Titre : Himizu – ヒミズ
Année : 2011
Durée : 2h10
Origine : Japon
Genre : Adaptation – Drame
Réalisateur : Sono Sion
Acteurs : Sometani Shôta, Nikaidô Fumi, Watanabe Tetsu, Fukikoshi Mitsuru, Denden, Kagurazaka Megumi, Mitsuishi Ken, Watanabe Makiko, Kurosawa Asuka et Yoshitaka Yuriko
Synopsis : Sumida vit avec sa mère qui ne s’occupe pas de lui près d’un lac où il loue des bateaux. Abritant plusieurs personnes victimes du tsunami de Mars 2011, Sumida ne rêve que d’une vie normale. Au lieu de ça, il est harcelé par une camarade de classe amoureuse de lui, Keiko, et subit les allers et retours de son père qui ne vient que pour prendre de l’argent et le rabaisser. Sa vie va basculer le jour où sa mère quitte le foyer et le laisse seul.
Avis de Rick :
Sono Sion ! Tous ces films sont attendus avec impatience, du moins par moi, et ce depuis son premier métrage « commercial », certes imparfait, mais bourré de bonnes idées, Suicide Club, en 2002. Un auteur qui n’a cessé d’explorer son univers film après film. Après sa trilogie de la haine constituée de Love Exposure (chef d’œuvre), Cold Fish (quasi un chef d’œuvre) et Guilty of Romance (excellent, bien qu’un cran en dessous), Sono prend une nouvelle voie, avec des films toujours durs, traitant toujours des mêmes thèmes (la famille, tout ça) mais au final, plus optimistes. Himizu pourrait donc être au vu de ces futurs projets le premier d’une nouvelle trilogie, trilogie plus optimiste, ou prenant pour thème les événements de Mars 2011. Himizu, en soit, c’est l’adaptation d’un manga à succès. Et comme on le sait, adapter un manga n’est pas toujours synonyme de bon film. Les preuves se comptent par milliers (la preuve, Miike a perdu son « âme » depuis qu’il adapte des mangas ou animes – Crows Zero, Yatterman, Ninja Kids). Mais chez Sono, c’est une histoire différente, Himizu semblant traiter de thèmes qui lui sont bien familiers, et Sono prend des libertés comparé au manga. Ainsi, le réalisateur incorpore de manière plus ou moins habile les événements de Mars 2011 à son histoire pour appuyer son propos (assez simple il faut avouer) et le placer dans un contexte actuel.
Himizu semble donc en bonne voie, et il faut avouer que l’on retrouve dans le métrage tout ce que l’on aime chez Sono Sion, son style, ses histoires, ses personnages travaillés, et même, pour tous les seconds rôles, des têtes bien connus de son œuvre. Même des petites choses toute bêtes comme l’utilisation à répétition de la même musique nous rappelle que nous sommes devant un film de Sono (du classique à répétition). Bref, Himizu nous raconte l’histoire de Sumida, un jeune un peu paumé, qui ne rêve que d’une vie ordinaire. Comme il le crie fièrement en salle de classe, être ordinaire, c’est bien. Mais dès qu’il quitte l’école pour retrouver le « foyer familial », Sumida n’a pourtant rien de vraiment ordinaire. Gentil de nature, Sumida vit entouré de sa mère totalement absente (Watanabe Makiko – Love Exposure), d’un père qui ne fait que venir réclamer de l’argent, rabaisser son fils avec la même histoire et bien entendu, lui foutre une raclée (Mitsuishi Ken – Kaiji, Villain, et pour Sono, Exte et Noriko’s Dinner Table). Son quotidien n’est fait que de violences familiale, et il est entouré par des réfugiés du tsunami (dans le manga, il était entouré de ses camarades de classe). Des personnages qui restent, malgré les événements, optimistes.
On retrouve donc Watanabe Tetsu, Fukikoshi Mitsuru et Kagurazaka Megumi (une ligne de dialogue, ouf) de Cold Fish dans ses rôles un peu à contre emploi, mais également Suwa Taro (Cold Fish également, Be Sure to Share, mais aussi pas mal de films de genre, comme The Machine Girl ou Meatball Machine). Sono s’entoure encore une fois d’un grand casting, qu’il dirige à la perfection, ou presque. Le casting de tous ces personnages secondaires est un sans faute, on pourra même ajouter Denden dans le rôle d’un Yakuza, et dans des petites apparitions, Yoshitaka Yuriko (que de chemin parcouru depuis Noriko’s Dinner Table, nous l’avions récemment vu dans Kaiji 2 et les deux adaptations de Gantz) et Nishijima Takahiro (Love Exposure) pour un petit morceau musical. La vie de Sumida change radicalement par la suite, avec le départ de sa mère. Son père continue de venir le rabaisser jour après jour, tandis que des Yakuza viennent réclamer une énorme somme d’argent qui leur est due. Argent, famille, violence sèche et survenant parfois sans prévenir, personnages perdus en recherche de repères, aucun doute, nous sommes dans un film de Sono. Malheureusement, tout ne sera pas parfait.
Himizu reste néanmoins une adaptation, et un film de studio. Ainsi, malgré une violence assez sèche comme souvent, le film se révèlera assez calme, et encore plus dans son propos, beaucoup plus optimiste que d’accoutumé, ainsi que plus simpliste. Heureusement, malgré tout, Sono maîtrise son sujet, si bien que l’on peut parvenir à oublier certains des défauts cités et apprécier le métrage qui n’ennuie jamais sur la longueur (2h10, Sono a fait bien plus long, et rarement plus court récemment), surtout qu’il n’y a pas à dire, Sono sait réaliser son film et diriger ses acteurs. Techniquement, c’est un sans faute, bien que Sono réutilise certains artifices qu’il a déjà utilisé par le passé. L’utilisation de la musique classique à répétition fonctionne parfaitement, comme souvent (comme avec le Boléro de Ravel dans Love Exposure ou la Symphonie numéro 1 de Mahler pour Cold Fish), même s’il faut bien avouer que son choix de Samuel Barber avec Adagio for Strings fonctionne mais est beaucoup trop rattaché à un souvenir cinématographique bien marquant pour que l’on puisse l’écarter (Platoon, et dans une moindre mesure, Elephant Man de Lynch).
Cependant, là n’est pas le plus grand défaut de Himizu. Non, son plus grand défaut repose bel et bien dans…. Son personnage principal féminin. Là où Sometani Shôta nous offre une interprétation convaincante d’un personnage intéressant bien que parfois facile on pourra dire pour Sumida, Nikaido Fumi se révèle bien souvent énervante dans le rôle de Keiko. Non pas que le personnage soit inintéressant ou l’actrice mauvaise (n’abusons pas, Sono est un excellent directeur d’acteur), mais Keiko passera le plus clair de son temps à crier sur Sumida ou à philosopher toute seule dans sa chambre. Heureusement, elle ne sera pas présente dans chaque scène. Cela n’empêche pas Sono de livrer encore une fois un bon film, un poil en dessous de ces dernières œuvres certes (peut être que le bonhomme tourne en rond, ou bien tout simplement que traiter d’un sujet d’actualité ne lui a pas permis la liberté de faire ce qu’il aurait du, ou ne lui a pas donné le recul nécessaire), mais toujours un bon morceau de cinéma bourré de qualités.
Le dernier Sono est un poil en dessous de ces précédents et souffre de quelques défauts énervants, mais reste un très bon film tout de même. Plus optimiste qu’auparavant, le film réserve des scènes fortes et intéressantes et devrait plaire aux fans du réalisateur.
Note : 7,5/10