Je m’appelle Jin Ha… et j’ai toujours voulu devenir cascadeuse. Depuis toute petite, Jin Ha est fascinée par la magie du cinéma hongkongais où les arts martiaux – notamment le kung-fu, sa passion – sont mis à l’honneur. Dans la région de Henan, en Chine, elle s’entraîne sans relâche dans une grande école de kung-fu. À 21 ans, son diplôme d’arts martiaux en poche, elle décide de partir pour Hong Kong où elle compte bien faire carrière dans le cinéma ! Sa formatrice, Madame Ma, lui remet une lettre de recommandation et l’invite à rencontrer son cousin Shamo, qui travaille dans un grand studio de cinéma : Golden Path.
Avis de Cherycok :
Je vous ai récemment parlé d’un documentaire sur les cascadeurs de l’âge d’or du cinéma de Hong Kong avec Kung Fu Stuntmen. On va continuer aujourd’hui sur la même thématique, mais sur un tout autre format, avec la première chronique de bande dessinée sur DarkSideReviews. Oui, une BD, mais qui ravira tous les amateurs de peloches de Hong Kong puisqu’à travers la vie d’une jeune chinoise voulant devenir cascadeuse, le français Baptiste Pagani retrace tout un pan du cinéma de Hong Kong des années 80/90, avec certes un point de vue quelque peu romancé, mais duquel transpire l’amour de son auteur pour ce cinéma complètement fou où les cascadeurs avaient un rôle primordial. A travers le récit de vie de cette jeune fille, il nous parle également de ce cinéma d’action de Hong Kong qui est monté en puissance au fil des années et qui a fini par choir à l’approche de la rétrocession. Cette bande dessinée, c’est Golden Path, et je vais vous en parler un peu plus en détail.
Golden Path retrace donc la vie d’une jeune chinoise, Jin Ha, pratiquante de kung fu, qui décide d’abandonner la petite vie tranquille de sa campagne natale chinoise et d’aller à Hong Kong afin de travailler dans le cinéma en tant que cascadeuse mais aussi, pourquoi pas, si la chance lui sourit, en tant qu’actrice de premier plan. De ses débuts en tant que simple cascadeuse et figurante, où elle côtoie les plus grands, à son ascension grâce à son talent, son envie sans faille et les connaissances qu’elle commence à se faire. Mais aussi les faux pas, les erreurs, les mauvais choix de carrière, qui vont l’entrainer dans les bas-fonds des productions obscures bas de gamme, jusqu’au point de non-retour. Les amateurs de cinéma de Hong Kong pourront sans mal reconnaître les nombreux acteurs dont les noms ont été changés car, ne l’oublions pas, nous sommes dans une fiction. Derrière Eagle Chan se cache Jackie Chan, Shamo Hueng est bien entendu Sammo Hung, mais on croise également les acteurs Dick Wei, Mars, Cynthia Rothrock, Gary Daniels, le réalisateur producteur Godfrey Ho… Les titres de films sont également détournés, Project A devient Operation Alpha, Miracles devient Cantonese Godfather, Eastern Condors est rebaptisé 12 Condors… Sur certaines planches, il est aisé de reconnaitre les décors de films tels que My Lucky Stars (Le Flic de Hong Kong chez nous), voire des scènes de films. Le scénariste / dessinateur / coloriste a même fait appel au talent de Gabriel Romann, illustrateur/storyboarder/concept-Artist, pour détourner des affiches connues via de magnifiques illustrations. Rien que le titre de la bande dessinée, The Golden Path, est une référence à la célèbre société de production et de distribution Golden Harvest fondée par Raymond Show et Leonard Ho.
Golden Path est en quelques sortes un récit de vie, avec ses hauts, ses bas, ses moments légers, d’autres plus tristes. Cette bande dessinée parle de beaucoup de choses. Du cinéma de Hong Kong, bien entendu, avec la façon inimitable qu’ils avaient de mettre en scène des combats, le doublage par des cascadeurs pour les moments trop dangereux, les contrats parfois mensongers de producteurs un peu véreux, ou encore tout simplement de la vie des cascadeurs, faite de haut et de bas. Mais Golden Path parle de la vie en général, des moments de bonheur, de chance, mais aussi de malheur et de désillusions. A travers l’histoire de ce personnage fictif, très fortement inspiré de l’actrice japonaise Yukari Oshima, ayant décidé dans les années 80 de tenter sa chance à Hong Kong et devenue petit à petit une figure emblématique du girls with guns, on nous parle également des à côté de la vie de cascadeur, de la difficulté à parfois joindre les deux bouts, là où d’autres actrices, parfois plus « présentables » ont à coté une carrière de mannequin ou de chanteuse ; de la difficulté d’être une femme dans un milieu malgré tout assez masculin (bien que la fin des années 80/début 90 ait un peu changé la donne), obligée de tout sacrifier afin de se donner pour arriver à s’imposer.
Bien entendu, nous sommes ici dans quelque chose de romancé et Baptiste Pagani tord parfois la réalité, aussi bien sur la chronologie de certains évènements (Project A est sorti en 1983, son « clone » dans la BD se tourne en 1988), appuie parfois un peu trop sur les traits de caractère de certains personnages (Godfrey Ho n’est pas l’ordure sans face qu’on nous raconte ici). Mais tout est dans le but de mieux coller à l’histoire qu’on nous raconte car, ne l’oublions pas, nous sommes malgré tout dans une fiction, à l’instar d’un film. Le ton de Golden Path est juste, l’histoire passe aussi bien par la comédie, l’action que le drame avec une grande fluidité et l’écriture de Baptiste Pagani est très accessible et agréable à lire. Au niveau du dessin, un léger temps d’adaptation est malgré tout nécessaire car le style de dessin est très particulier. On a parfois l’impression d’être dans un storyboard évolué, avec des dessins pas toujours très bien fignolés, un trait parfois grossier rappelant les mangas du début des années 80. Mais très vite, on rentre dedans, grâce à la mise en couleurs, très simple elle aussi mais pourtant très bien pensée, l’œil étant attiré à chaque fois là où il doit l’être sans qu’un effort doive être demandé. A l’instar de Sammo Hung, le style est très rond, presque enfantin, comme pourrait l’être une bande dessinée comique, ce qui tranche pas mal dans la deuxième partie où l’histoire vire au drame. On se prend immédiatement d’empathie pour la jeune Jin Ha et on dévore les 192 pages d’un seul trait, avec cette agréable sensation qu’on nous a raconté une belle histoire. Une histoire qui nous touche au cœur, d’autant plus si comme moi votre culture cinématographique s’est forgée aux côtés d’innombrables bobines de tatanes made in Hong Kong.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Les nombreuses références ♥ Se lit très facilement ♥ Mélange homogène des genres ♥ Un style graphique agréable … |
⊗ … mais qui demande un temps d’adaptation ⊗ Quelques entorses à la réalité |
Golden Path est une très chouette bande dessinée qui, via l’histoire de son jeune personnage féminin adepte des arts martiaux, est un très joli hommage au cinéma d’action de Hong Kong des années 80/90 et de ses cascadeurs un peu fous. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Baptiste Pagani a déclaré : « Je voulais rendre hommage avant tout au côté hyper positif de ces films qui réussissaient à proposer des chorégraphies parfaites et des combats éprouvants, le tout sans violence exagérée, ni litres de sangs ou meurtres sauvages. Le tout avec une réalisation souvent très bonne et des inspirations variées, du cinéma muet de Buster Keaton au théâtre traditionnel chinois. C’est quelque chose qui manque au cinéma d’action de nos jours. Depuis la fin des années 1990 et l’ère post Matrix, Jason Bourne, je trouve que tous ces films sont extrêmement sérieux et montrent des personnages hargneux et ultra violents. »
• Cette bande dessinée est trouvable dans toutes les bonnes crèmeries au prix de 19.90€
Titre : The Golden Path – Ma Vie de cascadeuse
Année : 2019
Nb de pages : 192
Origine : France
Genre : Hommage
Éditeur : Ankama
Collection : Label 619
Dessinateur : Baptiste Pagani
Scénario : Baptiste Pagani
Coloriste : Baptiste Pagani