La famille Ono, constituée du couple Yoichi et Izumi et des parents, Yasuhiko et Chieko, vit dans une petite ville du Japon. Heureux, vivant de la production du lait, ils ont une vie simple. Mais le jour où un tremblement de terre a lieu, et que la centrale nucléaire non loin de là va mal, ils doivent quitter leur foyer. Yoichi et Izumi quittent la maison à contrecœur, tandis que les parents refusent de quitter la maison familiale.
Avis de Rick :
Sono Sion, après un Himizu en 2011 qu’il avait réécrit un mois avant le tournage suite à la catastrophe de Fukushima, n’a pas dit son dernier mot sur la catastrophe Japonaise. Mais au lieu de refaire la même chose, et donc, de faire évoluer ces personnages avec comme toile de fond la fameuse catastrophe, il prend cette fois ci un peu de recul sur l’incident, mais également, on peut le dire, sur son œuvre, son écriture, et sa façon de faire en général. À la fois continuation logique de son œuvre puisque la catastrophe, la famille et l’individu en général sont encore au centre du récit, mais également nouveau départ de part une réalisation plus classique, et une narration plus linéaire ne se permettant pas, ou plutôt peu de moments décalés comme il nous a souvent habitué.
Alors qu’il plaçait l’histoire de Himizu totalement dans les événements de Fukushima, Sono Sion prend donc cette fois-ci de la distance envers les événements, en inventant de toute pièce une nouvelle catastrophe. Si bien qu’après quelques minutes seulement où il nous présente la famille Ono et ces quatre membres (dont, encore et toujours depuis Cold Fish, Kagurazaka Megumi, plus convaincante que d’habitude par ailleurs), une catastrophe arrive. Yasuhiko, le père, sait déjà à quoi s’en tenir, comme il le répétera souvent. Il sait que le gouvernement, les autorités, les spécialistes, il sait que personne n’est digne de confiance, la menace est là, invisible, partout, et il faut partir, loin, vers une nouvelle terre d’espoir, pour fuir une guerre invisible.
Si la famille et les liens entres ses quatre personnages principaux sont au centre du récit, comme souvent, Sono Sion surprend, parfois dans le bon sens, et parfois en nous laissant de marbre, dans sa façon de faire. Dans la forme, le métrage se rapproche beaucoup plus de son Be Sure To Share réalisé en 2009, un film beaucoup plus sage, classique, malgré quelques éclairs de génie. Comme si Sono Sion se calmait, et livrait un film sobre dans lequel il laissait évoluer ces personnages, et c’est tout. Adieu la caméra embarquée suivant les personnages dans leurs moindres faits et gestes comme dans Love Exposure, Cold Fish, ou même ces oeuvres récentes. Ici, la mise en scène est calme et posée, et c’est aux personnages d’exister et de bouger dans le cadre. Pour autant, Land of Hope est également parsemé de quelques éclairs de génie propres à son auteur. Lorsque, fuyant finalement la maison familiale pour s’éloigner de la centrale nucléaire, Izumi (Hagurazaka Megumi donc) sera prise de vision et développera une phobie du nucléaire et de ses retombées, allant jusqu’à porter en permanence une combinaison, isolant sa maison, et faisant ses courses en contrôlant le taux de radiation de chaque produits, pour le bien de son enfant (elle est enceinte), Sono touche au but, son propos est poignant, à la fois surréaliste et absurde par moment, mais donnant froid dans le dos. Son petit ami, Yoichi, lui, préférera pendant un temps ne rien voir, vivre dans l’inconscience, ayant le comportement opposé de sa femme, comme finalement une bonne partie des habitants de la ville où ils se réfugient, préférant croire les bonnes paroles et ce que tout le monde veut bien leur dire, autour d’eux, où à la télévision.
Ce sera le même cas de figure pour les parents, préférant rester dans leur maison familiale. Le père, Yasuhiko, n’est absolument pas dupe, mais préfère rester là. Il est trop vieux pour espérer fuir, les conséquences seront dans tous les cas moins dures et moins importantes pour lui sur le long terme. Sa femme, malade, oublie toujours tout après quelques instants, ignorant à nouveau, tous les jours, la catastrophe qui a eu lieu, et même le fait qu’une centrale nucléaire soit ici. Vivant contre sa volonté dans l’ignorance, il s’agît à mon goût du personnage le moins intéressant du film, puisque forcé de revivre sans arrêt les mêmes événements, et donc, n’apportant que peu de surprises (et une certaine répétition), malgré il faut bien l’avouer, un retournement de situation final plutôt bien trouvé et dramatique.
Vivants tous les deux dans une ville fantôme, refusant de partir même lorsque l’on vient leur donner un ultimatum, ils sont refermés sur eux-mêmes, mais le personnage de Yasuhiko, sans doute le plus réaliste de tous, reste très intéressant, si ce n’est le plus intéressant. Il nous livre quelques belles scènes de simplicité extrême. Au final, Land of Hope parvient à surprendre par moment, et fait passer son message, comme souvent avec le réalisateur, mais reste un peu imparfait, moins prenant qu’à l’accoutumé. Plus linéaire, plus simple, moins traversé par des éclairs de génie, peut-être un tournant dans la carrière de Sono Sion, voulant se tourner vers des œuvres plus commerciales. Pas un ratage pour autant, juste moins poignant et moins surprenant, si ce n’est lors de son final.
The Land of Hope est un poil décevant venant du réalisateur, mais quelques grands moments sont là tout de même, et la réflexion est réaliste. Attachant.
Titre : The Land of Hope – Kibô No Kuni – 希望の国
Année : 2012
Durée : 2h13
Origine : Japon
Genre : Drame
Réalisateur : Sono Sion
Acteurs : Natsuyagi Isao, Otani Naoko, Murakami Jun, Hagurazaka Megumi et Denden
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