[Film] A Night in Nude, de Ishii Takashi (1993)


Jiro est un homme qui offre ses services, où il fera n’importe quoi tant qu’on le paye. Une femme déclarant être de Fukuoka paye ses services afin qu’il lui montre les alentours de Tokyo. Ce que Jiro ignore, c’est qu’en réalité, elle lui ment depuis le départ, et est en fuite, pourchassée par un son petit ami, un Yakuza violent tenant un bar à hôtesses.


Avis de Rick :
Si j’ai pu voir au fur et à mesure des années plusieurs films signés Ishii Takashi, comme ses deux Black Angel, Freeze Me ou encore Flowers & Snake, je ne me considère pas du tout comme un connaisseur de son cinéma. Je n’ai pas vu ces Gonin (pas faute d’avoir le premier en dvd depuis bien 10 ans), je n’ai vu aucun de ces travaux récents, ni même ces premiers films dans les années 80, comme la saga Angel Guts, dont il réalisa deux opus en 1988 et 1994, mais dont il fut le scénariste dés 1979 (Angel Guts : Red Classroom, puis Nami, et enfin Red Porno). Mais voilà, j’ai apprécié le peu que je connais de lui, et retiendrais toujours qu’il fut le scénariste de l’escellent Evil Dead Trap en 1988. C’est donc plein d’espoirs que je me serais lancé dans A Night in Nude, qu’il écrit et réalise en 1993, un thriller d’ambiance et de manipulation à base de Tokyo nocturne, de néons. Un portrait de personnages que l’on pourrait qualifier de ratés, de loosers, qui vont se retrouver ensemble pour un coup qui va plutôt mal tourner. Nami va en effet contacter Jiro, de son vrai nom Muraki, qui tient une entreprise où il offre ses services pour faire… basiquement tout et n’importe quoi. Le contrat est simple, elle affirme venir de Fukuoka et veut qu’il lui montre Tokyo et ses environs. Un job facile et loin d’être désagréable, loin de certaines tâches qu’il a l’habitude de faire. Mais tout ceci n’est qu’une illusion, Nami l’ayant en effet choisi afin de mettre son plan à exécution, à savoir se débarrasser de son petit ami, Kozo, un yakuza tenant un bar à hôtesses, qui a pour habitude de la maltraiter. Et par se débarrasser, on parle bien évidemment de meurtre.

Jiro va donc se retrouver embarqué dans une histoire qui ne le concerne pas, mais à laquelle il va s’accrocher mine de rien, au départ car il n’en a pas le choix (il se retrouve avec le cadavre sur le dos), puis car le frère de la victime le pourchasse (excellent Shiina Kippei, qui peut se vanter d’avoir tourné pour Kitano, Miike, Shimizu ou Sono), puis tout simplement par choix. Et c’est bien les personnages et leur évolution, leurs blessures qui semble intéresser Ishii Takashi, puisqu’il prend le temps de poser l’ensemble, de poser son ambiance, de développer ses personnages, sans pour autant céder aux sirènes de la facilité. Pas de rythme fou, de twists à gogo, mais une histoire simple, qui sait prendre son temps pour laisser les personnages s’exprimer. Certains pourront probablement du coup trouver le rythme trop lent, voir même qualifier le film de faux thriller dans ce qui s’apparente parfois plus à un film sur les apparences, sur la tromperie. On trouve clairement tous les éléments attendus, avec ce meurtre, cette manipulation, ce qui s’apparente à une femme fatale, ces personnages violents, sans morale, et donc peu recommandables. Mais le plus souvent, l’ensemble donne l’impression de n’être là que pour habiller ce Tokyo nocturne, lui donner de la vie, et donner une motivation et un parcours clairement définis aux personnages. En ce sens, Ishii réussi clairement son pari. Car son film a un petit côté hypnotisant, ces personnages ont ce petit côté de loosers ratés qui les rend attachants. Réalistes peut-être, dans cet environnement surréaliste. On peut même ici voir quelques éléments qu’Ishii réutilisera plus tard dans sa carrière, comme la conservation d’un cadavre par le froid (Freeze Me). Mieux, le réalisateur parvient à se renouveler au fur et à mesure de son récit tout en restant fidèle à son ambiance, à ses personnages.

Car j’ai eu peur, arrivé au dernier tiers du film, que celui-ci n’ai plus rien à raconter, tant les différents éléments narratifs du film semblaient clôt. Et je suis très heureux de m’être trompé, voyant le réalisateur et scénariste aller plus loin dans ses thématiques, et achever le parcours de ces personnages avec justesse, mais également avec tristesse car on s’en doute, l’issue de toute cette histoire ne pourra pas être positive pour tout le monde. Rien d’étonnent non plus vu que le métrage s’amuse en quelque sorte à placer ses personnages dans un contexte fataliste dés le début de l’aventure. Entre notre héros, solitaire et vivant en pleine solitude, cette femme meurtrie qui décide de prendre son destin en main, maladroitement, ou cet homme, ne sachant presque s’exprimer que par la violence, et qui tuerait n’importe qui dans l’espoir de retrouver son frère. Ce sont tous des âmes errantes, solitaires par choix ou par contrainte, et bien qu’étant dans ses grandes lignes un thriller, c’est bel et bien ce long final, une fois que chaque personnage a joué toutes ces cartes et que l’intrigue prend un tournant plus dramatique, qui m’aura marqué. Ishii a réussi son coup, livrant là peut-être le film que je préfère de toute sa filmographie, bien qu’il m’en reste plusieurs à voir. Il est aidé par la magnifique photographie nocturne, par un ton sombre mais tout en retenu, et par la prestation de ces trois acteurs principaux, investis et crédibles.

LES PLUS LES MOINS
♥ Des personnages intéressants
♥ Une mise en scène simple et élégante
♥ Un excellent final
♥ Une ambiance souvent tendue
⊗ Un rythme lent qui tend plus vers le drame que le thriller
A Night in Nude est un métrage très intéressant pour son trio de personnages principaux, et par le côté joueur du réalisateur vis-à-vis des attentes du genre, qu’il retarde, pour finalement livrer de très beaux moments.



Titre : A Night in Nude – Nûdo no Yoru – ヌードの夜
Année : 1993
Durée : 1h50
Origine : Japon
Genre : Policier
Réalisateur : Ishii Takashi
Scénario : Ishii Takashi

Acteurs : Takenaka Naoto, Yô Kimiko, Nezu Jinpachi, Shiina Kippei, Hayami Noriko, Iwamatsu Ryô et Murota Hideo

 Nûdo no yoru (1993) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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