L’inspecteur de police Mahadev Bhosale (Sanjay Dutt) fonde le Département. Cette obscure milice nettoie arbitrairement la ville de Mumbai de tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la racaille. Shiv Narayan (Rana Daggubati), qui s’est héroïquement distingué lors d’une prise d’otage sanglante, est la nouvelle recrue du Département. Partagé entre les valeurs de la vraie justice et les principes douteux du département, il va s’associer à Mahadev afin d’éradiquer la bande de Sawatya (Vijay Raaz) qui terrorise la mégalopole indienne.
Avis de Laurent :
Qu’elle est loin la période bénite durant laquelle Ram Gopal Varma faisait la pluie et le beau temps du cinéma de genre en Inde. Comment un réalisateur responsable des plus gros classiques du cinéma policier en Inde (remember Satya, Company et autres Sarkar Raj) a-t-il pu sombrer dans autant de médiocrité ? La spirale des échecs artistiques agrémentés d’échecs retentissants au box-office plombe la carrière de Ram Gopal Varma qui n’est alors plus que l’ombre de lui-même. Pourtant, malgré quelques films médiocres, il n’a jamais cessé d’expérimenter techniquement des choses, et ça c’est plutôt original dans le paysage cinématographique indien dans lequel les tournages s’enchaînent à un rythme effréné sans pour autant révolutionner quoi que ce soit.
Department marque donc le grand retour du cinéaste telugu dans l’univers ultra codifié du film de gangsters. Department présente la moralité tendancieuse d’un obscur groupe d’intervention qui nettoie la ville de Mumbai de la pègre locale sans aucune autre forme de procès. Une bonne thématique fascisante, rien de tel pour se refaire la cerise au pays ou le masala est roi. Ram Gopal Varma collabore derechef avec ce monstre sacré d’Amitabh Bachchan, offre un rôle important de flic bad ass à un Sanjay Dutt vieillissant (mal) et lance le jeune acteur tamoul Rana Daggubati dans le grand bain des superproductions musclées et dopées à la testostérone.
Department n’est pas le genre de film à se distinguer de par son scénario archi-convenu avec sa galerie de personnages ambigus et stylés. Ce qui, par contre fait la force du film, c’est sa violence graphique assez inédite en Inde. Les gunfights sont nombreux et sanglants, les règlements de compte à coup de bastos omniprésents et pour les amateurs de cinoche déviant, Ram Gopal Varma ose filmer un gangster jeter un enfant infirme par la fenêtre du 7ème étage ! Les têtes éclatent toutes les 8 secondes via des armes de gros calibres et les impacts de balles défoncent bien comme il faut les torses velus des bad guys. Les séquences se répètent et se ressemble sans pour autant lasser sur la durée du film.
La grande innovation de Department, il faut la rechercher dans l’approche formelle du film. Ram Gopal Varma a toujours cherché à expérimenter les genres et tester techniquement ce qu’il avait sous la main. À ce titre, Department est un film hautement expérimental puisqu’il est presque exclusivement composé de plans venus d’ailleurs complètement déjantés et très souvent effectués à l’aide d’appareils photos embarqués sur divers objets mobiles (les flingues, les volants des 4×4, les tasses de thés, les chaussures, etc …). Cette approche originale permet de proposer un film qui n’a pas réellement d’équivalent à l’échelle du long métrage. L’effet est garanti même si certains plans sont parfois ridicules lorsqu’ils ne servent que l’esbroufe. Cependant le prix à payer concernant ces expérimentations vient d’un montage très cut qui risque de mettre sur le carreau les spectateurs épileptiques allergiques à la frime au premier degré. Department est un film qui pose à mort. La frime est omniprésente, que ce soit au niveau de la réalisation ou bien des personnages. Les combinaisons ralentis / accélérations sont probablement de trop et cachent parfois très maladroitement la misère martiale d’un Sanjey Dutt plombé par l’arthrose (le voir lever la jambe est un supplice pour le spectateur !).
D’ailleurs, concernant l’acting, Sanjey Dutt est le point faible de Department (Ram Gopal Varma a même avoué qu’il a été un véritable boulet lors du tournage à vouloir continuellement recentrer l’intrigue sur sa personne). Effectivement, il fait un peu peine à voir face à un Amitabh Bachchan en roue libre mais efficace dans son rôle de Sarkar ainsi que confronté au jeune Rana Daggubati qui a tout d’un futur grand. Il est juste bon lorsqu’il casse des bouteilles de Sky sur la tête des gangsters lors de ses virées nocturnes. Toute la médiocrité athlétique de Sanjey Dutt peut être résumée dans le combat final complètement raté dans lequel il affronte un Rana Daggubati en pleine possession de ses moyens. Enfin, concluons avec un point fort de Department. En effet, Ram Gopal Varma réussit à y incorporer quelques séquences musicales qui servent réellement la narration (les amateurs de vulgarité assumée pourront apprécier le clip de Dan Dan Cheeni) … un challenge musical rarement relevé dans les derniers films du réalisateur qui collaient davantage aux standards hollywoodiens.
Au final, Departement est un film important dans la filmographie d’un Ram Gopal Varma qui renoue (à défaut du succès) avec la radicalité d’un cinéma de genre qu’il a lui-même construit en Inde au cours de ces deux dernières décennies. Même s’il se couche trop souvent au service de l’esbroufe gratuite, force est de constater que le cinéaste se met aux avant-postes d’un cinéma expérimental qui privilégie la forme à défaut du fond. À ce titre, Departement est à Ram Gopal Varma ce que Piège à Hong Kong est à Tsui Hark … En effet, les deux cinéastes testent tout ce qui leur passe par la tête dans leurs films respectifs au risque de se casser les dents de temps en temps … Espérons que le prochain film du cinéaste tamoul soit l’équivalent d’un Time ans Tide pour le maître hongkongais … On le saura très prochainement avec un The Attacks of 26/11 déjà en post-production.
Titre : Department
Année : 2012
Durée : 2h24
Origine : Inde
Genre : Tolérance zéro
Réalisateur : Ram Gopal Varma
Acteurs : Rana Daggubati, Sanjay Dutt, Amitabh Bachchan, Vijay Raaz, Abhimanyu Shekhar Singh, Madhu Shalini, Deepak Tijori
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