[Avis] Ong Bak 3, de Panom Yeerum (Tony Jaa) et Panna Rittikrai

Titre : Ong Bak 3 / องค์บาก 3
Année : 2010
Durée : 1h37
Origine : Thaïlande
Genre : Action / Arts Martiaux

Réalisateur : Panom Yeerum (Tony Jaa) / Panna Rittikrai

Acteurs : Panom Yeerum (Tony Jaa), Mum Jokmok, Dan Chupong, Sarunyu Wongkrachang, Kessarin Ektawatkul

Synopsis : Tien est capturé et presque battu à mort. Il est miraculeusement sauvé par les villageois de Kana Khone. Il y apprend alors la méditation et comment faire face à son karma. Très vite, Tien est pourchassé par ses ennemis.

Avis de Laurent : Après un Ong Bak 2 mitigé sur le plan commercial et critique, Ong Bak 3 vient relancer la franchise sur la base des séquences non exploitées de l’opus précédent. Séquelle plus ou moins justifiée étant donné le final poussif et totalement ouvert d’Ong Bak 2. En attendant, Panom Yeerum a.k.a. Tony Jaa a pu apprécier le fait que le métier de metteur en scène ne s’improvisait pas, même épaulé par Panna Rittikrai qui a été pour lui un mentor indissociable à la construction de sa carrière. Cependant, Tony Jaa est bien plus qu’un simple disciple. En effet, les défauts de réalisation de Panna Rittikrai semblent relégués une fois pour toutes aux oubliettes. L’influence de son élève ?

La marque de fabrique des films de Panna Rittikrai est la dureté et la démesure au niveau des cascades et des combats. Ceux-ci sont malheureusement plombés par une mise en scène hasardeuse et un montage souvent approximatif et malvenu. Tony Jaa semble alors apporter une rage et une violence étonnante dans l’action et une sobriété salutaire dans la réalisation. Aujourd’hui, le duo semble complémentaire et solide. Il ne manquait pas grand-chose à Ong Bak 2 pour marquer définitivement son époque. Probablement que la genèse difficile du projet n’est pas étranger au sentiment foutraque qui anime l’ensemble. Le final pour le moins bricolé en est révélateur. Frustrant pour le spectateur, cette fin ouverte pouvait finalement être considérée comme un simple entracte. Ong Bak 3 confirme ce point de vu. Le film commence directement là où le précédent s’achevait. Tien (Tony Jaa) est capturé et tabassé au plus profond de sa chair. Sauvé de justesse par les villageois de Kana Khone, il va être douloureusement handicapé par les graves blessures qui lui ont été infligées. Suivra alors une longue rééducation axée sur ses facultés motrices et mentales afin de redevenir le guerrier qu’il était complété de la sagesse qui lui échappait.

Ong Bak 3 corrige enfin un Ong Bak 2 qui laissait comme un arrière goût d’inachevé. Le script est toujours aussi borderline avec un aspect fantastique qui pourrait laisser sur le carreau plus d’un spectateur. La rédemption de Tien est accompagnée de forces mystiques liées au folklore thaïlandais basé sur le bouddhisme et le karma. L’aspect culturel est largement développé dans cette seconde suite de la franchise. La religion, la tradition, les croyances, le mode de vie ou encore le Ram thai (danse traditionnelle thaïlandaise qui s’apparente à la fameuse danse des Apsaras chez le voisin cambodgien) en témoignent. Rappelons, pour les réfractaires à la scène où Tien réhabilite son art martial par la danse, l’importance du wai khru ram muai (danse qui précèdent les combats de boxe thaïlandaise) qui est toujours pratiqué sur les rings. Bien que la frontière entre le bon et le ridicule peut sembler mince, Ong Bak 3 ne sombre jamais du mauvais côté de la barrière à condition de ne pas être allergique aux ellipses sculptées à la truelle et à la confusion des genres. L’influence de Tony Jaa est, sans aucun doute, énorme sur la direction prise par le film. Brutal et nihiliste comme jamais, Ong Bak 3 prend une tournure assez inattendue avec un Tien qui se cherche à l’écran au même rythme qu’un Tony Jaa se cherche dans la vie. Tien dans le film et Tony Jaa dans la vie semblent suivre un destin indissociable. Les deux se retrouvent confrontés à des choix de vie plus ou moins guidés par le regard bienveillant de Bouddha. La fin du tournage d’Ong Bak 3 sera alors marquée par un break de Tony Jaa qui se retire alors dans un monastère. Il s’agit d’une étape importante plus ou moins longue dans la vie d’un thaïlandais. Le fait que cette retraite ait lieu après ces expériences et tournages difficiles n’est sûrement pas un fait anodin. Et Tony Jaa est sûrement bien plus qu’une star people classique qui doit vraisemblablement douter de son statut de bête de foire.

Malgré le succès international de la franchise, Ong Bak 3 est bien un film 100% thaï qui brasse tous les genres bien au-delà de la castagne. Tony Jaa décline toutes les thématiques qui lui tiennent à cœur avec beaucoup de sincérité et de générosité. Malgré le fait que certains spectateurs décrocheront de ce virage à 180 degré opéré par l’acteur / réalisateur, il est indéniable qu’il soit en ce moment en train de se construire une personnalité assez inédite. Son personnage, à l’écran, est à mi-chemin entre le Jésus ressuscité de La Passion du Christ et le Ding On assoiffé de vengeance d’un The Blade. Tony Jaa devient une icône immortelle de son propre film avec un relookage physique lui apportant une maturité assez étonnante (l’effet barbe n’y est pas pour rien). Tony Jaa gagne enfin en charisme, un acteur est sans douté né de ce désordre.

Si on devait jouer au jeu des comparaisons, il ne faut pas chercher du côté d’Ong Bak pour retrouver quelques similitudes. Outre le titre et un goût prononcé pour la cascade suicidaire, rien ne rapproche les deux films … l’un est un actionner primaire quand l’autre est une quête sur l’identité. Ong Bak 3 se rapproche plutôt de True Legend de Yuen Woo Ping pour le fond (reconstruction d’un artiste martiale handicapé) et de Legend of the Wolf de Donnie Yen dans la forme. Cette comparaison avec le film de Donnie Yen est intéressante. En effet, on retrouve le même nihilisme, la même violence et le même culte de la personnalité qui se met en place. Esthétiquement, Ong Bak 3 et Legend of the Wolf se ressemblent aussi un peu. Les deux réalisateurs débutants prennent conscience de leurs potentiels respectifs et tentent des choses avec la caméra. Parfois c’est bancal et parfois c’est tout simplement beau. Tony Jaa alterne parfaitement les séquences d’action nerveuses avec des plans étrangement statiques qui confirment la dualité du personnage. Cette image, dans Ong Bak 3, d’un moine qui contemple cet immense pied de Bouddha est d’une poésie rare dans ce monde de brute. Concernant l’action, elle est brute de décoffrage, originale et chorégraphiées avec une rare maîtrise. Parfois, un côté bis et mystique vient rappeler au spectateur la spécificité des cinémas d’Asie du Sud-Est comme à la belle époque ou Rapi Films s’appropriait le monopole du mauvais goût. D’ailleurs, les anciens films de Panna Rittikrai étaient déjà teintés de magie noire comme on peut le voir, par exemple, dans Spirited Killer sorti en 1994. Pour en revenir à Ong Bak 3, il est important de savoir à l’avance où on met les pieds. En effet, le film est relativement avare en combats. Cependant, ces derniers sont tout simplement superbes. On appréciera tout particulièrement la séquence d’ouverture ou Tien est enchaîné ainsi que l’une des séquences finales à dos d’éléphant. Le duo Tony Jaa / Panna Rittikrai est clairement au top et n’a jamais été aussi bien affuté. Cette fois-ci, la réalisation est discrète et toujours au service de l’action.

Loin d’être parfait, Ong Bak 3 est un film charnière pour son réalisateur qui ne mérite pas sa réputation désastreuse. Tout du moins cette dernière doit être pondérée par la véritable thématique du film, à savoir la rédemption d’un guerrier et sa quête de spiritualité. Une fois digérée, l’œuvre maudite de Tony Jaa sera probablement réévaluée à sa juste valeur … En attendant, souhaitons un repos bien mérité à notre tataneur préféré qu’il fasse le plein de spiritualité avant de revenir nous botter le cul à la racaille.

Note : 7/10


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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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