[Avis] Map of the Sounds of Tokyo, d’Isabel Coixet

Titre : Map of the Sounds of Tokyo / Carte des sons de Tokyo
Année : 2009
Durée : 1h49
Origine : Espagne
Genre : Drame / Thriller

Réalisateur : Isabel Coixet

Acteurs : Kikuchi Rinko, Sergi López, Tanaka Min, Oshio Manabu, Nakahara Takeo, Sakaki Hideo

Synopsis : Ryu est une fille solitaire, son air fragile contraste avec la double vie qu’elle mène: la nuit elle travaille dans une halle à marées à Tokyo et occasionnellement elle est recrutée comme tueuse à gages. Monsieur Nagara est un entrepreneur puissant, affligé par la mort de sa fille Midori qui s’est suicidée. Il rend responsable de ce suicide David, un homme d’origine espagnole qui tient un commerce de vins à Tokyo. Ishida, un employé de monsieur Nagara qui aimait Midori en silence, engage Ryu pour tuer David … Un ingénieur du son, obsédé par les bruits de la ville japonaise et fasciné par Ryu, est le témoin muet de cette histoire d’amour qui s’infiltre dans les ombres de l’âme humaine là où seul le silence est éloquent.

Avis de Laurent : Réalisatrice inégale mais qui suscite toujours énormément d’intérêt, Isabel Coixet a au moins le mérite de toujours faire preuve de singularité lorsqu’elle s’attaque à un genre ou à un sujet. La mise en scène exemplaire de ce merveilleux drame qu’est Ma Vie sans Moi (2003) témoigne parfaitement du niveau de la réalisatrice espagnole au meilleur de sa forme. On pourrait presque lui pardonner son segment anecdotique Bastille dilué dans l’énervant film carte postale à segment qu’est Paris je t’aime (2005). Seulement, Map of the Sounds of Tokyo s’inscrit dans cette même thématique que Paris je t’aime … à savoir un film hommage à une ville dans lequel il faut retranscrire une ambiance en évitant les poncifs façon Lonely Planet sur pellicule.

D’après Isabel Coixet, Map of the Sounds of Tokyo lui a été inspiré lors d’une visite du marché aux poissons de Tsukiji. Pour les casaniers, il s’agit de l’un des quartiers de Tokyo les plus visités par les touristes. Après avoir posé les bases d’un climax axé sur un faux rythme volontaire, une photographie chaleureuse (mais superficielle) ainsi qu’une galerie de personnages torturés, Isabel Coixet développe un scénario aussi tordu qu’inefficace : une fille solitaire mène une double vie entre son emploi à la halle aux poissons de Tokyo et une activité de tueuse à gages. Elle tombera amoureuse de son nouveau contrat qui n’est autre qu’un vendeur de vin espagnol ayant le mal du pays. Un ingénieur du son fasciné par la jeune japonaise vient alors se greffer à cette histoire (dont il est le narrateur) et il enregistre les sons qui accompagnent la jeune femme au cours de cette aventure. Sous cette fausse complexité scénaristique, Isabel Coixet essaye de déclarer son amour à la mégalopole japonaise en évitant les stéréotypes habituels, notamment le côté explosif et branché de la ville (Shinjuku, Ginza et Akihabara sont totalement survolés).

Difficile de ne pas confronter Map of the Sounds of Tokyo avec Lost in Translation tant certaines thématiques se rejoignent … On pense de suite aux côtés insomniaques qui transpirent des deux films ainsi que les diverses incompréhensions culturelles qui inhibent les différents personnages. Seulement les comparaisons s’arrêtent là tant les deux œuvres se singularisent dans leurs formes respectives. En effet, Map of the Sounds of Tokyo se rapproche ainsi formellement plus à un film de Wong Kar Wai en mode In the Mood for Love, poussant même le vice jusqu’à imiter le climax, la photographie et la bande son du chef-d’œuvre du réalisateur hongkongais. La seule véritable nuance tient dans la propension qu’ont les protagonistes à baiser dans le film d’Isabel Coixet alors que le film de Wong Kar Wai tient dans ses amours platoniques. Ainsi, Map of the Sounds of Tokyo se déroule principalement de nuit en mode semi-contemplatif où les seules séquences un minimum remuantes se situent dans un Love Motel aux allures psychédéliques pour le moins original.

Par ailleurs, on s’attendait à une expérience ultra sensitive au niveau de l’ouïe mais au final, Isabel Coixet n’excelle jamais dans ce registre qui devait être l’essence même de son film. On a tout juste l’honneur de (re-)découvrir le jazz rétro de la célèbre Misora Hibari en mode 50s ainsi qu’une petite touche électro signée Max Richter (Valse avec Bachir, Shutter Island) … Si l’alternance des ambiances musicales est réussie, les inconditionnels de Wong Kar Wai n’auront aucun mal à décrypter la supercherie.

Map of the Sounds of Tokyo n’est pas pour autant un mauvais film, mais une réalisatrice de la trempe d’Isabel Coixet aurait pu s’affranchir de son univers sous-Wong Kar Wai en déclinant ses propres codes. Et l’histoire dans tout ça ? À l’exception de rares séquences érotico-softs plus ou moins réussies, elle est trop prévisible pour être réellement passionnante … Si on ajoute à cela un message peu subtile sur le choc des cultures déjà vu et revu à toutes les sauces … on se demande quel est l’intérêt réel de ce Map of the Sounds of Tokyo qui n’est tout au plus qu’un film anecdotique honnêtement emballé. Rappelons tout de même que tout n’est pas à jeter dans cette œuvre, car même en recyclant à outrance le film carte postale à la sauce wasabi, le magnétisme de cette ville opère toujours autant.

Au final, Map of the Sounds of Tokyo se destine plutôt à un public néophyte de l’univers tokyoïte et encore vierge du cinéma de Wong Kar Wai. Les autres pourront plutôt s’intéresser aux réalisations antérieures de la cinéaste espagnole sans aucun risque de passer à côté de quelque chose de grand.

Note : 5/10

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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