[Avis] Merantau, de Gareth Evans

Titre : Merantau
Année : 2009
Durée : 1h47 (version internationale)
Origine : Indonésie
Genre : Action

Réalisateur : Gareth Evans

Acteurs : Iko Uwais, Sisca Jessica, Christine Hakim, Mads Koudal, Yusuf Aulia , Alex Abbad, Yayan Ruhian, Laurent Buson, Doni Alamsyah, Ratna Galih

Synopsis : Yuda (Iko Uwais), un adepte du Pencak Silat, décide d’effectuer son Merantau afin de suivre la tradition locale. Le Merantau consiste à quitter son village natal et sa famille pour essayer de faire ses preuves et gagner sa vie à la ville. C’est Jakarta, qui va accueillir Yuda et il décide d’y enseigner le Silat pour se faire de l’argent … La mégalopole bouillonnante et impressionnante concentre tous les vices du pays. Alors que les difficultés ainsi que les mauvaises rencontres s’accumulent, il fait la connaissance d’Astri (Sisca Jessica), une danseuse de bar à filles qui est persécutée par des proxénètes étrangers.

Avis de Laurent : Si la Thaïlande est aujourd’hui sur le devant de la scène dans le domaine du cinéma d’action, elle le doit au film phénomène Ong Bak de Prachya Pinkaew qui a pulvérisé la concurrence lors de sa sortie en 2003. La recette est pourtant simple : la mise en avant d’un art martial peu exploité (le muay thaï), des repères géographiques inédits (la Thaïlande rurale et urbaine) et une bête de foire pour incarner le rôle principal (Tony Jaa). La suite on la connaît : succès international et nouveau dynamisme en ce qui concerne les producteurs, les réalisateurs et les performers locaux. Toute la région du Sud-est asiatique prend alors conscience de son potentiel et chaque pays va tenter de poser, voir d’imposer, sa pierre à l’édifice. Les exemples son nombreux : Hong Kong qui se relance dans le polar urbain comme à la belle époque (Sha Po Lang en 2005, Flashpoint en 2007), le Vietnam qui co-produit avec les Etats-Unis l’excellent Dòng Máu Anh Hùng a.k.a. The Rebel en 2006 ou encore la Malaisie qui se plante sur le pourtant très prometteur Kinta 1881 en 2008. C’est à ce moment là que les premiers rushs d’un obscur film indonésien consacré au Pencak Silat commencent à circuler sur la toile et dans les différents marchés du film.

Le Pencak Silat, qui est originaire de l’île de Sumatra en Indonésie, est un art martial encore relativement méconnu en dehors de l’Asie du Sud-est. Très lié aux valeurs de l’islam, le Silat s’approprie certaines composantes d’autres arts martiaux asiatiques, et s’inspire énormément des animaux. Certaines démonstrations évoquent une certaine forme de kung fu très imprévisible. Le Merantau désigne quant à lui l’exode rural traditionnellement programmé par les Minangkabau qui peuplent le Sumatra-Occidental et qui cherchent la réussite dans les grandes villes du pays. Réussite qui se ponctue très souvent par l’échec lié à un mode de vie urbain dans lequel ils peinent à y trouver leur place.

Yuda, incarné par le très athlétique Iko Uwais, est l’un de ces jeunes qui quitte son foyer et sa famille pour s’installer à Jakarta. Très vite obligé de dormir à la belle étoile faute de logement, il va faire de mauvaises rencontres en voulant protéger une danseuse de bar à filles d’un violent proxénète. Merantau compile donc dans sa trame, toutes les thématiques et les ingrédients qui caractérisent le pays et la ville de Jakarta. L’identification au personnage de Yuda et l’appropriation des différents éléments culturels sont alors en marche pour que le film soit un immense succès populaire. Reste alors à trouver la bonne personne pour coucher le projet sur pellicule. Gareth Evans n’est pas un réalisateur indonésien. Ce britannique, sevré aux films d’action hongkongais, termine la série de documentaires Land of moving Shadows consacrés au Pancak Silat lorsqu’il entreprend de poursuivre son effort sur la réalisation d’un long métrage. Bien que le Pencak Silat ait été mainte fois transposé à l’écran, cela fait de nombreuses années que cet art martial n’a pas eu les honneurs d’un métrage de qualité alors que son potentiel cinégénique est énorme ! C’est alors parti pour 2h d’action, de romance, de drame et de références culturelles qui s’enchaînent tour à tour sans plomber un rythme parfaitement maîtrisé. L’action est savamment dosée et monte en puissance de manière crescendo. Tous les poncifs du genre assurent à Merantau la place qui est la sienne entre un Ong Bak déchaîné pour la nervosité de l’action et un The Rebel posé en ce qui concerne l’aspect culturel du contexte. Iko Uwais propose une impressionnante séquence de démonstration du Silat pour introduire le film. Ensuite, vient se greffer une séance d’entraînement avec le maître local et enfin une série de combats variés dans un bar, un ascenseur, des ruelles étroites, un échafaudage et une excellente scène finale dans un lieu de stockage de containers. L’action est donc variée et les chorégraphies adaptées aux différents cadres. Iko Uwais est impressionnant de maîtrise, et le montage précis et lisible de la réalisation fait parfaitement honneur à son talent. La team de cascadeurs qui l’entoure assure aussi l’essentiel du spectacle avec une série de chutes plus impressionnantes les unes que les autres avec, en prime, des coups de tatanes qui font très mal au niveau de l’impact. Iko Uwais sera sans aucun doute la nouvelle coqueluche dans le domaine. La direction d’acteurs, à l’exception des gweilos de services (dont le français Laurent Buson découvert dans Silver Hawk), est tout à fait au niveau que le film ambitionne. Outre ses qualités martiales, Iko Uwais assure l’essentiel lorsqu’il s’agit de réorienter son jeu afin de coller à la dramaturgie de l’histoire. Sans être génial, il a le mérite de ne pas plomber les séquences axées sur l’émotion … c’est peut être peu mais déjà pas si mal en comparaison avec un Tony Jaa monoexpressif ou encore un Wu Jing qui ne fait que cabotiner. D’autant plus qu’il n’est absolument pas acteur ou cascadeur de formation. Seule Christine Hakim, découverte dans le jury du festival de Cannes en 2002, qui incarne la mère de Yuda, arbore un CV quelque peu impressionnant.

Imparfait mais globalement bien mis en scène malgré les limites intrinsèques au genre et au budget alloué, Merantau a de bonnes chances de faire parler de lui bien au-delà des frontières de l’Indonésie. On espère qu’il agira comme détonateur pour les industries cinématographiques du pays et que nombreux seront les réalisateurs prêts à redynamiser le cinéma d’action local qui nous a valu, par le passé, de nombreuses pépites insoupçonnées. Il n’y a qu’à espérer voir Iko Uwais confirmer qu’il est bien plus qu’un athlète via une production encore plus ambitieuse que le film de Gareth Evans.

Note : 7/10

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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