Titre : The first August
Année : 2007
Durée : 1h36
Origine : Chine
Genre : Guerre
Réalisateur : Song Yeming
Acteurs : Ray Lui Leung-Wai, Waise Lee, Liu Jin, Hou Yong, Xu Guangming, Hou Tianlai, Wu Weidong, Zhang Zaixin, Gao Zhiqiang, Huang Ruomeng, Ding Liuyuan
Synopsis : Été 1927, après avoir orchestré le massacre de Shanghai, le Kuomintang entreprend une purge sévère contre le Parti communiste chinois. Le 1er août, sous le commandement de Zhou Enlai, He Long, Ye Ting, Zhu De et Liu Bocheng Nanchang se révolte. Le gouvernement donna l’ordre à Zhu De de réprimer le mouvement mais, sympathisant communiste lui-même, ce dernier se joignit ouvertement aux rebelles en leur apportant le soutien de ses troupes. Premier affrontement militaire d’envergure entre le Kuomintang et le Parti communiste chinois.
Titre : My long March
Année : 2006
Durée : 1h35
Origine : Chine Mainland
Genre : Guerre
Réalisateur : Zhai Junjie
Acteurs : Zhong Qiu, Wang Jia, Wang Ying
Synopsis : 1934, la guerre civile fait rage. Encerclée dans la province du Jiangxi par l’armée nationaliste du Kuomintang, l’Armée rouge chinoise décide, pour éviter d’être anéantie, d’effectuer une retraite stratégique. Commence alors un périple d’un an à travers onze provinces qui conduit le noyau dur des militants communistes jusqu’au refuge de Yan’an, dans la province du Shaanxi.
Titre : Night Attack
Année : 2007
Durée : 1h26
Origine : Chine Mainland
Genre : Guerre
Réalisateur : Lan An
Acteurs : Wang Yongming, Liu Tianzuo, He Dandan, Xu Honghao, Zhang Yongxiang
Synopsis : Automne 1937. Le Japon envoie ses forces armées en Chine, espérant une victoire rapide. En octobre, la bataille de Xincou éclate. Afin d’empêcher les renforts japonais d’atteindre la ville, le 769e régiment est envoyé sur la route n°8. Xilian et ses hommes font leur chemin à travers les forêts montagneuses, Lors d’une patrouille, Xilian découvre que les troupes japonaises ont mis en place un aérodrome secret dans les collines. Mal équipés et beaucoup moins nombreux, il élabore avec ses hommes un plan pour attaquer l’ennemi.
Avis de Laurent : Il est un fait : la vision hexagonale du cinéma chinois est largement tronquée hors de ses frontières. En effet, la majorité des œuvres à avoir réellement un écho en dehors du pays sont les films d’auteurs calibrés pour les festivals afin de servir (parfois) de caution exotique aux cinéphiles plus ou moins exigeants. Dans une dimension tout autre, le pays produit à la pelle (pour la quantité) et à la truelle (pour la qualité) une multitude de films éducatifs, historiques et patriotiques destinés à un public local qui a sa propre vision de l’histoire. Bien sûr, les événements historiques fondateurs pour le pays sont bien souvent réécrits à la gloire de la patrie et les manuels scolaires (pour ceux qui sont allés à l’école) n’ont pas le même contenu en dehors du pays qu’à l’intérieur. Toutefois, cette version édulcorée du patrimoine historique du pays mérite tout de même que l’on s’y intéresse, ne serait-ce pour mieux comprendre ce qui anime le patriotisme chinois. Remarquez, un pays comme le notre n’a pas forcément de leçons à donner dans le domaine de l’enseignement de l’histoire même s’il est aventureux de comparer ce qui n’est pas comparable.
Le cinéma chinois n’a malheureusement pas eu la place qu’il mérite dans l’exportation de ses œuvres guerrières contrairement aux autres grandes nations productrices de films du continent asiatique (voir dossier consacré aux cinémas de guerre en Asie). C’est sûr, le nationalisme aggravé de certains films n’aide pas le spectateur curieux à se faire une idée ; et généralement, ces films sont affublés d’une réputation douteuse avant même qu’ils ne soient vus (voir ce compte-rendu de Deauville 2010 pour se faire une idée). Pourtant, la Chine n’a probablement pas la palme de la bêtise dans le genre (l’Inde est sans aucun doute un concurrent très sérieux). Tombant pile-poil dans cette thématique sulfureuse, la trilogie Chinese Wars est un fabuleux témoignage de ce cinéma autre mais néanmoins important. Cette trilogie est constituée de 3 films commandés par le parti communiste chinois en 2007 dans le cadre de la commémoration des évènements fondateurs de la république populaire de Chine. La production a été confiée à August First Film Studio, studio crée en 1952 pour promouvoir les hauts faits de l’armée chinoise ainsi que de lisser le portrait des grands héros des révolutions culturelles et militaires du pays. The first August, réalisé par Song Yeming, place son récit durant l’été 1927, lorsque le conflit entre le Kuomintang et le Parti communiste chinois pris une tournure dramatique. My long March, de Zhai Junjie, retrace la retraite historique de l’armée communiste menée par le grand timonier dans les provinces centrales du pays en 1934. Et ce, afin d’échapper à l’Armée nationale révolutionnaire du Kuomintang de Tchang Kaï-chek durant la Guerre civile chinoise. Enfin, Night Attack de Lan An s’inscrit tout simplement dans le conflit violent opposant en 1937 les Chinois aux Japonais, peu après les terribles événements de Nankin.
Ces 3 métrages relatent donc les symboles les plus importants de l’histoire de la lutte communiste chinoise. Il est important de relever que ces symboles sont depuis des années déformés à des fins de propagande. Et ces films s’inscrivent bien entendu dans cette démarche. Chacun de ces films relate donc un événement fondateur du PCC.
Lorsqu’il réalise The first August, Song Yeming se la joue particulièrement sobre en s’appuyant sur un casting de premier ordre et tout à fait respectable comme peut en témoigner les présences de Waise Lee (Le Syndicat du Crime, Une Balle dans la Tête, The Cat) ou encore Ray Lui (Flashpoint, Seven Swords, Fatal Termination) devant la caméra. Plutôt axé sur la stratégie ainsi que sur la construction et l’affirmation de différents personnages politiques majeurs, le film offre tout de même son lot de séquences musclées et d’actes de bravoure disproportionnés. Les poncifs formels du film de propagande se font tout de même assez discrets à l’exception peut-être de la dernière partie à base de combats, de salutations militaires, d’oriflammes et de sacrifices sur fond de chants et de musiques révolutionnaires. Le fond est tout autre. En effet, The first August se distingue de par son manichéisme idéologique primaire avec un Kuomintang caricaturalement peu recommandable. Toutefois, ce parti pris est pondéré par ses acteurs tout en retenue et pondération.
En revanche, My long March est moins subtil dans son discours. Le segment de Zhai Junjie s’inscrit plutôt dans le film d’action avec un lot impressionnant de scènes de combats plus ou moins amplifiées à la gloire du PCC et de ses héros. L’un d’entre eux n’est autre que Mao Zedong en personne. Le film décrit un homme bon, simple, conciliant et proche du peuple. Les historiens pourront sourire face à une telle falsification de l’histoire mais cela n’est guère étonnant lorsque l’on connaît le culte de la personnalité qui entoure le grand timonier presque 4 décennies après sa mort. Formellement, My long March envoie du lourd avec de longues séquences de batailles correctement réalisées. Les CGI parfois limites sont compensés par d’impressionnants effets pyrotechniques à l’ancienne. Pour prendre un peu de recul face à ce spectacle jouissif et très premier degré, rappelons que la fascinante séquence finale du pont au dessus du Dadu reliant la ville de Luding au Sichuan a largement été embellie par la propagande communiste. En effet, il est décrit une terrible bataille pour traverser un pont dont les planchettes auraient été enlevées ; la traversée se faisant alors sur des chaînes à la merci des tirs ennemis. Les historiens sont formels, le pont aurait été en bon état et l’ennemi plutôt absent. Pour les besoin de son film, Zhai Junjie transpose à la manière du petit livre rouge cet épisode glorieux de la longue marche. Un peu à l’instar d’un Il faut sauver le soldat Ryan ou encore d’un Taegukgi, My long March est le seul segment qui fait clairement le lien entre le passé et le présent avec sa scène d’introduction et son final qui se déroule dans une chine contemporaine, fière et moderne. Ce segment présente donc clairement les bienfaits de la révolution communiste et de son caractère indispensable à la réussite actuelle de la Chine.
Enfin, Night Attack correspond plus au film de propagande fantasmé par le cinéphile aventureux et déontologiquement kamikaze. Contrairement aux précédents segments, Lan An ose le vrai film d’exploitation sans avoir de véritables gardes fous liés à la présence de personnages historiques dans les films de Song Yeming et Zhai Junjie. C’est sûr qu’en l’absence de Zhou Enlai, Mao Zedong ou encore Zhu De il est plus facile de s’accorder des largesses. Night Attack est un film de propagande très premier degré blindé de morale facile, de métaphores hallucinantes et de bons sentiments sirupeux. L’émotion est mise en scène avec la délicatesse d’une pelleteuse. On pourrait simplement regretter le caractère répétitif de certaines scènes. Night Attack sent tout de même bon les années 70 avec une naïveté vraiment touchante. Si avec le Kuomintang il faut prendre des pincettes, l’ennemi japonais peut quant à lui être caricaturé à l’excès. Night Attack ose alors la surenchère et les clichés du genre. Grotesque et techniquement limité, l’œuvre de Lan An n’hésite pas à transgresser plus que de raison les relations de « bon voisinage » qu’entretiennent la Chine et le Japon. Les aviateurs japonais tirent des tronches de psychopathes et ne savent pas communiquer autrement qu’en grimaçant à mesure qu’ils dégomment d’innocents combattants chinois à la sulfateuse. Du cinéma d’exploitation involontaire qui illustre parfaitement les rapports tendus qu’entretiennent les deux pays.
Vous l’aurez compris, au-delà du caractère subversif de ces œuvres vu d’un œil averti, cette trilogie guerrière comble enfin le vide qui caractérisait le patrimoine cinématographique chinois en dehors de ses frontières. Chaque film s’assure une identité propre malgré les exigences liées à leurs genèses. L’édition DVD proposée par Pretty Pictures a la bonne idée d’accompagner ces films de l’expertise de Jean Louis Margolin (agrégé d’histoire, maître de conférences à l’université d’Aix-en-Provence et directeur adjoint de l’institut de recherche sur le Sud-Est asiatique) qui thématise son discours sur ce que les films montrent, sur ce qu’ils déforment et sur ce qu’ils ne montrent pas.