[Avis] Sawako Decides, de Ishii Yuya

Titre : Sawako Decides / 川の底からこんにちは
Année : 2010
Durée : 1h52
Origine : Japon
Genre : Comédie dramatique

Réalisateur : Ishii Yuya

Acteurs : Mitsushima Hikari, Endo Masashi, Aihara Kira et Shiga Kotaro

Synopsis : Sawako le dit tout le temps : « On ne peut rien y faire ». Vivant depuis cinq ans à Tokyo, la jeune fille de 23 ans en est à son cinquième emploi, et son cinquième petit ami. Rien ne lui plaît vraiment, elle n’a pas d’ambitions, pas de rêves. Mais lorsque son père, avec qui elle n’a pas de contact depuis son départ pour Tokyo, tombe gravement malade, son petit amie la convainc de retourner dans sa ville natale pour reprendre l’entreprise familiale : une société de traitement de palourdes. Dès son arrivée sur place, Sawako se retrouve confrontée à son passé qu’elle cherche à oublier… mais comme elle le dit, on ne peut rien y faire !

Avis de Rick :
Ishii Yuya est un réalisateur farouchement indépendant. Jusque là, avec pas moins de 8 films en 5 ans, pour la plupart autoproduit, le bonhomme s’est fait une petite réputation. Son métrage le plus connu restant Girl Sparks. L’année dernière débarquait dans plusieurs festivals son Sawako Decides (depuis diffusé en festival à Paris, pas plus tard qu’en début de mois), applaudi et très bien accueillit. Cette fois ci, Ishii ne produit pas, et se laisse tenter par une expérience un peu moins indépendante, ce qui ne l’empêche absolument pas de continuer à traiter de ses thématiques. Et son Sawako Decides n’a pas à rougir face à ces autres métrages, loin de là. Comme dit par le titre, le film nous propose de suivre le personnage de Sawako. Vivant à Tokyo depuis cinq ans, après avoir quittée sa ville natale, laissant derrière elle l’entreprise familiale et tout le reste. Famille et amis ont une bien mauvaise image d’elle. Depuis, Sawako enchaîne les boulots les plus ennuyeux les uns après les autres, et ces aventures sentimentales ne sont que des échecs. Pire, elle se retrouve souvent à l’hôpital pour des problèmes intestinaux. Sawako n’a pas de rêve, pas d’ambitions, et dés que quelque chose arrive, elle se contente de dire qu’on ne peut rien y faire. Sawako est un personnage banal, limité fataliste, médiocre. Quand elle rentre de son travail banal et ennuyeux le soir, c’est pour s’enfiler directement un pack de bière entier avant de dormir. Comme pour souligner encore plus sa médiocrité, Sawako sort avec un créateur de jouet raté, totalement à côté de la plaque, qui traîne sa fille, sans vraiment parvenir à s’occuper d’elle. Son copain se cherche sans arrêt des excuses pour ne pas souligner sa propre médiocrité. Des personnages comme il en existe tant en vrai. Pour autant, grâce à cette pseudo banalité, le réalisateur parvient à rendre ses personnages attachants. Le choix du casting n’y est pas non plus étranger, puisque l’on retrouve dans le rôle de Sawako la jeune Mitsushima Hikari (Love Exposure, Kakera, Villain, le futur Harakiri de Miike en compétition officielle au festival de Cannes cette année). La jeune femme nous montre une nouvelle facette de son talent dans le rôle de Sawako, qui évolue dans son quotidien pour le moins banal. Ses expressions rendent son personnage crédible.

En plus de son quotidien banal et de ses fréquentations qui le sont tout autant, Sawako n’a pas de chance. Blessée lors de son travail de manière stupide (un enfant lui balance un jouet), elle aggravera sa blessure chez elle lors d’une soirée alcoolisée. Lorsque son petit ami se fait licencier, il ne l’acceptera pas et préférera dire tout simplement qu’il en avait marre et qu’il est temps pour lui de vivre une vie plus écolo. Incapable de prendre des décisions, les autres prennent les décisions pour Sawako, et alors que son père est malade, elle repartira, à contre cœur, accompagnée de son petit ami et de sa fille, dans sa contrée natale, pour reprendre l’entreprise familiale de traitement d’huîtres, et retrouver son passé, qu’elle a préférée elle même oublier. Seulement les autres, eux, n’ont pas oubliés. En mélangeant assez habilement drame et humour, le film parvient à attirer le spectateur dans ce spectacle ne parlant finalement d’une seule chose : l’acceptation de soit et comment s’affirmer. Car le parcours que Sawako va emprunter n’est pas facile, entre les retrouvailles avec son ancienne amie (a qui elle a volée le petit ami), avec sa famille (son père qu’elle a insultée au moment de quitter la maison familiale), et tout le reste. Tout le monde la voit comme une intruse qui essaye de revenir, une influence néfaste pour les gens du coin. Sawako, jouée à la perfection par Mitsushima Hikari, va se souvenir petit à petit de son passé, de ses erreurs, et tenter de se prendre en main avant que toute sa vie ne lui échappe. Au fur et à mesure de son cheminement, la jeune femme s’affirmera un peu, osera s’ouvrir aux autres et prendra conscience de qui elle est et de ce qu’elle veut véritablement, et cette sorte d’éclosion, cette évolution du personnage, est parfaitement retranscrite, entre humour et drame. Kenichi, son petit copain, joué par Endo Masashi (Wild Zero), s’il s’avère moins attachant, à cause de sa capacité à faire du mal aux autres en ne pensant qu’à lui, n’en reste pas moins intéressant. L’homme délaissera même sa fille, Kayoko, car trop occupé à penser à lui, sans se soucier des conséquences.

Tout n’est pas drôle dans Sawako Decides, et chaque personnage a sa part de responsabilité dans tout ce qui arrive. Le père de Sawako est gravement malade, mais cela n’est que le résultat d’une vie menée dans l’alcool. Sawako est perdue et voit tout lui échapper, mais c’est parce qu’elle ne réagit pas, croyant que si les choses sont comme ça, c’est parce qu’il ne peut en être autrement. Kenichi souffre de la situation, des critiques des autres, mais ce sont après tout ces choix qui le poussent dans ces situations. Quand à sa fille Kayoko, elle sera la première à réagir et à relever la tête, à force du contact avec Sawako. Drôle par certaines situations et dialogues, dramatiques par l’ensemble de son intrigue, le réalisateur filme ses personnages sans effets inutiles, et filme drôlement bien la campagne japonaise. La bande son qui accompagne le métrage est très discrète, et n’en fait jamais trop, convenant parfaitement. Le cheminement de ces personnages attachants pour lesquels on ne souhaite que le meilleur fonctionne à merveille, si bien qu’il est dommage, malgré la fin qui n’est pas forcément heureuse, de devoir les quitter après 1h50 de film. Sawako Decides et un bon moment de cinéma, une ode plutôt juste et amusante, un bon portrait de personnages que l’on apprend à connaître et à aimer.

Note : 7,5/10

Un portrait de personnages toujours juste, entre comédie et drame. On s’attache à eux et on veut les voir réussir ce qu’ils entreprennent, pour pouvoir sortir de la médiocrité de la vie.

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Auteur : Rick

Grand fan de cinéma depuis son plus jeune âge et également réalisateur à ses heures perdues, Rick aime particulièrement le cinéma qui ose des choses, sort des sentiers battus, et se refuse la facilité. Gros fan de David Lynch, John Carpenter, David Cronenberg, Tsukamoto Shinya, Sono Sion, Nicolas Winding Refn, Denis Villeneuve, Shiraishi Kôji et tant d'autres. Est toujours hanté par la fin de Twin Peaks The Return.
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