Titre : Sarkar Raj
Année : 2008
Durée : 2h05
Origine : Inde
Genre : Saga mafieuse / Drame
Réalisateur : Ram Gopal Varma
Acteurs : Abhishek Bachchan, Amitabh Bachchan, Aishwarya Rai, Javed Ansari, Victor Banerjee, Ravi Kale, Upendra Limaye, Govind Namdeo, Sumeet Nijhawan, Supriya Pathak, Dilip Prabhavalkar, Shishir Sharma, Sayaji Shinde, Rajesh Shringarpore, Tanisha
Synopsis :Subhash (Amitabh Bachchan) est le chef d’un petit village de Maharashtra. Il est le Sarkar et de fait est extrêmement respecté et craint par la population locale. Il est secondé par son fils Shankar (Abhishek Bachchan), plus consensuel et bien plus modéré que lui. Anita Rajan (Aishwarya Rai), la représentante de la firme Sheppard Power, rencontre Subhash et Shankar et leur propose un projet de centrale électrique qui devrait aider au développement de la région. Seulement, le plan obligerait à déplacer des milliers de villageois.
Avis de Laurent : Lorsqu’il réalise Sarkar Raj en 2008, Ram Gopal Varma est encore meurtri par l’acharnement médiatique dont il est victime depuis l’échec de son remake de Sholay (Ki Aag) l’année précédente. Filmé par l’un des réalisateurs les plus doués des industries cinématographiques de Bombay, Sarkar Raj fait suite au déjà séduisant mais largement perfectible Sarkar datant de 2005. Sarkar marquait la première collaboration entre le père et le fils Bachchan à l’écran. Malgré certains passages anthologiques, Sarkar laissait tout de même comme un arrière goût d’inachevé dans la bouche. Bien que la maîtrise technique était totale, on sentait clairement un jeune Abhishek intimidé par son monstre de père ainsi qu’une intrigue bâclée. 2008, les trois années séparant les deux films ont été riches en événements et en apprentissages. Abhishek a clairement musclé son jeu pour devenir un incontournable des studios de Bombay. Plus d’assurance, plus de charisme et surtout plus de talent … de quoi étayer enfin les prestations de celui qui n’était alors qu’un « fils de ». Face à un fils qui monte en puissance depuis quelques tournages remarqués, le père Bachchan enchaîne toujours les apparitions impressionnantes, sans pour autant forcer son talent. Amitabh Bachchan est naturellement imposant, monstrueux et effrayant de prestance … il est le Shahenshah, l’acteur qui pulvérise la concurrence à l’écran et qui ne laisse pas une once de lumière à ses partenaires. Face au légendaire patriarche et son rejeton qui s’est enfin fait un prénom, Aishwarya Rai, nouvellement mariée à ce même Abishek dans le civil, montre qu’elle est autre chose qu’une ex-miss univers. Sarkar Raj entre directement dans la catégorie des films de famille, et cette complicité naturelle crève l’écran.
Ram Gopal Varma, pouvant s’appuyer sur un trio de comédiens solide et d’une galerie de seconds rôles affutés, a toute la latitude pour consolider un récit riche en événements. Sarkar Raj est aussi puissant dans son discours qu’il est solide dans la forme. Le pamphlet de Ram Gopal Varma est d’une ambition, d’une profondeur, d’une intelligence et d’une consistance rares dans ce monde de divertissement bon marché. En un peu plus de deux heures, le cinéaste distille tout une batterie de thématiques qui s’enchaînent d’une fluidité déconcertante : politique, écologie, corruption, gangstérisme, démagogie, torture, amour, violence, émeutes rurales … l’Inde dans ce qu’elle représente de plus révoltant en somme. Sarkar Raj est une nouvelle œuvre de référence dans la prolifique filmographie du parrain de Bombay. Chaque séquence est tendue, nerveuse et maîtrisée jusque dans le moindre détail. Ram Gopal Varma est aussi à l’aise lorsqu’il s’agit de jouer l’immersion caméra à l’épaule ou lorsqu’il s’agit d’en mettre plein la vue avec ses travellings de fou. L’inspiration lui est enfin revenue, et le cinéaste a la caméra juste.
Alors qu’il était en plein centre d’un lynchage sans précédent dans le monde ingrat de la critique cinématographique quelques mois auparavant, ce Ram Gopal Varma en état de grâce montre qu’il reste unique avec cette saga mafieuse à la réalisation millimétrée, sans concession et brute de décoffrage. A la fois réaliste, violent, malsain et dérangeant … Sarkar Raj est le film le plus abouti de son génial réalisateur depuis Ab Tak Chhappan en 2004 (rappelons qu’une bonne douzaine de films séparent ces deux références).
Note : 9/10