Xiao Jie est malaisienne : âgée de 20 ans à peine, elle débarque à Taipei simplement armée de son jolie sourire, de sa rafraîchissante naïveté et surtout d’une réelle volonté de réussir dans la chanson. Xiang, la trentaine et hôtesse de l’air, a bien du mal à se fixer avec un homme. La faute à son travail, qui l’accapare tant. La faute aussi à ses amants, qui lorsqu’ils ne sont pas mariés font preuve d’une immaturité susceptible de décourager jusqu’aux femmes les plus endurcies. Lily enfin, navigue autour de la quarantaine, et ne songeait sans doute pas en connaître toutes les peines. Pourtant et contre toute attente, elle va divorcer : son mari l’a trompée. Désireuse de refaire sa vie, elle va essayer de goûter à nouveau au fruit défendu, aux différents excès de sa jeunesse enfuie. Mais est-ce véritablement ce dont elle avait besoin ?
Avis de Oli :
Trois cœurs, trois portraits, trois générations de femmes modernes, pour presque autant de sourires et de pleurs. Angelica Lee incarne la jeunesse naïve et énergique, Rene Liu campe la femme hésitante à l’approche de sa trentième année, Sylvia Chang enfin, qui réalise aussi, cherche à nous prouver qu’une remise en question est toujours possible, même à quarante ans passés. Trois femmes pour trois histoires donc, qui ne vont jamais véritablement se croiser, un peu perdues entre songes et douleurs, rires et amours d’un soir, au sein d’une envoûtante Taipei.
L’atout principal du film de Sylvia Chang est son savant dosage entre une évidente fraîcheur de ton et une certaine gravité. La réalisatrice ne cherche ainsi jamais à faire pleurer dans les chaumières, bien au contraire : on sent qu’elle a souhaité dédramatiser le tout (jusqu’à cette scène à la fin, lorsque Lily, désœuvrée, fait face à son miroir). On se surprend ainsi souvent à sourire, malgré la peine certaine qui habite les personnages. Oui, on sourit parce que les protagonistes font de même, qu’ils ont chacun décidé de prendre la vie à bras le corps, et accessoirement de la secouer un peu dans tous les sens pour l’amener là où eux-mêmes entendent bien aller. Le message que distille le film est donc bien entendu positif, Sylvia Chang, même si elle n’hésite pas à nous mettre en garde contre les obstacles de chaque grande étape de notre vie, souhaite nous démontrer que là où il y a un problème il y a également une solution. Mais celle-ci n’apparaît jamais seule : il nous faut l’imaginer, la dessiner, pour finalement l’imposer. Pas forcément aux autres, mais plutôt à nous-mêmes. Oui pour qu’une blessure se referme, il faut avant tout y mettre du sien.
Pour que ses actrices principales incarnent le plus naturellement possible les protagonistes qu’elle a imaginés, Sylvia Chang a demandé à Rene Liu et à Angelica Lee d’écrire le background de leurs personnages respectifs. Leur inventer une histoire, des amours, y mettre un peu de leurs chairs. On se rapproche ici de la démarche du réalisateur Nobuhiro Suwa, qui demanda à peu près la même chose à ses deux acteurs principaux dans le film M/OTHER. Bien entendu, le concept a été beaucoup plus poussé dans M/OTHER, néanmoins la prise de risque de Sylvia Chang reste à saluer. Notons pour terminer que le film entier baigne dans la culture taiwanaise : en effet si 20-30-40 se déroule au beau milieu de Taipei, il faut également préciser que l’ambiance musicale est très marquée par Taiwan. Nous avons ainsi droit à quelques clins d’œil à des stars locales, telles que Chyi Yu ou encore (et surtout) Bobby Chen. Bobby Chen qui n’est pas là par hasard (si vous ne le connaissez pas, c’est lui que l’on voit brillamment interpréter la chanson » I left sadness to myself » dans un bar), puisqu’il produit (ou a produit) un peu toutes les personnes qui apparaissent dans le film 20-30-40 : Sylvia Chang, Angelica Lee, Rene Liu, Richie Ren… Tout cela n’a rien de surprenant lorsque l’on sait qu’en Asie, et plus particulièrement à Hong Kong et à Taiwan, la frontière entre chanson et cinéma est très souvent inexistante.
Malgré tout cela, toutes ces bonnes intentions et ces quelques seconds rôles amusants et convaincants (notamment Anthony Wong, qui est aussi musicien, et dont il est amusant de savoir qu’il a autrefois connu quelques déboires avec certains de ses albums, un peu à l’image de ce que vit son personnage dans le film), 20-30-40 ne tient pas toutes ses promesses. En effet, le spectateur peine parfois pour véritablement s’investir dans le film. Sylvia Chang a du mal à briser cette distance qui nous sépare des acteurs, à nous faire participer à leurs doutes et à leurs peurs. Il faut bien aussi avouer que d’autres réalisateurs excellent aujourd’hui dans le genre, et que si l’on s’amuse à comparer ce film ci avec les derniers longs métrages de Hong Sang Soo, le 20:30:40 de Sylvia Chang y perd énormément de saveur.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Le mélange fraicheur / gravité ♥ Le message positif ♥ Des personnages travaillés |
⊗ Quelques erreurs de mise en scène |
Efforçons-nous donc de prendre 20:30:40 pour ce qu’il est, sans forcément le comparer avec ce qui se fait de mieux aujourd’hui en matière de drame/chronique romantique. Tout spectateur devrait en ressortir le cœur léger, sans forcément en ayant envie d’y revenir bien vite. Mais avec la sensation acquise d’avoir passé un bon moment. |
Titre : 20:30:40
Année : 2004
Durée : 1h48
Origine : Hong Kong
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Sylvia Chang
Scénario : Vincci Cheuk, Sylvia Chang, Cat Kwan
Acteurs : Shaun Tan, Melvin Chen, Erick Chun, Melvin Lee, Vynn Soh