[Film] After This Out Exile, de Patrick Tam (2006)


Un père de famille, irresponsable et accro au jeu, élève seul son fils après que sa femme les ait laissé tomber pour se marier avec son amant. Rongé par les dettes, le père pousse son fils à voler pour survivre…


Avis de Sanjuro :
Attention: Présence de Spoilers. Après pas loin de deux décennies d’absence en tant que réalisateur (son dernier -et meilleur- film, le magnifique My heart is that eternal rose, remonte à 1989), Patrick Tam revient en forme avec ce drame déchirant et fait, une nouvelle fois, preuve d’une très grande rigueur formelle. Bien que moins stylisé que sur ses films antérieurs (il faut avouer que la patte typiquement 80’s de ses précédents métrages passerait moins bien dans un film actuel), le résultat se révèle hyper maîtrisé, que ce soit sur le plan du découpage ou de la composition picturale. Chaque plan donne l’impression d’avoir été mûrement réfléchi et rien, strictement rien, ne semble être le fruit du hasard. On mentionnera, à ce titre, les quelques accélérations brèves et soudaines du montage (d’autant plus surprenantes que le film se pare d’un rythme relativement contemplatif) qui, loin de se limiter à de simples tics visant à faire monter en flèche la tension du spectateur, prennent tout leur sens lors d’un court flashback à la violence (physique et psychologique) surprenante. En plus d’une mise en scène rigoureuse et maîtrisée, soutenue par une photographie chaude nous faisant littéralement ressentir la chaleur qui pèse sur les personnages, After this our Exile bénéficie d’un travail très poussé sur l’ambiance sonore, décuplant ainsi l’impression de moiteur à la fois douce et oppressante véhiculée par les images (le choix de situer l’action en Malaisie, où Patrick Tam a passé de nombreuses années de sa vie, n’y est pas pour rien).

Avec sa langueur envoûtante parcourue de soudaines explosions de rage jusqu’ici contenue, After this our exile évoque fortement Nos années sauvages de Wong Kar-Wai… Ce qui n’est finalement pas si étonnant que ça puisque Patrick Tam, en plus d’être le mentor du célèbre cinéaste à lunettes noires, n’est autre que le monteur du film précédemment cité. Loin de se contenter d’être un grand formaliste, le réalisateur de The sword prouve une fois de plus son talent en ce qui concerne la direction d’acteurs (souvenez-vous de My heart is that eternal rose et son Tony Leung Chiu-Wai poignant dans un de ses premiers grands rôles). Aaron Kwok, acteur trop souvent inégal, se révèle tout simplement immense dans la peau d’un père de famille paumé et irresponsable (la scène où il menace de se couper la main risque de rester dans les mémoires) … Inutile de tergiverser 107 ans, le bellâtre de Stormriders a, sans hésitation possible, trouvé son plus beau rôle. Mais les autres acteurs ne sont pas en reste. King-to Ng, le gamin se montre franchement convaincant (d’autant plus qu’il n’avait jamais pris de cours de comédie avant le film) tandis que Charlie Young, dans une composition poignante et pétrie de fragilité, prouve une fois de plus qu’elle est une des actrices les plus talentueuses de sa génération (de plus, on ne l’a jamais vu aussi belle). Ici, l’émotion découle naturellement du puissant jeu des acteurs et de la subtile mise en scène de Patrick Tam qui ne souligne jamais lourdement le drame se déroulant sous nos yeux. Le réalisateur pose aucun jugement sur ses personnages et évite toute compassion assenée à grands coups de burin (Patrick Tam n’est pas Lars Von Trier…’Fin bref), ce qui aurait pu faire sombrer le métrage dans le misérabilisme de bas étage.

Mais After this our exile ne serait pas aussi réussi sans cette conclusion bouleversante et d’une rare tristesse, où l’on comprend que la seule victime de ce naufrage sentimental sera l’enfant et non les parents, qui tous deux, parviendront de leur côté à reconstruire une vie familiale harmonieuse. A la fin, le fils (après une dizaine d’années passées en maison de correction), se rend compte qu’il est né 10 ans trop tôt et que d’autres enfants vivent, auprès de ses parents, l’existence heureuse qui aurait pu être la sienne. Il reste seul, brisé… Rien que de mentionner les dernières minutes du film, j’en ai les yeux humides. Ce final en forme de véritable crève-cœur serait capable de faire chialer le plus beauf des fans de la tétralogie Taxi… Quoique je m’avance peut-être un peu trop là… Après 17 ans d’inactivité en tant que cinéaste, on pouvait craindre de Patrick Tam qu’il ait perdu la main où qu’il soit resté enfermé dans les années 80…Que nenni, le bonhomme revient peut-être un chouia plus sage et apaisé que par le passé (même si le rythme posé laisse parfois place à de brefs coups de “speed”), mais au final le résultat n’en est pas moins puissant.

LES PLUS LES MOINS
♥ Un drame déchirant
♥ Mise en scène maitrisée
♥ Très bonne bande son
♥ La direction d’acteur
⊗ Un rythme lent qui peut dérouter
Je terminerais cette petite bafouille par une petite remarque concernant les premières minutes du métrage. Dès le début, le réalisateur de Final Victory pose la tonalité mélancolique dans laquelle baignera le film via l’utilisation de la chanson “You are my sunshine”… Impossible pour l’amateur de cinoche HK de ne pas penser à une des autres grandes réussites hongkongaises de l’année 2006, c’est à dire Dog bite dog (en même temps il y’en a pas eu des masses…) dont la conclusion très sombre se parait de la même mélodie.



Titre : After This Our Exile / 父子
Année : 2006
Durée : 2h01 (v. courte) / 2h40 (director’s cut)
Origine : Hong Kong
Genre : Drame
Réalisateur : Patrick Tam
Scénario : Patrick Tam, Tian Koi-Leong

Acteurs : Aaron Kwok, Charlie Young, Valen Hsu, Ian Iskander Gouw, Kelly Lin, Allen Lin, Qin Hai-Lu, Chui Tien-You, Amber Xu Wang Yi-Xuan, Mak Kwai-Yuen

 Fu zi (2006) on IMDb


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Auteur : Sanjuro

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