[Avis] Thiruvannamalai, de Perarasu

Titre : Thiruvannamalai / திருவண்ணாமலை
Année : 2008
Durée : 2h39
Origine : Inde
Genre : Action / Politique / Romance
Réalisateur : Perarasu

Acteurs : Arjun Sarja, Pooja Gandhi, Karunas, Saikumar, Vaiyapuri

Synopsis : Easwaran (Arjun) est un homme intègre qui dirige une chaîne câblée locale à Kumbakonam. Il entre en conflit avec un député local (Sai Kumar) violent et corrompu. La mère d’Easwaran est inquiète pour son fils alors impliqué dans des bagarres contre les sbires du député. Par peur de le perdre, elle l’emmène voir un saint adepte de la non violence dans l’un des temples de Thiruvannamalai. Le Swāmi (स्वामी en Sanskrit = celui qui sait) ressemble comme deux gouttes d’eau à Easwaran. Ils décident alors d’échanger leurs rôles.

Avis de Laurent : Le cinéma tamoul est une source inépuisable de curiosités parfois mal dégrossies mais généralement passionnantes. Resituons le contexte. Thiruvannamalai est une ville du Tamil Nadu dans le sud de l’Inde réputée par ses lieux saints (le temple Annamalaiyar dédié au dieu Shiva et la proximité de la colline Arunachala). Cette région est un haut lieu de spiritualité incarné par l’ashram (ermitage) de Ramana Maharshi qui est une haute figure de l’école philosophique du Vedânta centrée sur le Soi et la question du « Qui suis-je ? ». Ainsi, Thiruvannamalai n’est pas un divertissement énergique et romanesque classique comme le Tamil Nadu en produit des centaines chaque année. Le film de Perarasu est emprunt d’une spiritualité plus ou moins subliminale et d’un message politique fort.

Thiruvannamalai met en scène Arjun Sarja qui vient en découdre avec la pègre locale, elle-même à la solde d’un député véreux. Sous une trame très classique, Perarasu alterne sur près de trois heures ses séquences humoristiques, ses passages dramatiques, son action nerveuse et sa romance naïve sur un fond de dénonciation des pratiques politiques mafieuses. Le cinéaste n’hésite pas à aborder frontalement le sujet en confrontant l’acte insurrectionnel spontané à l’action non violente si chère au Mahatma Gandhi. Hésitant continuellement entre la loi du talion et l’ahimsā, les personnages incarnés par Arjun Sarja (il s’agit d’un double rôle symbolisant les limites de la pensée philosophique non-dualiste du Vedânta) finissent par choisir leur voie sans aucune ambiguïté.

Formellement, Thiruvannamalai est une belle réussite qui démontre une fois de plus la qualité unique des productions tamoules lorsqu’il s’agit de mélanger les genres. La romance se pose lentement sans imposer son rythme à l’ensemble du métrage. En effet, les nombreuses séquences musicales viennent régulièrement dynamiser l’ensemble. Les séquences d’action, quant à elles, sont d’un très bon niveau avec une réelle culture de la chorégraphie martiale (chose rare dans le cinéma indien pour être signalée). Même si athlétiquement les acteurs et les cascadeurs indiens se révèlent limités, le sens du cadre du réalisateur juxtaposé à un montage astucieux permettent d’assurer l’essentiel du spectacle et masquent les faiblesses. Il y a comme une réappropriation du savoir-faire hongkongais dans la gestion des câbles et du surdécoupage épileptique et nerveux des affrontements. Le tout sous une débauche d’énergie inégalable. L’humour se présente essentiellement lors des quiproquos amoureux et par le look et les tics de certains personnages aux traits caractériels très marqués.

Au niveau de l’acting, Perarasu confronte Arjun Sarja, acteur confirmé cumulant plus de 200 films à son actif, à la plus confidentielle Pooja Gandhi plutôt habituée aux films produits au Karnataka. La complicité entre les deux acteurs apporte la crédibilité et la fraîcheur nécessaires à toute romance qui se respecte. Par ailleurs, la véritable valeur ajoutée de Thiruvannamalai vient de la multitude de seconds rôles aux tronches improbables. Chevelures frisées et décolorées pour les bad guy avec moustache en option. Un grand classique des productions tamoules !

Perarasu signe donc avec Thiruvannamalai un divertissement populaire généreux et efficace qui devrait permettre à tout réfractaire de ce cinéma dépaysant de s’immerger en douceur dans un univers coloré et débridé. A condition, bien entendu, de faire abstraction des différents visuelles Van Dammesques proposés par une campagne promotionnelle particulièrement racoleuse et mal appropriée. Thiruvannamalai est autre chose qu’une simple romance ou qu’un simple B-movie, ne serait-ce de par les concepts spirituels implicitement développés.

Note : 7/10

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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