[Avis/Sortie Blu-Ray] Sympathy For Mr Vengeance

Titre : Boksuneun Naui Geot / Sympathy For Mr Vengeance
Année : 2002
Durée : 2h09
Origine : Corée du Sud
Genre : Vengeance story
Réalisateur : Park Chan Wook

Acteurs : Song Kang-ho, Shin Ha-kyun, Bae Du-na, Im Ji-eun, Lee Da-yeon, Han Bo-bae, Lee Keum-hee, Jeong Jae-young, Kim Se-dong, Oh Kwang-rok, Ryu Seung-beom, Ryu Seung-wan.

Synopsis : Ryu, un jeune ouvrier sourd et muet tente tout ce qu’il peut pour financer la greffe d’un rein destiné à sa soeur vouée à une mort certaine. Après avoir tout essayé, accompagné de sa petite amie, ils vont kidnapper la fille unique d’un patron fortuné (Dongjin) afin d’en réclamer une rançon. Malheureusement la fillette décède accidentellement, le papa s’engage alors à la recherche de ses ravisseurs tourmentés par cet évènement tragique.

Avis de Drabaye : Freiné par des producteurs plutôt réticents au projet de Park Chan Wook (le considérant trop fou pour un film commercial), « Sympathy… » ne verra le jour qu’en 2002 alors qu’il erre dans la tête de son auteur depuis déjà bien des années. Il va donc se mettre à la réalisation de J.S.A, un thriller à la sauce politique traitant de la relation alors très tendue entre les deux Corée. Le film remportant un énorme succès dans son pays natal (atteignant des records au box office) puis notamment dans les festivals européens, les producteurs livreront une confiance absolue à Park Chan Wook (que l’on nommera par la suite PCW) lui permettant alors de mettre en scène ce « Sympathy… » tant espéré. Bénéficiant donc d’un confort financier, il nous balance en pleine poire un film à l’état brut, un film choc, un film qui amorce la trilogie de la vengeance, une œuvre qui le propulsera au devant de la scène des réalisateurs coréens.

« Sympathy… » est un film qui se scinde en deux parties bien distinctes. Avant d’accompagner Dongjin dans sa quête vengeresse, on est en premier lieu amené à suivre les tribulations de Ryu, un jeune ouvrier sourd et muet qui se démène pour sauver la vie de sa sœur destinée à une mort certaine. Ayant un rein malade, elle attend une greffe d’urgence. Le ton est posé, mais le drame ne s’impose pas seul car il laisse place à une certaine touche ironique qui habille cette première partie d’une fraîcheur aussi timide soit elle. C’est alors qu’ accompagner de Ryu, défileront des sujets d’une triste réalité tels que le trafic d’organes, la lutte des classes et la maladie. Autant de thèmes abordés nous scotchent littéralement sur un tableau bien noir. Ryu affronte de sombres obstacles, n’ayant pas le bon groupe sanguin il ne peut sauver sa sœur, dépourvu et dans l’urgence il fait donc appel à des trafiquants d’organes qui vont finir par lui extraire et lui voler son propre rein ainsi que l’argent qu’il avait rassemblé. En plein désespoir, sa petite amie Young-Mi va alors lui soumettre une idée assez radicale, elle lui propose de kidnapper la fille d’un richissime patron. C’est alors que tout bascule à la mort de celle-ci. La colère, la folie, la torture, une violence qui va en crescendo rythmée par une tragédie naissante pour une deuxième partie bouleversante par son atrocité.

PCW met fortement l’accent sur la lutte des classes, d’ailleurs elle en devient le décor planté de ce « Sympathy… » Ici la classe ouvrière se bat pour survivre dans un monde privilégiant les plus riches alors que les patrons eux s’engagent à des licenciements pour sauver la peau de leurs entreprises. Cela dit le réalisateur a l’intelligence de ne jamais opposer le bien au mal ne fustigeant à aucun moment une classe plus que l’autre. Bien au contraire il met en scène un couple de marginaux ,certes pauvres, mais totalement libres et malgré tout heureux ainsi. Et jamais il ne dresse une définition d’un bourgeois crachant sur les nécessiteux, mais plutôt celle d’un homme  ignorant tout de la réalité de la pauvreté. PCW ne prend donc jamais parti, d’ailleurs le spectateur non plus et nos sentiments explosent lorsque la course aux représailles est lancée. Car l’auteur a fait en sorte que l’on s’attache autant à Ryu qu’à Dongjin, pourtant vouer à s’affronter. Nous soutenons le premier pour sa naïveté naturelle qui en fait un personnage attachant sur qui la malchance s’obstine. Mais nous partageons aussi la haine qu’a absorbé le second à la mort de sa fille, nous comprenons d’emblée son envie de la venger. Le spectateur éprouve donc de la compassion pour tous les protagonistes malgré cette sauvagerie parfaitement mise en scène.
S’enchaînent alors des scènes d’une rare violence aux penchants gores, des tronches de trafiquants explosées par une batte de baseball, Young-Mi torturée à doses de décharges électriques (NON !!!), du bouffage de reins, un couteau logé profondément dans une cage thoracique, bref une surdose d’horreur. Effectivement le choix de PCW peut choquer, des individus qui de nature ne sont pas des criminels, finissent par adopter une violence extrême et tuent sans vergognes. Mais pourquoi cette décision? Car la colère se transformant en haine viscérale va leur ôter la raison. S’étant accoutumés à la violence ils finiront par l’adopter en se laissant guider par elle. Après toutes ces successions de drames et de véhémences on a bien deviné qu’il n’existe aucune échappatoire pour les Mr vengeance. Ces personnages que le réalisateur nous a permis de comprendre et d’apprécier vont achever leur course ensemble, un croisement qui mettra fin à cet élan frénétique boosté par la folie humaine. Il est vrai que tout le long du film, le spectateur endosse un plaisir coupable à supporter les excès de Park Chan Wook, mais on peut finalement le remercier car il fait ressurgir en nous des sentiments nous rappelant que nous sommes bien humains.  Partageant les douleurs de chacun, nous ne sommes pas préparés à supporter leur affrontement final. Tout cela n’aurait jamais été aussi criant de vérité si ce « Sympathy… » était dénué d’une mise en scène bluffante à la direction artistique époustouflante, car force est de constater que Park Chan Wook signe ici une œuvre d’une telle beauté que l’on pourrait en oublier sa cruauté enfin presque…

La réalisation est remarquable, PCW nous livre ici tout son génie qui caractérise son cinéma. Tout d’abord la photo est excellente et soignée, tout est cadré au millimètre près, rien n’est laissé au hasard. Des plans incitant à la contemplation nous immerge dans un univers totalement cohérent. C’est poignant, mis en scène avec brio. Tout le métrage possède des images qui bousculent nos émotions. Les hors-champs ont une importance indéniable pour la définition de la souffrance émise par PCW. Des plans vus de haut changeant la dimension du métrage au point de nous faire plonger dans celui-ci, la scène où Dongjin tire Ryu dans l’eau afin de le condamner est prodigieuse. Les couleurs empruntées embellissent la pellicule, le mélange des couleurs complémentaires que sont le vert et le rouge fait ressortir cette dernière d’un plus bel éclat. Des travelling judicieux nous font visiter l’environnement dans lequel évolue les protagonistes. Tant de plans sont emprunts d’une imagination débordante sans jamais tombés dans la démonstration prétentieuse de son auteur, les images ayant une importance capitale au cœur de « Sympathy… ».
Au sujet du casting, le film frappe de nouveau très fort avec dans le rôle de Ryu un certain Shin Ha-kyu (déjà vu dans J.S.A puis dans le magnifique Thirst du même auteur) qui aux cheveux teintés de vert fusionne avec ce personnage sourd et muet n’arrivant pas à se faire comprendre dans la société dans laquelle il survit, une interprétation remarquable. A ses côtés Bae Doo-na (Barking dogs, The Host) incarne parfaitement le rôle de Young-Mi, sa petite amie. Au caractère bien trempé elle développe un côté marginal et révolutionnaire souhaitant renverser le pouvoir mis en place. Dongjin interprété par le talentueux Mr Song «vengeance» Kang-ho est à la fois touchant et terrifiant. Tout le casting est au top en apportant de la richesse et de la profondeur à tous ces rôles aussi attachants les uns que les autres.
Pour ce qui est de la B.O, le spectateur se laisse entraîner par l’archet d’un violon chargé d’émotion, tout simplement magnifique.

Premier volet d’un triptyque sur le thème de la vengeance (aussi composé de Old Boy et de Lady Vengeance), « Sympathy,… » est considéré comme étant le moins accessible au grand public mais il est de loin le plus touchant et le plus sincère.
Dérangeant, « Sympathy for Mr Vengeance » est d’une beauté hallucinante, imposant une infaillible cruauté. Un chef d’œuvre absolu !

Note : 9/10

Caractéristiques techniques du Blu-Ray (disponible depuis le 2 Mai) :

Éditeur : HK Video

Video : 16/9 Natif; format 2.35
HK Video nous offre un master de grande qualité. Une définition et une colorimétrie au top rendant hommage à ce chef d’œuvre.

Son : DTS HD Master Audio : Français:5.1, Coréen:5.1
Une B.O savoureuse et une Bande Son (globale) correctement masterisée permettant une immersion totale.

Sous-Titres : Français

Bonus :
-Boîtier Blu-ray avec fourreau
-Commentaire audio de Park Chan-wook et Ryu Seung-san
-Interviews des acteurs et de l’équipe technique
-Making of
-Rencontre avec Park Chan-wook
-Story-boards animés : séquence des trafiquants, séquence de la rivière, séquence des anarchistes
-L’ambiance sonore du film
-Bandes-annonces

 Exactement les même que sur le DVD également édité par HK Vidéo il y a quelques années, dommage qu’il n’y ait pas de bonus supplémentaires à découvrir. Néanmoins très complet.


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Auteur : Drabaye

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