur, interprété par Guy Pierce, le temps d’un dialogue sur la façon d’être des animaux (d’où le titre). Le réalisme, on le retrouve également dans les décors, tout à fait lambdas (pas dans le sens péjoratif du terme), mais aussi dans les scènes de vie calmes et intimes de cette famille. La mise en scène de David Michôd, avec cette caméra très souvent au plus près des personnages, va également dans ce sens. Le réalisateur ne cherche jamais à glorifier ses malfrats, tout comme il ne glorifie jamais les moments de violence. L’ambiance y est assez pesante et cette ambiance pesante va aller crescendo et faire gagner au film en intensité au fur et à mesure que le scénario avance. Mais ce qu’il va gagner en intensité, il va le perdre en émotion, sans doute à cause du manque d’un personnage vraiment attachant pour lequel on va réellement s’inquiéter. On ressent certes de l’empathie pour ce jeune homme qui subit cette situation familiale, mais son absence (volontaire) d’émotions du début à la fin nous empêche de réellement s’identifier à lui. Malgré cela, Animal Kingdom est un film méticuleusement conçu qui fonctionne de la première scène jusqu’à son final satisfaisant.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ L’excellent casting ♥ Des personnages travaillés ♥ Le côté réaliste ♥ La mise en scène ♥ L’ambiance claustro et parano |
⊗ Manque un peu d’émotions ⊗ Une première moitié assez lente |
Pour un premier essai, Animal Kingdom est une très belle réussite. David Michôd livre un portrait glaçant d’une famille de malfrats en apparence banale. Un film froid, inquiétant, anti-spectaculaire, mais surtout un très bon film. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Animal Kingdom a amassé au cours de sa carrière dans les festivals pas moins de 39 prix pour 60 nominations au total.
• Comme dit plus haut, le titre du film se réfère à un dialogue du personnage de Guy Pierce, mais il fait également référence à la façon dont la mère protège ses enfants, un peu comme le ferait une louve avec ses petits.
Titre : Animal Kingdom
Année : 2010
Durée : 1h53
Origine : Australie
Genre : Une famille presque ordinaire
Réalisateur : David Michôd
Scénario : David Michôd
Acteurs : James Frecheville, Guy Pearce, Joel Edgerton, Jacki Weaver, Luke Ford, Sullivan Stapleton, Ben Mendelsohn, Mirrah Foulkes, Laura Wheelwright, Justin Rosniak