Lau Kar-Leung, de son nom mandarin Liu Chia-Liang, est un célèbre réalisateur / acteur / chorégraphe et maitre d’arts martiaux de Hong Kong, nié le 28 juillet 1934. Il est considéré comme l’une des figures les plus influentes du cinéma d’Arts Martiaux, notamment en raison de sa contribution majeure aux films de la Shaw Brothers dans les années 70 et la première moitié des années 1980. Bien plus discret par la suite, il aura marqué toute une génération d’amateurs de cinéma de Hong Kong, des plus discrets derrière leur écran aux plus connus comme Quentin Tarantino.
Lau Kar-Leung / Liu Chia-Liang
Le commencement
Lau Kar-Leung est né à XinHui, un quartier de la ville de Jiangmen, dans la province de Guangdong, dans le Sud de la Chine. Il est littéralement né dans le monde des arts martiaux et du cinéma puisque son père, Lau Cham, a étudié le Hung Gar, un art martial du sud de la Chine mettant l’accent sur la puissance, une posture solide et la discipline mentale, directement auprès de Lam Sai-Wing, un disciple de la légende des arts martiaux Wong Fei-Hung. Grandissant dans cette lignée de maîtres martiaux, Lau Kar-Leung a été initié très tôt aux pratiques rigoureuses et philosophiques du Hung Gar.
Dès ses 7 ans, il reçoit un entrainement intensif, non seulement les techniques mariales mais aussi les valeurs traditionnelles et philosophiques du Hung Gar telles que le respect, l’honneur ou l’humilité, des principes qui ont eu une influence majeure sur sa vision des arts martiaux et qui transparaissent tout au long de sa carrière. Lau Kar-Leung aura lui-même par la suite a été le mentor d’Alexander Fu Sheng, Adam Cheng, Hsiao Hou, et bien d’autres.
Les débuts dans le Cinéma
Lau Kar-Leung rejoint l’industrie cinématographique alors qu’il n’est encore qu’un adolescent, en tant que cascadeur d’arts martiaux. Dès les années 50, il apparait dans de tous petits rôles dans de nombreux films comme la célèbre saga Wong Fei-Hung avec Kwan Tak-Hing mais devient également rapidement directeur de l’action sur de nombreux films d’arts martiaux des années 50 et 60 car Hong Kong était en pleine effervescence pour le cinéma d’arts martiaux, car la demande pour les chorégraphes talentueux était forte, et que ses compétences martiales authentiques et sa compréhension unique de la physique et du rythme des combats en faisaient un candidat idéal.
Liu Chia-Liang dans quelques seconds rôles
Dans les années 60, il rejoint la Shaw Brothers où rapidement il fait ses armes en tant que chorégraphe dans les films de Chang Cheh, l’un des réalisateurs les plus influents de l’époque, aux côtés de Tang Chia, autre chorégraphe de génie de Hong Kong. On le trouve très régulièrement au générique des films de Chang Cheh, comme par exemple Magnificent Trio (1966), One-Armed Swordsman (1967), The Assassin (1967), Golden Swallow (1968), The Deadly Duo (1971), The Boxer From Shantung (1972) ou encore The Blood Brothers (1973). Ses combats redéfinissent petit à petit le genre, en introduisant des scènes d’action plus violentes et dynamiques et Lau Kar-Leung se distingue rapidement pour son souci du détail et sa volonté de rendre les séquences de combats aussi authentiques que possibles, tout en respectant la philosophie des arts martiaux.
Quelques films où Lau Kar-Leung officie en tant que chorégraphe
Le passage à la réalisation
En 1975, Lau Kar-Leung se lance seul dans la réalisation et fait ses débuts avec le film The Spiritual Boxer, un film qui déjà amenait de la comédie aux arts martiaux, un mélange qui sera sa marque de fabrique par la suite. Ce premier essai montre déjà ses capacités à innover, en s’éloignant du style ultra-violent de beaucoup de réalisateurs de l’époque, pour se concentrer sur les aspects plus spirituels et techniques des arts martiaux. Le succès de The Spiritual Boxer le pousse à réaliser d’autres œuvres pour la Shaw Brothers. A partir de là, il ne cessera de réaliser un, voire plusieurs films tous les ans pour le compte du studio, à chaque fois des réussites presque totales. Parmi les plus marquants, on citera The 36th Chamber of Shaolin (1978), Heroes of the East (1978), Mad Monkey Kung Fu (1979), Martial Club (1981), Legendary Weapons of China (1982) ou encore The 8 Diagram Pole Fighter (1984), film marquant pour Lau Kar-Leung puisque inspiré par la mort tragique d’un de ses disciples, Alexander Fu Sheng.
Le casting de The Eight Diagram Pole Fighter autour de Lau Kar-Leung
Contrairement à d’autres réalisateurs de l’époque qui privilégiaient les acrobaties et les effets spectaculaires, Lau Kar-Leung croyait en la puissance des techniques réelles. Il a toujours été attaché à l’authenticité dans les représentations martiales. Il mettait l’accent sur l’héritage culturel des arts martiaux, parfois en les reliant à des figures historiques (les moines Shaolin, Wong Fei-Heung). Pour lui, le kung fu n’était pas seulement un moyen de se défendre, mais aussi un chemin vers la perfection de soi, un art de vivre.
Gordon Liu et Lau Kar-Leung sur le tournage de The 36th Chamber of Shaolin
Une suite plus compliquée
Après le déclin du studio Shaw Brothers à la moitié des années 80, le public aspire à autre chose et les réalisateurs sont obligés de s’adapter, avec plus ou moins de facilités. Bien qu’il reste dans le film martial pur et dur véhiculant ses principes avec Martial Arts of Shaolin (1986), avec Jet Li dans son premier grand rôle, Lau Kar-Leung a du mal à suivre le rythme et ses réalisations sont moins soutenues. Il signe pour la Cinema City Company Limited de Karl Maka un très fun Tiger on the Beat (1988), célèbre pour son final et son combat de tronçonneuses, gros carton au box-office, puis Aces Go Places V (1989) toujours pour Karl Maka qui rencontre lui aussi le succès. Mais on sent bien que ceux sont ici des films de commandes qui ne lui tiennent pas forcément à cœur. L’année suivante, il enchaine avec Tiger on the Beat 2 (1990) qui ne rencontre pas le même succès et qui semble avoir stoppé toute envie pour Lau Kar-Leung de continuer de réaliser des films. Ce n’est que quatre ans plus tard qu’un projet lui sied enfin, Drunken Master 2 (1994) avec Jackie Chan, une kung fu comedy comme il aimait tant les faire et dans laquelle il tiendrait également un second rôle. Les divergences entre Jackie Chan et lui sont si fortes qu’il quitte le navire en cours de route et il fera tout seul la même année un Drunken Master 3, malheureusement de triste mémoire.
Lau Kar-Leung et Jackie Chan sur le tournage de Drunken Master II
Presque 10 ans plus tard, il remet le couvert une dernière fois avec Drunken Monkey (2003), une lettre d’amour aux films d’arts martiaux d’antan, sous la houlette d’une Shaw Brothers qui vivote comme elle peut. Mais les kung fu comedy ne sont décidément plus à la mode, et devant l’échec cuisant du film au box-office (0.15M$HK), il se retire définitivement de milieu du cinéma pour couler une retraite paisible.
Lau Kar-Leung (à gauche) sur le tournage de Drunken Monkey
Que reste-t-il aujourd’hui ?
Lau Kar-Leung décède le 25 juin 2013 à l’Union Hospital à Hong Kong, après deux décennies à lutter contre la leucémie. Il laisse derrière lui un héritage indélébile. Il est vénéré comme un gardien des traditions martiales chinoises. Il est célébré comme l’un des plus grands architectes de films martiaux, une légende dont l’œuvre a transcendé les frontières culturelles. Certains de ses films sont même étudiés pour leurs chorégraphies et leur capacité à capturer l’esprit des arts martiaux, inspirant les passionnés de la chose à travers le monde. Il a influencé tout un tas de cinéastes, à commencer par le célèbre Quentin Tarantino qui a reconnu son influence dans la création de Kill Bill où l’ami proche de Lau Kar-Leung, Gordon Liu, qu’il a maintes fois mis en scène, tient le rôle d’un des méchants dans le premier film, et du grand maitre d’arts martiaux dans sa suite / préquelle. Lau Kar-Leung est resté fidèle à ses racines martiales et a été salué non seulement comme un cinéaste visionnaire, mais aussi comme un gardien de la tradition Shaolin.
Aujourd’hui, les éditeurs spécialisés dans le cinéma asiatique lui rendent hommage en restaurant ses œuvres et en les sortant en blu-ray. Tout récemment chez nous, l’éditeur Spectrum Films a sorti un superbe coffret rassemblant six de ses meilleurs films, avec en plus des interviews et des témoignages de personnes ayant collaboré avec lui.
Filmographie complète en tant que réalisateur
- Breakout from Oppression (1973)
- The Spiritual Boxer (1975)
- Challenge of the Masters (1976)
- Executioners from Shaolin (1977)
- The 36th Chamber of Shaolin (1978)
- Shaolin Mantis (1978)
- Heroes of the East (1978)
- Spiritual Boxer Part II (1979)
- Dirty Ho (1979)
- Mad Monkey Kung Fu (1979)
- Return to the 36th Chamber (1980)
- My Young Auntie (1981)
- Martial Club (1981)
- Legendary Weapons of China (1982)
- Cat Vs. Rat (1982)
- The Lady is the Boss (1983)
- The 8 Diagram Pole Fighter (1984)
- Disciples of the 36th Chamber (1985)
- Martial Arts of Shaolin (1986)
- Tiger on the Beat (1988)
- Aces Go Places V (1989)
- Tiger on the Beat 2 (1990)
- Drunken Master II (1994)
- Drunken Master III (1994)
- Drunken Monkey (2003)