Titre : Homerun
Année : 2003
Durée : 1h48
Origine : Singapour
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Jack Neo Chee Keong
Acteurs : Shawn Lee, Megan Zheng, Yun Xiang, Richard Low, Marcus Chin, Sharon Au, Mark Lee Kok Huang, Joshua Ang, Huang Po Ju
Synopsis : Au milieu des années 60, à Singapour, le jeune Ah Kun perd l’unique paire de chaussure de sa jeune sœur Seow Fang. Les deux enfants décident de cacher la vérité à leurs parents qui ont de graves problèmes financiers. Seulement, Seow Fang ne peut pas aller à l’école pieds nus. C’est alors que les deux enfants décident de se partager la paire d’Ah Kun. En effet, la jeune fille va à l’école la matinée alors que son grand frère la fréquente en après-midi …
Avis de Laurent : Lorsque l’on voit la ville de Singapour au cinéma, on s’attend en règle générale à y retrouver la mégalopole à la fois froide et aseptisée qui agite le l’indice MSCI de la place financière locale. Cette stigmatisation cinématographique récurrente nous fait oublier que la Cité-État était autrefois une enclave britannique champêtre, peuplée de chinois et d’indiens et entourée de la Malaisie. Ce territoire cosmopolite et multiculturel n’était pas encore défiguré par les nombreux buildings qui le caractérisent aujourd’hui. Jack Neo, acteur et réalisateur singapourien hautement prolifique, réalise avec Homerun son troisième film. Il place son intrigue en 1965, date de l’indépendance de Singapour, afin de faire coïncider sa petite comédie dramatique des familles avec les événements qui ont aidé à la construction de la Cité-État. Alors que le territoire est plus ou moins déstabilisé par des agitateurs indépendantistes, Ah Kun est victime d’un drame à des années lumières des préoccupations locales. En effet, il a égaré par inadvertance l’unique paire de chaussures de sa jeune sœur Seow Fang. Les deux enfants décident de ne rien dire à leurs parents qui vivent dans une très grande pauvreté et n’ont donc pas les moyens d’en racheter une autre. Seulement, Seow Fang a besoin de ses chaussures pour aller à l’école qu’elle fréquente en matinée, et il est inconcevable d’y aller pieds nus. Heureusement, les cours de son grand frère n’ont lieu qu’en après-midi et les deux jeunes enfants décident alors de s’organiser afin de se partager la paire de chaussure d’Ah Kun. Ce partage ne se fera malheureusement pas sans dommages collatéraux, et aussi bien Seow Fang qu’Ah Kun en feront les frais via des situations plus ou moins tordues.
Sur fond d’un contexte politique chargé, Jack Neo nous offre une comédie légère dans laquelle les enfants seront les principaux protagonistes. L’essentiel du récit se concentre sur les situations cocasses que rencontreront Seow Fang et d’Ah Kun. Les brimades des professeurs et des autres enfants n’entacheront en rien la solidarité du frère avec sa sœur et ils pourront même compter sur un groupe d’amis entièrement dévoués à leur cause. La réalisation de Jack Neo assure un minimum de singularité tant elle ne prend aucun risque. Les scénettes s’enchaînent mollement mais sans pour autant nuire à une trame prévisible au possible mais toujours agréable à suivre. L’aspect comédie tient parfaitement la route contrairement à l’aspect dramatique qui joue un peu trop la facilité. Les séquences larmoyantes sont en plus appuyées par un score relativement médiocre et facile destiné à attendrir la ménagère. Là où Jack Neo se révèle plus mâture, c’est dans sa propension à instaurer subtilement le contexte géopolitique chargé de l’époque sans y ajouter des explications qui auraient sans doute alourdi une bluette familiale qui ne demande qu’à être légère. Bien sûr, le film ne parle pas instinctivement au public étranger du territoire sud-est asiatique … mais avec un petit effort, il se révèle extrêmement instructif sur la situation de l’époque. Son éducation gangrénée par la rigueur britannique. La mixité sociale et culturelle unique avec une cohabitation de chinois, de malais, d’indiens et de britanniques aux confessions religieuses disparates. Et bien sûr … ce territoire encore vierge de buildings sur lequel le commerce internationale n’en est qu’à ses balbutiements.
Au final, Homerun est un petit film sympathique mais peu engageant cinématographiquement. Sa linéarité formelle ne fait que juxtaposer des situations attendrissantes mais grandement prévisibles. On notera la performance inégale des enfants dans leur jeu ainsi qu’une réalisation très télévisuelle mais le principal sur ce type de production étant de divertir sans prendre le moindre risque artistique. Jack Neo démontre tout de même qu’il est possible de faire vivre le cinéma populaire à Singapour sans devoir s’appuyer sur les capitaux étrangers qui ont pris l’habitude de s’ingérer dans la production locale.
Note : 5/10