Katayama rentre tranquillement chez lui après le travail pour fêter avec sa femme l’anniversaire de leur petite fille. Sur le chemin, il surprend une bande de quatres jeunes adolescents en train de brutaliser un SDF. D’abord hésitant, Katayama finit par intervenir, laissant éclater une violence inouïe. Attaqué par un jeune sortant un couteau, il le désarme et le frappe avant que la police n’intervienne. Kamiki, le jeune dirigeant la bande, va se venger en s’attaquant à la fille de Katayama, en la tuant, entraînant ensuite le suicide de sa femme. Emprisonné comme délinquant juvénile, Kamiki sort de prison trois ans après.
Avis de Rick :
Miike, s’il ne surprend plus autant maintenant, enchaînant les projets commerciaux souvent mauvais, surprenait encore il n’y a pas si longtemps, film après film. Après avoir réalisé 4 films en 2006 (allant du très bon avec Big Bang Love Juvenile A au très mauvais avec Waru), Miike clôt l’année en beauté avant de passer à des projets plus gros l’année suivante (Sukiyaki Western Django, Like a dragon et Crows zero) avec ce Sun Scarred (ou Scars of the sun). Un film bien différent de ce qu’il avait pu faire jusque là. Car en effet, jusque là, l’œuvre de Miike était très variée, souvent à prendre au second degré, possédait beaucoup de délires visuels ou scénaristiques, bien qu’il lui arrivait de nous offrir des œuvres sensibles et différentes. Mais le point commun entre ses films étaient la violence, violence qui habite son œuvre comme elle habite en général le cœur des hommes. Miike l’a bien su, et ici, il n’y va pas par trente six chemins, la violence est là, mais elle est frontale, brutale, sombre et prend à la gorge.
Miike n’aura jamais été aussi direct dans son approche de la violence, faisant de Sun Scarred un film sensiblement différent du reste de sa filmographie, mais également terriblement humain, et terriblement froid. Pourtant, Sun Scarred est très loin d’être le film visuellement le plus violent de Miike, il aura déjà dépassé les limites longtemps avant. C’est justement via son approche dramatique et donc humaine que la violence devient ici purement dramatique et réaliste. Et Aikawa Shô, acteur fétiche de Miike parmi d’autres (Endô Kenichi, Ishibashi Renji ou encore Takeuchi Riki), était bel et bien l’acteur parfait pour ce rôle d’un père de famille qui perd tout en une journée pour avoir fait une action digne d’un être humain. Ce rôle lui permet de nous montrer une nouvelle facette de son talent. Il y joue donc Katayama, père de famille, salaryman, toujours en costard, cravate, et avec ses lunettes. La vie est belle pour lui, puisqu’une femme qui l’aime l’attend à la maison, et qu’ils ont une magnifique petite fille.
Sa vie si tranquille va totalement basculer le soir où, en rentrant en vélo du travail, il verra une bande de quatre jeunes s’en prendre physiquement à un pauvre clochard, en le frappant, lui balançant des morceaux de béton à la gueule, et en lui tirant dessus avec un pistolet à bille à bout portant. Entre faire celui qui n’a rien vu face à une violence juvénile qui est un vrai problème de société actuellement ou intervenir, Katayama fera le choix le plus brave : il va s’interposer, quitte à en payer les conséquences, qui arriveront très rapidement. Cette courte introduction nous met directement dans le bain. La direction artistique du film est sublime, les couleurs sont froides et désaturées (magnifique travail pour un tournage en DV), le thème musical lent et discret est splendide, la plupart des scènes sont filmées caméra à l’épaule pour renforcer l’ambiance. Les personnages évoluent dans un monde froid et sans espoir. La violence, contrairement à d’autres films de Miike traitant de ce thème, n’est jamais abusive, mais purement réaliste, donnant au spectateur une impression étrange qu’il n’attendait pas forcément.
Après s’être interposé entre les jeunes et le clochard, en usant finalement de la force, Katayama ne se doutait pas que sa vie était sur le point de s’écrouler. Kamiki, toujours avec sa capuche et une sucette dans la bouche, dirige cette bande de délinquants juvéniles, et les évènements de cette soirée vont lui rester au travers de la gorge, et pour se venger, une seule solution. S’en prendre indirectement à Katayama. On se doute forcément de ce qui va arriver, mais Miike fait durer l’attente, faisant monter le malaise jusqu’au moment fatidique que l’on aurait finalement préféré ne pas voir, et surtout, ne pas avoir anticipé. La violence finissant toujours par engendrer la violence, cet évènement va continuer de détruire la vie de Katayama, puisque sa femme va se donner la mort après cet évènement. Kamiki va aller en prison, mais encore une fois, les valeurs de la société vont en prendre pour leur grade, puis trois ans après, Kamiki sera relâché, preuve d’un système judiciaire s’occupant trop de protéger les jeunes plutôt que de voir en face les actes horribles que ceux ci sont capables de commettre. Ça continuera, puisque la société continuera de protéger l’identité de ces jeunes au détriment des vraies victimes.
Là où Miike traitait de la jeunesse perdue, de l’innocence de la jeunesse dans Dead or alive 2, le message est ici totalement autre, puisque les jeunes sont dans Sun Scarred influençable très facilement, jouent avec des couteaux comme avec des jouets et sont attirés, voir totalement fascinés par les armes à feu. Le film, aux couleurs déjà ternes, passera par un subtil effet de montage (ingénieux) en noir et blanc, avant de revenir par la suite en couleur. La violence va petit à petit se calmer, du moins la douleur physique, puisque mentalement, Katayama n’est pas tranquille, et avec la sortie de prison de Kamiki, rien n’est là pour le faire oublier. La violence, toujours aussi brute, refera son apparition lorsque l’on ne s’y attendra pas forcément, renforçant ainsi son impact visuel, même si encore une fois, le sang ne coulera pas forcément à flot afin de garder toute la crédibilité de l’histoire et des situations, malgré quelques passages quelque peu grotesques (avec Endô Kenichi notamment). Sur bien des plans, Sun Scarred est une des œuvres les plus brutes de la filmographie de Miike Takashi, mais également une des plus adultes et accessibles, qui ne laissera forcément pas indifférent, d’autant que le film utilise parfois des idées visuelles intéressantes pour intensifier les moments à venir. Une réussite de plus pour le bonhomme, vraiment différente de ce qu’il avait fait avant, qui parvient donc à surprendre allégrement, malgré deux trois petites longueurs en milieu de récit. A noter que pour le moment, le métrage n’est disponible qu’en DVD japonais sans aucuns sous titres ou dans un DVD à bas prix avec sous titres anglais sous le nom de Scars of the Sun. En mettant la réussite qu’était 13 Assassins de côté (remake), Sun Scarred est sans doute le dernier vrai grand film de Miike.
Le film le plus brut de Miike, une surprise étonnante et froide, humaine, sur le fonctionnement de la violence et de celle ci chez les jeunes. Le sujet est d’actualité et fonctionne de bout en bout, Aikawa Shô nous montrant une nouvelle facette de son jeu d’acteur.
Titre : Sun Scarred – Scars of the sun – Taiyo No Kizu – 太陽の傷
Année : 2006
Durée : 1h57
Origine : Japon
Genre : Drame – Policier
Réalisateur : Miike Takashi
Acteurs : Aikawa Shô, Satô Aiko, Ninagawa Miho, Sasaki Mao, Endô Kenichi, Hiraizumi Sei, Katsuno Hiroshi et Kazama Toru