Titre : Air Terjun Pengantin / Bride’s Waterfall
Année : 2009
Durée : 1h20
Origine : Indonésie
Genre : Wonderbra Vs Magie noire
Réalisateur : Rizal Mantovani
Acteurs : Tamara Blezinski, Marcel Chandrawinata, Tyas Mirasih, Andrew Roxburgh, Kieran Sidhu
Synopsis : Afin de faire un break salutaire suite à un terrible accident de voiture, Tiara (Tamara Bleszynski) part sur une île déserte et paradisiaque en compagnie de son petit ami Lilo et d’une bande d’étudiants. Seulement, l’île n’est pas totalement inhabitée puisqu’un adepte de la magie noire occupe les lieux … et s’apprête à accueillir la troupe de manière un peu spéciale.
Avis de Laurent : Avec Air Terjun Pengantin (Bride’s Waterfall pour l’international), Rizal Mantovani (l’un des fers de lance du mouvement indonésien I-Sinema*) use et abuse de toutes les ficelles cinématographiques possibles afin de détourner les verrous imposés par les garants de la morale du plus peuplé des pays musulmans. Il est en effet incroyable que les libertés prises en Indonésie durant les années 70 et 80 en matière de violence et de sexe à l’écran ne soient plus qu’un lointain souvenir. Depuis quelques années, le puritanisme et l’autocensure sont de mise et rares sont les réalisateurs à transgresser ces tabous. Heureusement, le genre horrifique est là pour faire reculer les frontières de cette morale et quelques cinéastes aventureux vont jouer les funambules avertis. Depuis quelques années, des œuvres plus ou moins réussies vont repousser les lois de la censure. Parmi ces cinéastes, citons Joko anwar (Kala, Pintu Terlarang), les Mo Brothers (Rumah Dara) et bien entendu Rizal Mantovani qui est à l’origine de la sympathique franchise des Kuntilanak.
Rizal Mantovani revisite avec Air Terjun Pengantin le slasher à l’américaine en transposant quelques thématiques inhérentes à la culture indonésienne dans un cadre absolument magnifique. Le mannequin Tamara Blezinski (Cicakman) incarne le rôle de Tiara en quête de renouveau suite à un terrible accident de voiture. Elle part en bateau avec un groupe d’amis sur une île supposée inhabitée. Cependant, un terrible maniaque adepte de la magie noire occupe les lieux et décide le les accueillir avec du matériel de boucher.
Rien de vraiment original dans cette trame convenue au possible et totalement prévisible. On retrouve une galerie de personnages stéréotypés incarnés par de jeunes comédiens au talent douteux. Le seul talent que l’on peu trouver à Tamara Blezinski est lié à sa plastique pour le moins avantageuse à défaut d’être subtile. De toute façon, la subtilité n’a pas sa place dans Air Terjun Pengantin. Chaque situation est grossière, chaque comportement inapproprié et chaque réaction à mille lieue du bon sens. Les événements s’enchaînent et se ressemblent. Ceux qui cherchent des sensations fortes passeront leur chemin car Rizal Mantovani ne présente rien de vraiment novateur dans son film. Le détraqué va liquider un par un les innocentes victimes en les torturant de manière peu originale. L’aspect fauché d’Air Terjun Pengantin est compensé par une utilisation du hors-champ plus ou moins habile et une bande son tout à fait respectable dans le genre.
L’intérêt principal d’Air Terjun Pengantin résulte dans ses séquences érotiques jusque là pratiquement bannies des écrans indonésiens depuis que les autorités imposent un droit de regard sur les films en préparation. Depuis quelques années, les censeurs délivrent ou non un précieux certificat permettant de concrétiser le tournage, de quoi alimenter l’imagination des cinéastes du mouvement I-Sinema. Rizal Mantovani ne joue pas la carte de la subtilité en imposant frontalement des séquences dénudées qui incorporent brutalement le récit. Très régulièrement, sur fond de musique sirupeuse, Air Terjun Pengantin propose des playmates ultra-softs en sous-vêtements sexy. Des petits clips vidéo qui malheureusement cassent maladroitement le rythme du récit via des scènes de douches et autres applications de crème solaire torrides. Dans un contexte normal, ces scènes seraient tout simplement critiquables tant elles polluent le récit, mais dans les circonstances religieusement surveillées de la production indonésienne post-Suharto, elles ont le mérite d’exister et de provoquer.
En définitive, les séquences qui plombent Air Terjun Pengantin sont finalement celles qui marquent l’intérêt que l’on doit avoir pour le film. C’est probablement contradictoire mais cela se justifie si l’on s’intéresse un minimum aux codes qui définissent le cinéma contemporain produit dans le pays. Aussi indispensable qu’indigeste, Air Terjun Pengantin est finalement plus un film politique et engagé qu’un vulgaire slasher érotisant et exploitatif …L’équivalent d’une Cat III pour Hong Kong qu’apprécieront les amateurs de cinéma déviant.
Note : 4/10
*Le I-Sinema (Independant-Sinema) est un mouvement initié par Riri Riza (et d’autres jeunes réalisateurs locaux), qui symbolise en Indonésie la lutte des cinéastes indépendants face à la censure locale depuis la chute du régime Suharto en 1998. L’œuvre collective Kuldesak aurait lancé ce mouvement.
Le trailer :