[Avis / Sortie Ciné] Vengeance, de Johnnie To

Titre : Vengeance
Année : 2009
Durée : 1h40
Origine : Hong Kong
Genre : Polar, action
Réalisateur : Johnnie To

Acteurs : Johnny Hallyday, Sylvie Testud, Simon Yam, Anthony Wong, Lam Suet, Maggie Siu, Felix Wong

Synopsis : Francis Costello, aujourd’hui cuisinier mais ex tueur professionnel, va à Hong Kong afin de venger sa fille et sa famille.

Avis de Slimdods : Nombreux sont les adorateurs de Johnnie To, réalisateur virtuose qui a su prendre la place de John Woo sur le terrain du polar urbain HK grâce à quelques films, comme The Mission encensé un peu partout, le divertissant Fulltime Killer et surtout sa saga mafieuse comprenant Election et Election 2, polars mêlant des enjeux politiques et règlements de comptes dans un réalisme saisissant. Nombreux sont aussi les déçus de ses derniers films, Exiled en tête, cause d’un Johnnie To qui à tendance à se regarder un peu trop filmer, à montrer au monde à quel point son cinéma est unique dans le genre. J’aime beaucoup Exiled, mais c’est vrai, il se la pète le bougre. Alors, quand il annonce qu’il va réaliser un polar purement HK avec un français loin d’être inconnu chez nous, que ce soit sur la scène musicale jusqu’au guignol de l’info, il y a de quoi frétiller de joie, non sans une once d’appréhension.

L’image de Johnny Hallyday en France est délicate : on se fout de sa gueule à cause de sa diction unique et de sa boîte à coucou, on aime sa musique où pas, on suit sa vie de star médiatique où pas, Optique 2000, ect … mais Johnny reste Johnny, une personnalité qui a su passer les générations sans frémir, qui en ce moment entame une tournée d’adieux et qui n’a absolument aucun égal aujourd’hui en France. Chacun à sa propre image de Johnny et pour apprécier Vengeance, il est obligatoire de se faire violence et d’oublier, le temps du film, cette image bien où mauvaise (attention, ce n’est pas facile). Pendant la séance, la démarche de Johnny, son style et même sa diction ont provoqué des rires bien énervants (souvent injustifiés mais pas toujours malheureusement, j’y reviendrais) pour quiconque essaye de rentrer dans l’ambiance … Bon courage.

Vengeance est donc bien un film de Johnnie To : Les mêmes gueules, la même réalisation virtuose m’as-tu vu comme je suis balèze, les mêmes thèmes abordés, les mêmes fusillades que Exiled, ça fait quand même beaucoup de similitudes pour un film. Et on en vient tout de suite au gros problème de Johnnie To : son cinéma commence à réellement tourner en rond. La première partie du film se révèle pourtant assez plaisante, avec une superbe rencontre entre le trio HK Anthony Wong / Gordon Lam / Lam Suet et Johnny, une rencontre de poseurs certes, mais à l’ambiance magique. Une amitié virile nait entre ces quatre là, et dans ce contexte, la première partie du film se révèle très plaisante, avec un soupçon de naïveté maîtrisé (comme dans Exiled tiens). Johnny y est caricatural mais l’icône qui nait en face de nos yeux fait assez sensation : il a du style Johnny Halliday et Johnnie To le magnifie. On y croit encore à cette vengeance donc, mais le film va se perdre dans une complexité qui va faire perdre toute crédibilité au film.

Johnnie To et son copain Wa Kai Fai ont été beaucoup trop loin : une limite a été franchise avec Vengeance, contrairement à Exiled (bon, en faîtes si, souvenir de la canette !) mais la magie opérait totalement dans ce dernier, notamment grâce à des personnages esquissés avec ce qu’il faut de naïveté et de crédibilité pour y croire. Ici, le personnage de Costello joué par Johnny Halliday est rendu beaucoup trop complexe (il a une mémoire de poisson rouge) et le ridicule de certaines situations en fera sourire plus d’un (voir la scène de la plage et de la pleine lune, sortie tout droit d’un film d’épouvante, totalement à l’ouest le To sur ce coup là). Johnnie To s’est emmêlé les pinceaux sur ce coup, et ce conte pour adulte n’atteint jamais le seuil de crédibilité escompté. Puis merde, cette histoire de vengeance ne nous fait pas vibrer et c’est là le gros problème du film : on ne ressent aucune compassion pour le personnage de Costello, Johnny étant assez inexpressif en général. Bref, le générique de fin arrive sans émotion … quel dommage !

Mais le film nous permet aussi d’assister à des fusillades toujours aussi virtuoses. Bien introduites la plupart du temps, ces séquences explosent la rétine par des plans toujours aussi magiques et un montage stylé à la limite de la lisibilité. Ralentis dans tous les sens, poussières de sang, étincelles par milliers : Johnnie To nous offre un spectacle absolument grandiose. Il ose même quelques idées surprenantes, comme cette fusillade qui s’amuse à rendre la Lune source de lumière unique aux yeux de nos tireurs (même si c’est un peu brouillon) où encore cette séquence de guerre entre les deux clans aux abords d’une déchèterie ! Les fusillades de la fin du film sont absolument dantesques, mais souvent déjà vus ailleurs dans la filmographie de Johnnie To, et on en revient toujours au même problème, il tourne en rond le To. Même si le tout s’avère réellement impressionnant, c’est dommage de voir que le bonhomme se recycle, s’auto-remake dans une proportion qui semble totalement lui échapper. Le pire, c’est qu’il se copie sans s’améliorer, avec par exemple le même traitement pauvre des femmes, (pauvre Sylvie Testud, tu souffres et on s’en balance) où encore le personnage de Simon Yam, qui dans Exiled était à la limite du cabotinage mais qui y atteint ici un degré absolument insupportable (et pourtant, j’adore cet acteur). L’écœurement n’est pas loin, alors attention monsieur To, ressaisis toi !

Vengeance n’est donc pas le chez d’œuvre attendu. Il se révèle juste honnête pour quiconque cherche un bon film de gun, poseur et démonstratif à l’image, avec un score musical assurant le minimum tout en manquant d’homogénéité. Ne cherchez pas d’émotion ni d’originalité, à part bien évidemment par la présence de notre Johnny national qui a tout de même de la gueule. Une déception tout de même, une régression même de la part de Johnnie To pour un film qui reste tout de même un divertissement assez honnête.

Note : 6/10

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Auteur : slimdods

Rejeton Hkmaniak-O-dépressif, je suis le vrai « Bouffe tout » de la famille : du polar urbain sérieux à la comédie kitsh, du Kaiju-eiga au Wu Xia Pian volant, aucun genre n’est épargné par ma faim. D’ailleurs, j’ai un faible pour l’anticonformisme assumé et mon Tsui Hark d’époque me manque énormément. Heureusement que mon Baby Godzilla est réconfortant !
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