[Film] A Beast in Love, de Shiraishi Kôji (2020)

Un petit coin perdu dans la campagne Japonaise. Un bar, où un couple un peu grotesque travaille, et dans lequel plusieurs personnages vont se retrouver, dont un petit gang juvénile martyrisant le dernier venu dans la bande, qui essaye de contrôler ses pulsions, mais aussi un tueur qui s’habille en femme. Et si la rencontre entre tous ces individus étranges menait à l’amour ?


Avis de Rick :
Dois-je encore faire l’affront de présenter Shiraishi Kôji en 2023 ? Malheureusement, oui, puisque passé les sorties en France de deux titres importants de sa filmographie (en réalité, trois, mais le dernier est très mineur), le reste, pourtant conséquent, est inconnu et inédit. En France donc, Shiraishi, on le connait pour deux films majoritairement. Son plus grand film d’ailleurs, Noroi, et le film choc Grotesque, qui a sans doute eu droit à une sortie suite à diverses polémiques et son interdiction totale en Angleterre. On aura aussi eu Ju-Rei, un de ses premiers métrages, du V-Cinema un peu fauché surfant sur la vague des produits comme Ju-On, mais qu’importe (même si l’édition boitier en métal est fort jolie). Le reste, c’est l’inconnu. Ce qui est dommage, car si sa carrière tourne par moment en rond à force de vouloir encore et toujours faire du found footage, Shiraishi a un style, des thèmes, et surtout des films qui mériteraient clairement une sortie. Comment ne pas citer Carved, film très réussi sur la légende urbaine de la femme à la bouche tranchée, ou les deux petits films sur Teke Teke, ce monstre marchant sur les mains, n’ayant plus de jambes, ou encore pour rester dans le domaine du found footage, Cult en 2013. Et aujourd’hui, Shiraishi a enfin, en quelque sorte, la confiance de pas mal de studios, puisqu’en jetant un œil à ses derniers métrages, on remarque tout de même qu’il aura bossé pour Kadokawa en signant Sadako VS Kayako, pour Gaga Pictures en adaptant Hell Girl (Jigoku Shôjo), ou encore pour Pony Canyon en signant Impossibility Defense (Funôhan). Bref, oui, un réalisateur très productif, capable parfois sur une seule année de livrer trois produits vidéo, un film de cinéma, sans compter des vidéos musicales et autres courts métrages. Son dernier métrage en date (lorsque ses lignes furent écrites, maintenant c’est mort, avec 2 ou 3 longs et une série), A Beast in Love, est passé totalement inaperçu, sans doute car il a eu la malchance de sortir en 2020, en fin d’année, où il était donc difficile d’avoir un minimum de visibilité.

Et bien avec sa pochette aux teintes jaunes et sentant bon le film d’exploitation, le fait que Shiraishi réalise mais écrit également, et le simple pitch de départ qui promet un retour aux sources pour l’auteur, dans un mélange de genre grotesque et absurde, forcément il me faisait de l’œil. Et je n’ai pas été déçu du voyage, malgré des réserves, car A Beast in Love n’est pas un film qui se laisse facilement approcher. Par contre, j’ai pu lire quelques avis de spectateurs outrés par le métrage et son contenu. Avons-nous vu le même film ? Non, car parfois, ça va tellement loin dans l’absurde et donc, le grotesque, voir l’humour totalement volontaire qu’il ne faut, je pense, absolument pas prendre tout ça au sérieux. Shiraishi nous avait déjà fait en plus ce coup-là sur plusieurs métrages, notamment lors de ces finals (on se souvient du final de Grotesque, film qui porte donc bien son nom, ou de celui de Occult, que je n’apprécie pas particulièrement, mais qui ose des choses). Alors oui, dés le plan d’ouverture, certains seront choqués. Oui, j’ai même lu certains traitant le métrage de merde mettant en avant la transphobie. Moralité, en 2023, on ne peut donc plus rien faire, plus mettre en scène la moindre idée, et surtout, ne plus se moquer de rien du tout ? Quelle triste époque. A Beast in Love, dans le fond en tout cas, ça prend presque la forme d’un film chorale, voir d’un film à la Tarantino. Dans le sens où nous avons là plusieurs personnages, dont aucun n’apparaissant comme sympathique, qui vont se retrouver d’une manière ou une autre dans un bar, où tout va se tirer méchamment en cacahouète. Nous avons le groupe de délinquants, constitué de deux hommes et de la petite amie d’un d’entre eux, qui s’amuse à martyriser le petit dernier du groupe, n’hésitant pas à le passer à tabac ou bien pire encore, mais je n’en dirais pas plus. Ce martyre, on pourrait presque dire qu’il est le personnage principal, et qu’il cache en plus un lourd secret, puisqu’il essaye de contrôler la part sombre qui est en lui. De l’autre côté, nous avons donc notre tueur, qui s’habille en femme, et qui est par moment véritablement hilarant.

Sa première scène, où il va s’en prendre à un pauvre passant en vélo et lui en mettre plein la gueule car il refuse de l’épouser, je l’admets, j’ai beaucoup ri. Puis il y a le bar, géré par un couple, qui parfois, s’engueule et en vient aux mains. Tout ce bon monde va se retrouver entre quatre petits murs, et ça va saigner. On pourrait presque faire le rapprochement avec Une Nuit en Enfer de Rodriguez, sauf que Shiraishi lui n’essaye même pas une seule seconde de rendre ces personnages sympathiques, et ne veut absolument pas laisser le grotesque de l’ensemble loin de tout ça. L’effet un peu indésirable que ça a eu sur moi, c’est que du coup, j’avais parfois du mal à me sentir pleinement impliqué lorsque le film verse dans des tons bien plus sombres, et c’est dommage. Comme si Shiraishi y avait été un peu trop à fond ce coup-ci pour moi, et que, même si j’ai passé un bon moment sur l’ensemble du métrage, il manquait ce petit quelque chose. Une mise en scène appliquée, des scènes folles, des rires, une violence qui fonctionne (malgré parfois le sang en CGI) et des acteurs que l’on apprécie n’aura pas suffit. Pourtant, on retrouve des habitués du cinéma de Shiraishi devant la caméra, comme Uno Shohei (Occult, Chô Akunin, Kami Idol Sousenkyo Battle), Kuboyama Chika (tous les Senritsu Kaiki Files), ou encore Osako Shigeo (Grotesque) Mais à mon sens, il manque quelque chose à A Beast in Love. Peut-être un meilleur dosage entre ces différents éléments ? L’ajout d’un personnage plus sympathique qui constituerait une porte d’entrée vers cet univers sombre, violent et parfois nonsensique ? Peut-être tout ça ? Ce n’est pas parfait, mais malgré tout, j’apprécie l’effort, et la perspective que Shiraishi soit enfin libéré des faux documentaires et autres films tournés caméra à l’épaule me réjouit. Même si depuis, il y est revenu le bougre. Des réserves, j’en ai, mais pourtant, A Beast in Love se regarde très bien, entre moments inquiétants et moments comiques, le tout bien emballé.

LES PLUS LES MOINS
♥ Film étrange
♥ Un ton grotesque, violent, absurde
♥ Des passages vraiment très drôles
♥ Un bon casting
⊗ Trop grotesque et fou constamment ?
⊗ Aucun personnage n’aspire de la sympathie
note6
Sorti de manière discrète fin 2020, A Beast in Love est un film où Shiraishi retourne un peu à ce qui fait son cinéma. De la violence, du grotesque, des situations absurdes. Il en fait sans doute un peu trop, mais au moins, il évite la caméra documentaire.


Titre : A Beast in Love – Koisuru Kedamono – 恋する けだもの
Année : 2020
Durée :
1h26
Origine :
Japon
Genre :
Comédie horrifique grotesque et romantique
Réalisation :
Shiraishi Kôji
Scénario :
Shiraishi Kôji
Avec :
Uno Shohei, Kimura Tomoki, Tanaka Shunsuke, Kuboyama Chika, Osako Shigeo, Kaneko Suzuyuki et Ueno Shiori

A Beast in Love (2020) on IMDb


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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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