[Avis] Buffalo Protecting Child, de Seila

Titre : Buffalo Protecting Child
Année : Rechercher le numéro de série des survêts d’E Pho Thoung pour dater le film
Durée : 2h00
Origine : Cambodge
Genre : Ong Bak Vintage

Réalisateur : Seila

Acteurs : E Pho Thoung, Antonio Graceffo, Sahn Sreymom

Synopsis : Pour venger la mort tragique de son père, un jeune garçon apprend le Bokator (boxe khmer) afin de botter le cul à la mafia locale.

Avis de Laurent : Une chose est sûre, le Cambodge nous a peu habitué à envahir nos écrans de cinéma. Rappelons que la production locale est pour le moins embryonnaire et totalement inexportable. Quelques films horrifiques ont pu traverser la frontière pour alimenter le marché VCD du voisin thaïlandais mais globalement le niveau n’est pas assez relevé pour concurrencer les standards internationaux. Seulement, le succès des récents superkickers dans toute l’Asie du Sud-Est (les Tony Jaa, Iko Uwais et autres Johnny Nguyen) a quelque peu inspiré nos réalisateurs cambodgiens amateurs et sommairement équipés. Réalisé par l’illustre inconnu Seila (crédité apparemment de cinq films au compteur), Buffalo Protecting Child est une réelle curiosité car il met en scène un illustre combattant de Bokator (boxe khmer assimilable à la boxe thaïlandaise) grandement respecté dans sa discipline.

La trame de Buffalo Protecting Child est facilement compréhensible malgré l’absence de sous-titres du film, disponible pour qui veut bien chercher. Un jeune garçon apprend le bokator afin de venger le meurtre de son paternel battu à mort par des mafieux locaux. Jusqu’ici tout va bien … Sauf que la mise en scène de Seila et les moyens techniques mis à sa disposition sont d’un autre temps et accessoirement issus d’une autre planète.

Amateurs de remakes turcs des classiques hollywoodiens, cette chronique est faite pour vous. En effet, le cinéma d’action cambodgien devrait être le nouvel eldorado des cinéphiles déviants tant il existe d’analogies entre ce film et les grands classiques de Cüneyt Arkin. Buffalo Protecting Child ose tout avec une naïveté attachante et une envie de bien faire communicative. Tout est bancal et décalé … C’est dire le potentiel de cette pépite qui s’ignore.

Devant la caméra, on retrouve E Pho Thoung, sorte de Tony Jaa local empruntant sa coiffure à Weng Weng (mascotte qui a fait les beaux jours du cinéma d’espionnage philippin). Une sorte de coupe au bol improbable s’harmonisant délicatement avec les survêts de notre héros récupérés des surplus militaires nord-coréens. La mode est une thématique savoureusement travaillée dans ce Buffalo Protecting Child qui remet au goût du jour le vintage soviétique. La seule motivation d’E Pho Thoung dans la vie : s’entraîner pour combattre la racaille et venger sa famille malgré les réticences de sa mère. Son pire ennemi : un combattant ressemblant étrangement à James Brown (un acteur cambodgien peint en noir avec une perruque blonde et une chemise WTF). Sa muse : une merveilleuse créature au maillot de bain aussi sexy que celui que portait Geneviève de Fontenay lorsqu’elle a été élue Miss Élégance en 1957. D’ailleurs les scènes de sexe ont été tournées avec une technique bien particulière. Afin de trouver une alternative crédible à la pixellisation débandante des AV japonais, l’idée de copuler avec une serviette de bain autour de la taille a été retenue. L’effet est redoutable et l’érotisme détonant.

Suivre Buffalo Protecting Child sur la durée vous demandera un effort pour le moins important. La faute à une post-synchro hasardeuse. Rappelons que les films cambodgiens sont doublés en studio par 2 ou 3 personnes qui se partagent les rôles en modulant lamentablement leur voix. A peu de chose près, on à l’impression de regarder un sketch des inconnus sur une durée de 2 heures. Heureusement, la bande son tend à rééquilibrer cette triste déception. Au programme, quelques reprises de classiques tels que Terminator 2, Aladdin (« Ce rêve bleu » en synthétiseur bontempi), « Hawaï Police d’État » de Morton Stevens ainsi qu’un fabuleux « Take my Breath Away » à la trompette (les fans de Top Gun comprendrons leur douleur). À l’heure d’Adopi, les fondamentalistes du copyright apprécieront.

Mais revenons à l’intérêt principal de Buffalo Protecting Child, à sa voir la baston. E Pho Thoung s’inspire largement du style brut de décoffrage de Tony Jaa. Les boxes khmers et thaïs sont cinégéniquement comparables. E Pho Thoung propose avec une mollesse incroyable toute une panoplie de coups plus ou moins spectaculaires. Une ébauche de chorégraphie est bien présente mais totalement improvisée pour un résultat sympathiquement foireux. Le montage n’aide pas à y voir plus clair avec des coupes à faire pâlir Çetin Inanç de jalousie. Heureusement, l’imagination débordante de Seila permet de coucher sur pellicule tout un tas de fantasmes qui vont du bullet time du pauvre aux effets gores bricolés. Par ailleurs, comme tout bon film de baston asiatique qui se respecte, Buffalo Protecting Child impose ses gweilos avec une élégance rare. Gary Daniels et Michael Woods ayant probablement eu un problème d’emploi du temps, ils ont été remplacés au pied levé par un couple de touristes dont l’homme possède un slip de bain à faire rougir Tarzan de jalousie. La classe.

Malgré toutes les imperfections qui rendent Buffalo Protecting Child attachant, rappelons l’état embryonnaire du cinéma khmer qui souffre encore de son histoire récente et du manque de moyens évidents. Cependant, si certains ont eu la curiosité de voir les films d’action fauchés que Panna Rittikrai a pu réaliser durant les années 80 et 90, ils noteront à quel point il est possible de progresser à partir du moment où l’on croit à ce que l’on fait. Buffalo Protecting Child aurait pu être réalisé par Panna Rittikrai (sans la petite touche turque) car il pose une réelle base de mise en scène qui ne demande qu’à progresser. Peut-être que dans 15 ans, on retrouvera notre duo Seila / E Pho Thoung dans des films concurrençant sérieusement les Chocolate et autres Born to Fight actuels. Sans trop y croire, on peut tout de même espérer une montée en puissance de ce cinéma minimaliste mais ambitieux dans les intentions.

Note : 8/10 sous opioïdes

L’interview d’E Pho Thoung : Ironlife

Le trailer :

Le final :

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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