Un groupe d’humanitaires est en mission dans une zone en guerre : Sophie, nouvelle recrue, veut absolument aider ; Mambru, désabusé, veut juste rentrer chez lui ; Katya, voulait Mambru ; Damir veut que le conflit se termine ; et B ne sait pas ce qu’il veut.
Avis de Iris :
Plantés devant le programme ciné à se demander quoi aller voir en cette semaine de sortie du très annoncé Batman Vs Superman, on épluche tout ce qui n’impliquera pas un super héros en collants et cape, aussi multimillionnaire fusse-t-il. Et au milieu des affiches, un petit film qui ne fait pas de bruit mais au casting qui attire l’œil. Un cast international pour un réalisateur relativement peu connu, espagnol, à qui l’on doit déjà Les Lundis au Soleil et Princesse. Une bande annonce prometteuse plus tard, allez, échappons donc à la folie snyderienne et plongeons dans l’univers d’une ONG qui écume les Balkans dans une Bosnie qui voit la guerre se terminer…. Ou pas.
Fernando León de Aranoa adapte le roman Dejarse Llover de Paula Farias et va le travailler de façon assez surprenante n’étant jamais vraiment un drame, jamais vraiment une comédie, jamais vraiment un film de guerre et pourtant toujours tout cela à la fois. On va suivre cette ONG pendant deux jours qui va a priori nettoyer les points d’eau ô combien précieux dans ces régions et points névralgiques pour tout ce qui touche au sabotage, au dépôt de mines et autres actes sympathiques pour anéantir les sources d’eau potable des populations locales. Dommage collatéral quand tu nous tiens ! Ici donc, première rencontre avec nos acteurs : l’extraction d’un cadavre putride et très bien nourri d’un puits au milieu des montagnes. Et découverte de ce que la guerre peut avoir comme effets sur les populations civiles qui la subissent ou en profitent c’est selon. Et de ce que le point de vue de la bureaucratie onusienne bien loin des conflits terrain peut avoir de décalé.
Mais c’est là que le talent incroyable de De Aranoa entre en jeu. Ayant déjà filmé des missions ONG en tant que documentariste dans une vie antérieure, il connait fort bien son sujet. Et la première chose qui saute aux yeux, c’est cette impression de justesse et de réalisme dans la profondeur des personnages. Le casting excellent porte tout cela avec un talent qui rivalise avec celui de la mise en scène. Des images d’une beauté incroyable pour nous mener par le bout du nez où il veut et une bande originale alternant entre pop rock (avec deux morceaux excellents de Lou Reed notamment qui tombent à la perfection) et silences lourds lors de moments où la tension est plus présente, plus palpable. Une fois ce décor et cette ambiance plantés, on va donc être baladé dans l’horreur de la guerre tout en n’y étant jamais vraiment confronté à grand renfort d’images choc et de tripailles à l’air, mais présente à chaque instant dans des sous-entendus lourds de sens, des situations dont chacun peut connaître l’issue ou deviner l’horreur qui est arrivée. Avec tous ces petits à côtés d’un cynisme typiquement humain avec un sens aiguisé du profit comme quand ceux qui probablement polluent les puits vendent de l’eau potable à ces endroits-mêmes où ils ont sali les sources. 6 $ le seau, pas cher ! Et où un ballon peut devenir un trésor, où on met deux jours à trouver une corde, où les vaches mortes deviennent affreusement flippantes.
Mais on n’est jamais dans le pathos parce que justement le parti pris est celui de dédramatiser avec cette même arme qui sauve dans les situations horribles de la réalité : l’humour ! Et en effet, que ce soit drôle (et c’est drôle ! on éclate sincèrement de rire à plusieurs moments du film) n’est sans doute pas un effet voulu sans réflexion, les personnages sont drôles parce que sans doute faut-il l’être quand on est confronté au pire quotidiennement. Et cela passe à merveille, cela fait du bien, pour tout dire, ça soulage ! Parfois flirtant avec l’absurde dans des dialogues légèrement WTF. Des personnages emblématiques, soignés avec une attention particulière pour qu’ils ne soient pour autant jamais trop caricaturaux, avec un Del Toro parfait en vieux briscard de l’humanitaire un brin désabusé, un Tim Robbins énorme en hurluberlu quelque peu timbré (mais tout de même suffisamment ancré dans la réalité pour être pertinent), la jeune idéaliste française qui cite les conventions de Genève en croyant encore en leur application sur le terrain (quelque part c’est beau ^^) et la bureaucrate onusienne bourrée de préjugés qui va se prendre la réalité du terrain en pleine gueule de la façon dont elle aurait le plus souhaité éviter. L’interprète plus impliqué dans le tissu local et qui a évidemment le plus à perdre quand on menace les proches. Et le petit gosse, qui aurait pu être un boulet mais qui au final devient même le fil conducteur de certains événements. Alors certes, cela pourrait être facile et d’aucun pourraient reprocher à Fernando León de Aranoa de faire ce qui s’est fait maintes et maintes fois. Sauf que ce pari est relevé avec brio, pour livrer une œuvre parfaitement équilibrée, où le mélange des styles est tout à fait délicieux, et de laquelle, malgré l’ancrage du sujet qui se déroule en 1995 et qui reste parfaitement d’actualité dans d’autres contrées du Globe, on ressort avec un gros sourire aux lèvres bien que confrontés à l’impuissance parfois des humanitaires qui se plient aux lois, aux règles, au danger, en observateurs impotents des situations que seul l’humain peut créer.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ La photographie ♥ Le casting ♥ L’ambivalence ♥ La mise en scène |
⊗ Attendez, je cherche encore… |
Ce film est une petite pépite qui doit à sa mise en scène, à sa photographie, à sa BO, à son casting et à sa bilatéralité entre drame et comique surréaliste, bref au talent de son réalisateur d’être un gros coup de cœur et une très belle surprise. En gros, une vraie réussite ! |
Titre : A Perfect Day / Un Jour Comme les Autres
Année : 2016
Durée : 1h46
Origine : Espagne
Genre : Mais où est passée cette corde ?
Réalisateur : Fernando Leonde Aranoa
Scénario : Fernando Leonde Aranoa, Diego Farias
Acteurs : Benicio Del Toro, Tim Robbins, Mélanie Thierry, Olga Kurylenko, Fedja Stukan, Eldar Residovic, Sergi Lopez, Nenad Vukelic, Frank Feys, Morten Suurballe