[Docu] Enter the Clones of Bruce, de David Gregory (2023)


David Gregory, co-fondateur des éditions Severin, explore les coulisses de la Bruceploitation. Dans ce documentaire rempli d’archives incroyables, outre Bruce Le, d’autres clones parmi lesquels Dragon Lee, Bruce Li ou Bruce Liang s’y livrent de manière fascinante, ne cessant de rappeler cette confrontation ambiguë entre l’hommage et la récupération éhontée.


Avis de Cherycok :
En 1973, Bruce Lee décède tragiquement après avoir popularisé à une vitesse incroyable les films d’arts martiaux, devenant une légende presque au sens mythologique du terme. Enfin star à Hong Kong avant qu’il ne devienne ce que le grand public connait de lui, Bruce Lee avait quelque chose d’unique, aussi bien martialement qu’économiquement, avec des films vendus absolument partout à travers le monde. Sa mort a laissé un vide, mais alors que tout le monde pensait Bruce Lee irremplaçable, des petits malins de Hong Kong, de Taiwan ou de Corée du Sud, se sont dit qu’ils allaient surfer sur la vague Bruce Lee, mais sans Bruce Lee, avec des acteurs plus ou moins ressemblants, qu’on allait renommer avec un nom plus ou moins ressemblant, afin de continuer à faire de l’argent avec des films opportunistes qui arriveront à mêler tant bien que mal hommage et appât du gain. Un sous-genre du cinéma martial était né, la Bruceploitation, et ce sont pas moins de plusieurs centaines de films qui ont vu le jour dans les années 70 et 80 mettant en scène des dizaines d’artistes martiaux répondant aux doux noms de Bruce Li, Bruce Lo, Bruce Lai, Bruce Leung, Dragon Lee ou encore Bronson Lee. Oui oui. Le documentaire du jour, Enter the Clones of Bruce, retrace avec brio l’incroyable histoire de cette Bruceploitation.

Enter the Clones of Bruce commence par parler de l’industrie du cinéma de Hong Kong au début des années 70, de la Shaw Brothers, de Chang Cheh, avant de dériver petit à petit sur Bruce Lee, sa mort, et ce qui va suivre. Images d’archives, aussi bien de la vie de tous les jours de Bruce Lee, de ce qu’il représentait, mais aussi de ses funérailles, et donc de la façon dont des producteurs qui avaient envie de continuer à faire de l’argent avec l’image de Bruce Lee ont procédé. On va retrouver des interviews de nombreuses personnalités du cinéma de Hong Kong, qu’ils soient acteurs ou réalisateurs (voire les 2) comme David Chiang, Lee Chiu, Godfrey Ho, Mars, Philip Ko, Lo Meng, Lee Tso-Nam, Eric Tsang, Casanova Wong, Joseph Lai, Angela Mao, Sammo Hung, des spécialistes du cinéma asiatique comme Christophe Champclaux, Mike Leeder ou Michael Worth, voire de la Bruceploitation comme Stéphane Nogues, d’autres personnalités qui ont à un moment œuvré de près ou de loin dans ce sous-genre comme Yasuaki Kurata, Andre Morgan ou encore Jean-Marie Pallardy, mais aussi et surtout des acteurs qui ont incarné ces faux Bruce Lee comme par exemple Leung Siu-Lung (Bruce Leung), Ho Chung-Tao (Bruce Li), Wong Kin-Lung (Bruce Le) ou encore Moon Kyeong-seok (Dragon Lee). Enter the Clones of Bruce est plein d’anecdotes. On y apprend par exemple que Bruce Lee voulait au départ travailler à la Shaw Brothers, mais que c’est Chang Cheh qui lui a fait comprendre que non. Mais également sur son rythme de vie, ses habitudes alimentaires, … Godfrey Ho nous explique que personne ne comprenait pourquoi il poussait ses cris typiques, mais aussi pourquoi ces faux Bruce Lee ont fini par arriver (à cause de la pression de l’international), comment tout cela a été vendu à base de mensonges et de publicités grossières.

Le documentaire évoque l’évolution de ces films de Bruceploitation, avec les premiers se concentrant sur la mort de Bruce Lee, parfois assez respectueux bien que pas toujours exacts dans ce qu’ils racontaient, avant de partir parfois sur le n’importe quoi où Bruce Li/Lo/Lai/Leung se retrouvent à affronter des gorilles, Superman, Popeye, Laurel et Hardy, Clint Eastwood, Dracula, à avoir une vie érotique, à faire équipe avec d’autres faux Bruce Lee, mais aussi comment tous ces faux Bruce Lee, quand la bruceploitation commençait à passer de mode, après avoir essoré le sous-genre jusqu’à la dernière goutte, ont essayé de se recycler. Certains de ces faux Bruce Lee, comme Ho Chung-Tao, vont nous raconter leurs débuts et comment ils en sont arrivés à faire des films de Bruceploitation, comment ils ont vécu la chose, le tout entrecoupé d’extraits de leurs films et d’anecdotes sur leur réception. Le docu évoque aussi ce que la Bruceploitation a engendré, comme ces croisements entre la Bruceploitation et la blackploitation aux USA, avec les afro-américains Jim Kelly et Ron Van Cleef, ou le penchant féminin de Bruce Lee à Hong Kong avec Angela Mao. De manière générale, on en apprend plus sur les méthodes de tournage de toutes ces petites séries B tournées à la va-vite, dans les maisons des amis, dans la rue parfois sans autorisation, avec des intrigues simples, des dialogues réduits au minimum, des tournages très rapides (15 jours parfois), une sécurité quasiment inexistante, générant pas mal de blessures, … mais un matériel publicitaire qui faisait absolument tout à base d’affiches souvent mensongères, voire putassière, histoire d’attirer dans les petites salles obscures l’amateur en manque de Bruce Lee et d’arts martiaux de manière générale.

Enter The Clones of Bruce retrace le parcours de cette Bruceploitation, comment elle a explosé un peu partout dans le monde, d’abord en Asie du Sud Est et au Japon, puis en Europe, avec une place toute particulière pour la France et l’Allemagne, en Afrique également (souvenez-vous Cameroun Connection) mais aussi et surtout aux États-Unis, où tous les cinémas de quartier diffusaient des films de Kung-Fu, dont beaucoup de films de Bruceploitation. Dans le chapitre dédié à la France, où les films de Kung Fu étaient très populaires dans les petites salles de Paris, on comprend l’importance de René Château, personnage dans le cœur de tous les amateurs de cinéma martial qui ont grandi dans les années 80 avec sa collection René Château Vidéo. Les interviews approfondies des trois principales stars de la Bruceploitation vont être le fil conducteur et le cœur de Enter the Clones of Bruce. On apprend à les connaitre, leurs luttes personnelles, et leurs dires sont à la fois très convaincants et amusants. On sent que l’homme derrière le documentaire, David Gregory, cherche à faire les choses bien car il aime ce sous-genre cinématographique. Car bien que beaucoup se moquent de la chose, parfois sans même avoir vu grand-chose de ce que cela propose, il y a malgré tout du bon là-dedans. David Gregory nous livre un documentaire à la fois amusant et fascinant, bourré d’informations, tellement bien fait qu’il n’y a dans l’absolu même pas besoin d’apprécier la Bruceploitation pour prendre du plaisir. Oui, c’était vraiment très bien.

LES PLUS LES MOINS
♥ Beaucoup d’anecdotes
♥ Très bien documenté
♥ Beaucoup d’interviews et d’extraits
♥ Le ton léger
♥ Aussi pour les néophytes
⊗ Trop court !
A la fois léger et instructif, bourré d’informations, parfaitement photographié et monté, Enter the Clones of Bruce est un documentaire passionnant sur la Bruceploitation qui plaira à n’importe quel amateur de films martiaux, qu’il aime la Bruceploitation ou non.



Titre : Enter the Clones of Bruce
Année : 2023
Durée : 1h34
Origine : U.S.A
Genre : Documentaire
Réalisateur : David Gregory
Scénario :

Acteurs : Bruce Le, Bruce Li, Bruce Leung, Dragon Lee, David Chiang, Lee Chiu, Godfrey Ho, Mars, Phillip Ko, Lo Meng, Lee Tso-Nam, Eric Tsang, Casanova Wong, …

Enter the Clones of Bruce (2023) on IMDb


5 1 vote
Article Rating

Auteur : Cherycok

Webmaster et homme à tout faire de DarkSideReviews. Fan de cinéma de manière générale, n'ayant que peu d'atomes crochus avec tous ces blockbusters ricains qui inondent les écrans, préférant se pencher sur le ciné US indé et le cinéma mondial. Aime parfois se détendre devant un bon gros nanar WTF ou un film de zombie parce que souvent, ça repose le cerveau.
S’abonner
Notifier de
guest

0 Commentaires
le plus ancien
le plus récent le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires