[Avis] La harpe de Birmanie, De Kon Ichikawa

Titre : Biruma no tatekoto / The Burmese Harp
Durée : 111 min
Origine : Japon
Année : 1956
Genre : Guerre / Drame
Réalisateur : Kon Ichikawa

Casting : Rentaro Mikuni, Shoji Yasui, Jun Mamamura, Takeo Naito, …

Synopsis : Fin de la seconde guerre mondiale. En Birmanie au moment de la capitulation de leur pays, une unité Japonaise se rend à l’armée anglaise. L’un d’eux, Mizushima, se voit confié une mission à la suite de laquelle il sera porté disparu …

 

 

Avis Best : Dire que La harpe de Birmanie marque les esprits est un doux euphémisme. En effet, son lyrisme et l’intelligence du propos sont une véritable invitation à la tolérance et à l’optimisme. De quoi réjouir tous ceux qui cherchent un coin d’humanité où faire se reposer leur cœur l’espace d’un instant privilégié.
Après Feux dans la plaine, épuré et principalement axé sur la cruauté de la guerre, Kon Ichikawa nous offre une vision atypique d’un autre conflit meurtrier. Dans le cas présent, l’histoire se déroule sur le territoire Birman, au moment de la capitulation du Japon, à la fin de la seconde guerre mondiale. Mais l’opposition avec les troupes anglaises ne sera pas le principal enjeu du récit. Celui-ci préférera se faufiler sur un chemin dérobé, pour nous emmener au-delà de toutes nos espérances.

S’il est des films pour lesquels un mot suffit à mettre en avant l’approche souhaitée par son réalisateur, celui-ci en fait indubitablement partie. Et quel terme pourrait mieux définir ce chef d’œuvre que « Humanisme ». Par ce simple fait, un lien se crée avec un autre monstre sacré du cinéma japonais, Akira Kurosawa. Comme chez son compatriote, cette dominante n’est jamais surfaite, mais respire au contraire la sincérité. Parfois naïve, elle symbolise l’espoir et la volonté de se projeter vers l’avenir, même en temps de guerre. Continuer à vivre en restant soi-même, quelque soit la situation, pour que ses idéaux et l’envie de voir renaître le monde survivent eux-aussi. La chose est claire, il est nécessaire de rester unis et solidaires. La reconstruction et l’étape difficiles des débuts de l’après-guerre passent par là. Il est aussi nécessaire de penser aux autres, qu’ils soient morts ou vivants, et de ne jamais oublier ceux qui sont loin. Proches ou inconnus, tout le monde est dans le même bateau, et la souffrance, si elle diffère, n’épargne personne.

Il convient d’ailleurs de souligner une caractéristique majeure de cette Harpe de Birmanie. Durant toute l’histoire, la philosophie bouddhiste tient une place prépondérante, et s’exprime jusque dans ses moindres recoins. Elle nous apporte sa sagesse et transmet les messages qui lui sont chères avec une sensibilité rare.
A ce titre, les personnages sont toujours touchés par un optimisme et une sincérité débordante, même si elle ne masque jamais la souffrance du monde qui les entourent. Des rapports allant au delà de la franche camaraderie, pour se transformer en un véritable union sacrée. Car le régiment japonais dont nous suivons le parcours, constitué de personnes toutes différentes, ne forme qu’une seule et même âme, soudée par les épreuves passées, présentes, et futures. L’impact est saisissant et il en découle une empathie mêlée à un fort attachement envers ces êtres débordants d’humanité.

Mizushima, respecté de tous pour son intégrité, son courage et sa gentillesse, est le symbole de ces militaires japonais, et sa harpe en est le cœur. Un instrument essentiel, véritable acteur du film, constituant un sublime fil rouge. En apparence si fragile et futile, cette harpe fera office de moyen de communication, de signal et de catalyseur d’émotions. Chaque fois que sa mélodie s’élève, un bonheur immense envahi toute présence, qu’elle soit Birmane, Japonaise ou Anglaise. Véritable lien entre les peuples, elle touche au plus profond de l’être, et il est impossible de rester insensible à ces sonorités, qui donneraient la larme à l’œil à un char d’assaut. La composition d’Akira Ifukube est à ce titre une merveille à se passer en boucle tellement le bonheur est immense à écouter ces musiques.

Alors que ses compatriotes se retrouvent dans un camps de prisonniers, Mizushima se voit confier une mission dont dépend la vie d’une poignée de résistants japonais. Suite à l’échec de l’opération, il est porté disparu. A partir de ce moment, son parcours différera, le menant à une longue réflexion sur ses devoirs et la nécessité de suivre la ligne de conduite imposée par son cœur. Son périple solitaire au milieu d’un chaos éprouvant, les rencontres effectuées et l’impact qu’auront ses multiples visions d’horreur seront déterminantes dans ses décisions. Ainsi, Kon Ichikawa nous livre les doutes et les hésitations d’un homme devant le choix de sa destinée.
S’il est le personnage clé de l’histoire, aucun des protagonistes n’est négligé, et l’unité à laquelle il appartient  tiendra elle aussi un rôle majeur. Chacun de ses membres nous est montré comme autant d’êtres sensibles et attachants, marqués par les craintes mais surtout portés par un indicible espoir. Parmi les autres personnages, on retiendra la « petite mère » avec laquelle les prisonniers font du troc, et dont les rapports amicaux seront une véritable ode au respect, à la gentillesse et à la bonté. N’oublions pas non plus le jeune bonze avec lequel Mizushima se lie d’amitié après s’être lui même destiné à une vie de privations. Il se fond parfaitement dans l’esprit du film et apporte avec lui toute la justesse de son interprétation. L’occasion de tirer un coup de chapeau à tous les acteurs. Ils réalisent une performance de haute tenue, donnant ainsi une réelle ampleur au récit.

Pour que le tableau soit complet, il fallait pouvoir compter sur une belle réalisation. Elle y est magnifique. L’espoir d’une mise en scène de qualité et de la beauté des images étaient eux-aussi présents. Tout est au rendez-vous. Quand aux décors, ils sont magnifiques.

Ce chef d’œuvre intemporel de Kon Ichikawa, primé à Venise, m’aura transporté et ému comme jamais. A mon goût sa réussite la plus marquante, et un film à placer au panthéon du cinéma mondial. Pour cela, il n’y a qu’un mot à dire. Merci.

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Auteur : Best

Même après toutes ces années, les fights et autres cascades lui sont d’une réjouissance sans pareil. Les tranches de vie où les personnages sont au cœur des débats sont toujours un ravissement. Qu’il s’agisse d’un film bien con ou de toute autre chose, peu importe. Le bonheur cinématographique se trouve partout. Comme le veut la formule ; « Qu’importe le flacon, pourvu qu’il y ai l’ivresse ».
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