Après 14 ans passés derrière les barreaux, Wait Yat Ming retrouve sa fille adoptive, dont il a assassiné le père, ainsi que la femme qu’il aime. Il est décidé à abandonner sa vie de gangster mais son ancien gang plongé dans une guerre sanglante a plus que jamais besoin de lui.
Avis de Nasserjones :
Les vieux fans de cinéma hongkongais le savent très bien, pendant des années, être fan de cinéma HK c’était un vrai parcours du combattant. Un vrai calvaire même. Bien sûr il y avait les éditions HK Vidéo qui nous ont permis de découvrir un paquet de films, mais si on voulait regarder certains grands films comme School on Fire ou My Heart is That Eternal Rose, découvrir l’incroyable filmographie de la reine Moon Lee ou juste se faire les Sammo Hung les moins connus, eh bien on avait que deux solutions : le téléchargement, la plupart du temps de DVDrip pourris de 700 Mo avec des images pire que des VHS et des sous-titres chinois et anglais souvent superposés jusqu’à rendre le truc quasi illisible, ou l’import, et souvent là aussi dans des éditions lamentables. Parfois ces conditions de visionnages ne nous empêchaient en rien d’apprécier les films, même si la frustration était énorme, mais d’autres fois, je pense qu’elles ont empêché beaucoup de films d’être considérés à leur juste valeur. Depuis 4/5 ans, un petit miracle s’est produit, les films de l’âge d’or du cinéma de Hong Kong sont aujourd’hui remasterisés à la chaîne en HD et Spectrum en a profité pour remplacer HK Vidéo pour notre plus grand bonheur (et pour le malheur de nos portefeuilles). Malgré tout, le parcours du combattant n’est pas fini. Des centaines de films, juste de la période 1986 à 1995 ne sont toujours pas disponibles en HD et d’autres le sont mais sans sous-titres anglais. Il faut donc, si on en est capable, se procurer les films et réussir à recaler dessus des sous-titres des anciennes versions SD. Comme je vous le dis, le parcours du combattant n’est pas encore fini.
C’est le cas de ce A Killer’s Blues, petite perle méconnue comme tant d’autres du heroic bloodsheed post Syndicat du Crime des années 80. Comme beaucoup de films de cette époque qui tentaient de surfer sur le succès de la bombe de John Woo, A killer’s Blues reprend exactement la même intrigue que Le syndicat du Crime, à savoir un ex-truand qui aimerait se ranger mais qui est prisonnier de son passé et, pour bien faire, une des stars du polar de John Woo au casting, Ti Lung. A cette époque-là, c’était le cas de 70 % des heroic bloodsheed qui sortaient et qui faisaient appel soit à Chow Yun Fat, soit à Ti Lung, ou encore mieux à Ti Lung et Chow Yun Fat comme dans le très sympathique City War de Sun Chung. Et bien sûr comme dans tout heroic bloodsheed qui se respecte on a encore droit à l’éternelle guerre de gang, Roy Cheung en bad guy arrogant qui cabotine et frime comme il l’a fait dans 99% de ses rôles et un ramassis de clichés finalement inutiles à énumérer, tant nous les connaissons tous par cœur. A Killer’s Blues ne brille franchement pas par son originalité. La seule petite particularité du film, par rapport à tous ses concurrents, est la relation un peu ambiguë entre le personnage de Ti Lung et sa fille adoptive qui au travers des lettres qu’elle va recevoir pendant 14 ans de son tuteur va développer un véritable fantasme amoureux envers lui. Cette relation aurait pu être bien plus intéressante si elle avait été traitée avec plus de profondeur, de manière plus psychologique, mais elle est ici traitée de manière un peu superficielle et naïve. Oui A Killer’s Blues est un pur film d’exploitation, mis en chantier par des producteurs opportunistes. Comme l’ont relaté bon nombre de réalisateurs de cette époque, en ces temps-là, les réalisateurs considérés comme des réalisateurs de seconde zone, ou débutant, avaient bien du mal à monter des projets personnels et devaient se contenter de films de commande surfant sur les modes du moment. Beaucoup durent donc réaliser des heroic bloodsheed après 1986, puis des films de fantômes après le succès d’Histoire de fantômes chinois ou des wu xia pian câblés après la sortie de Swordsman.
Toutefois, en tout temps et dans tous les pays, le cinéma d’exploitation a toujours enfanté des très bons films et dans le cinéma de genre, les clichés même les plus grossiers peuvent être finalement les bienvenus. On retrouve finalement dans ce A Killer’s Blues tout un tas de poncifs du genre qu’on aime retrouver et qui font toujours autant plaisir même trente plus tard : les éternelles bastons générales à la machette, le reflet des néons hongkongais sur les parebrises dans les scènes de nuit, cette photographie bleutée typique du cinéma de l’époque et surtout cette noirceur et cette mélancolie que les coréens voulurent copier par la suite de manière plus artificielle et plus forcée. Le cinéma de Hong Kong de la fin des années 80 et du début des années 90, on le sait, était un cinéma qui portait les stigmates d’une époque trouble et incertaine et les angoisses de tout un peuple, ce qui rendait son nihilisme si authentique. Et puis bien sûr, comme tout bon heroic bloodsheed qui se respecte, le film se finit dans un bain de sang comme il se doit, assez inventif d’ailleurs, où le héros Ti Lung marque ses ennemis au phosphore pour pouvoir les voir dans le noir afin de mieux les flinguer. Par la suite, Raymond Lee se spécialisera dans le polar où il signera d’autres très belles réussites, toutes passées inaperçues comme Blue Lightning avec Tony Leung et Danny Lee, Police Confidential avec Simon Yam ou encore Rebel from China et Set me Free. Au rayon des solides artisans de l’âge d’or, il serait peut-être temps de réhabiliter Raymond Lee. On pourrait même placer son nom tout en haut de la liste des réalisateurs à redécouvrir.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Ti Lung super charismatique ♥ L’ambiance bleutée et la noirceur des productions de l’époque ♥ Une histoire classique mais qui se suit agréablement ♥ Des scènes d’actions rares mais sanglantes |
⊗ Sans surprise |
A Killer’s Blues est une petite pépite noire méconnue du Heroic bloodshed hongkongais de la fin des années 80, un polar sombre et mélancolique, porté par un génial Ti Lung. |
Titre : A Killer’s Blues / The Killer’s Blues / 邊緣歲月
Année : 1989
Durée : 1h28
Origine : Hong Kong
Genre : Heroic Bloodshed
Réalisateur : Raymond Lee
Scénario : Nam Yin
Acteurs : Ti Lung, Olivia Cheng, Fennie Yuen, Roy Cheung, Mark Cheng, Lo Lieh, Wang Hsieh, Bau Hon-Lam, Timothy Zao, Lam Chung, Terrence Fok, Chan Cheuk-Yan