Deux jeunes gens se rendent à une soirée branchée, qui tourne très rapidement au massacre. Le tueur, masqué, repart avec l’une des invitées, aveugle heureusement. Celle-ci en tombe amoureuse, sans savoir qu’il est un être monstrueux et meurtrier, mais aussi en manque d’amour…
Avis de John Roch :
Et c’est reparti : une bande de jeunes venus pour boire, fumer et baiser, malgré les avertissements d’un vieux fou qui ne raconte peut-être pas que des conneries sur une présence maléfique dans les parages. Puis le tueur au masque de hockey surgit, occis l’intégralité du casting et arrive à la final girl, tout ça en 15 minutes. Sauf que ce n’est pas Crystal lake mais Londres, et que ce n’est pas Jason mais Jackson, et que la main du saigneur repose sur une idée originale : et si le boogeyman tombait amoureux de la final girl ? Celle-ci se nomme Shelley, elle est aveugle, et sa cécité l’emmène à confondre Jackson avec son rencard, elle l’invite un boire un thé chez elle, il accepte. Le point de départ d’une histoire d’amour pas comme les autres, durant laquelle Jackson va remettre question ses agissements, régler ses rapports conflictuels avec son père qui tente désespérément de le remettre dans le « droit chemin », et réveiller en lui sa part d’humanité. Un véritable voyage initiatique mâtiné de gore, d’humour, et de réflexions intelligentes sur le slasher movie.
La main du saigneur n’est pas une parodie à proprement parler, mais plutôt un pastiche du genre, avec Vendredi 13 et ses nombreuses suites en tête de ligne. De la saga, le film pourrait en être un spin off, dans lequel Jason fait une psychanalyse, raconte son enfance dans les bois après avoir été laissé pour mort suite à un accident sur un lac, dénonce ses rapports tendus avec son père qui tient à ce qu’il suive la voie de la famille, et philosophe sur sa condition de monstre en citant du Lord Byron. Tout ça en vivant une histoire d’amour passionnée avec une aveugle adepte du godemichet et du sadomasochisme, la scène où Shelley initie Jackson à la pratique est par ailleurs très drôle, à l’instar du reste du métrage. Car rien que voir ce dernier dans la vie de tous les jours (comme monsieur tout le monde, il prend son café en terrasse et se balade au parc) en ayant en tête le tueur de Crystal Lake donne le sourire pendant la quasi entièreté de la vision. De plus, La main du saigneur se permet des moments réellement drôles, par moment méta avant l’heure, à l’image de ce moment impayable où Jackson poursuit une future victime jusqu’à un pub, dans lequel une bande de jeunes croient reconnaître » le mec des films » (Jason donc) et l’invite à boire un verre. D’autre moments prennent les défauts récurrents du Slasher movie pour mieux s’en moquer, par exemple Jackson qui déconseille à sa victime de fuir puisqu’elle trébuchera dans la minute, ce qui forcement arrive.
Qui dit slasher dit morts à la pelle, et la main du saigneur n’a pas à rougir face à la concurrence. Non seulement le bodycount est généreux, mais les meurtres ont échappés aux coupes de la censure, généralement peu clémente avec le genre, doublement surprenant au vu de la nationalité anglaise du film, alors en plein débat sur la violence au cinéma et autres vidéo nasties. En résulte des meurtres très graphiques, par moment gores, par moment crus, dopés par des effets spéciaux réussis qui font plaisir à voir. La main du saigneur, c’est aussi une histoire d’amour qui tient la route, par moment touchante avec son anti-héro sans cesse en lutte contre ses démons qui ne demandent qu’à surgir. C’est aussi un film intéressant, surtout quand il fait le bilan d’un genre qui a régné pendant une décennie. Car en plus de son coté méta avant l’heure, La main du saigneur possède un double niveau de lecture pour peu que l’on s’y attarde. Sans m’attarder sur tous les petits détails (et il y en a), mais en spoilant légèrement, du personnage du père qui est ni plus ni moins qu’un producteur (au hasard: Sean S. Cuningham) qui rappelle à sa créature que quoi qu’elle fasse, elle reviendra (quand il ne fait pas office de film, Jackson étant la suite), au contraste entre les massacres du début et de la fin (grandeur et décadence du slasher movie, qui ne cherchait plus vraiment à se renouveler sur la fin) en passant par le titre original, Unmasked part 25, qui prend toute sa dimension dans un final lourd de sens, le métrage fait preuve d’une profondeur insoupçonnée. On en attendait pas tant d’un métrage qui réussit quasiment tout ce qu’il entreprend. Quasiment car il faut avouer un très léger manque de rythme, la faute à des scènes par moments un brin longuettes, qui s’étirent un peu trop. Deux ou trois coupes, ne serait-ce que d’une ligne de dialogue ou deux, auraient permis une meilleure fluidité dans le récit, mais rien de rédhibitoire ceci dit, La main du saigneur a tellement plus à offrir que l’oubli dans lequel il est tombé : un slasher drôle, gore, parfois touchant, doublé d’une réflexion sur un genre en perte de vitesse au moment de sa sortie.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ C’est drôle ♥ C’est gore ♥ Jackson, allégorie du slasher movie ♥ Une réflexion intelligente sur le genre ♥ Le final |
⊗ Un très léger manque de rythme par moment |
Injustement tombé dans l’oubli, La main du saigneur est un film qui mérite d’être découvert, un slasher gore, drôle et intelligent. C’est une œuvre qui a plus d’importance dans le genre qu’elle ne parait. |
LE SAVIEZ VOUS ?
• Tourné en 18 jours
• William Shakespeare est crédité au scénario en tant que poète.
• Le film est plus gore que ce qui était prévu dans le script.
Titre : La main du saigneur / Unmasked, part 25
Année : 1988
Durée : 1h28
Origine : Angleterre
Genre : Réflexion
Réalisateur : Anders Palm
Scénario : Mark Cutforth
Acteurs : Gregory Cox, Fiona Evans, Edward Brayshaw, Debbie Lee London, Kim Fenton, Anna Conrich, Robin Welch, Christiano Brando