Marton Villar est le chauffeur de la famille d’un riche homme d’affaires. Alors qu’il ramène sa fille et celle de ses employeurs, une tentative de kidnapping sur les deux fillettes tourne mal. L’une est enlevée, l’autre est tuée. Le père désespéré va tout risquer pour sauver sa fille des hommes qui la retiennent prisonnière…
Avis de Cherycok :
Plus la peine aujourd’hui de présenter les plateformes de financement participatif qui ont fait leurs preuves maintenant depuis quelques années et qui ont permis à de nombreux réalisateurs en manque de moyens de réaliser des courts, moyens, voire longs métrages. On citera par exemple Veronica Mars (2013), Wolfcop (2014) ou encore tout récemment l’excellent Kung Fury (2015). Le réalisateur du film philippin Graceland qui nous intéresse ici a également eu recours à ce genre de financement via le site Kickstarter, récoltant 19000$ sur les 18000 demandés, de quoi finaliser son bébé, le présenter dans de nombreux festivals internationaux (San Diego, Tribeca,…), y gagner au passage quelques prix, et enfin le sortir sur grand écran puis au format DVD un peu partout dans le monde.
Graceland est ce qu’on pourrait appeler un film minimaliste, et on doit ce traitement sans doute à cause de son budget extrêmement serré. Tourné en à peine 17 jours dans des conditions pas forcément idéales, Ron Morales se voit même obligé de faire ses prises de vues à Manille de manière illégale, sans aucune autorisation. Aucun artifice, aucun effet visuel, tourné quasi exclusivement en caméra à l’épaule avec un style très documentaire, le film nous met en avant des thématiques très fortes telles que la prostitution de mineures, la corruption sous toutes ses formes, le trafic d’organes, les différences riches / pauvres… Film relativement noir avec un humour aux abonnés absents, Graceland nous présente des lieux sales (l’immense terrain rempli de détritus), parfois très glauques (les bars karaoké devenus des repaires de prostitution infantile), et cet univers très froid pourrait bien mettre mal à l’aise certains spectateurs tant Ron Morales s’applique à garder une ambiance très étrange et une atmosphère assez indescriptible. Il rappelle sur bien des points le coréen Sympathy for Mr Vengeance de Park Chan-wook, même si ce dernier présente bien plus d’ironie et de situations absurdes.
Pas ou peu d’action, à peine un coup de feu (avec victime hors champ), mais pourtant Graceland se regarde sans aucun problème et surtout sans aucun ennui. Le scénario s’avère parfois surprenant, sans réel twist mais évitant toute linéarité et surtout arrivant avec peu de choses à nous tenir en haleine. Les personnages pourront paraître assez clichés au premier abord, comme celui du détective décontract avec son t-shirt moulant et trop petit pour lui, mais à fur et à mesure que le film avance, il s’avère bien plus intéressant qu’il n’y parait et fait surtout preuve de bien plus d’intelligence que d’habitude. Il faut dire que le film est très court, 1h16 si on enlève le générique de fin, pas sûr donc que son rythme lent aurait supporté une demi-heure supplémentaire. Mais quoi qu’il en soit, on se laisse happer par cette histoire de kidnapping qui tourne mal, classique sur le papier mais bel et bien différente des autres dans son traitement, un traitement très froid donc qui nous fait terminer le film sur une sensation très étrange, celle de ne pas réellement savoir si on a aimé ou non le film, ce qui nous force à nous poser quelques interrogations après coup…
Graceland est un film assez particulier. Mis en scène très proprement, son ambiance froide et son style documentaire en font une expérience des plus singulières qui risque d’en dérouter plus d’un.
Note :
Titre : Graceland
Année : 2012
Durée : 1h24
Origine : Philippines
Genre : Kidnapping à Manille
Réalisateur : Ron Morales
Avec : Arnold Reyes, Menggie Cobarrubias, Dido de la Paz, Leon Miguel, Ella Guevara, Marife Necesito, Patricia Gayod, Bernadette Diao, Yam Wilson, Angie Ferro, Angeli Bayani, Archie Adamos