Titre : Bakjwi / Thirst aka ceci est mon sang
Année : 2009
Durée : 2h08
Origine : Corée du Sud
Genre : Suceur de sang
Réalisateur : Park Chan-Wook
Acteurs : Song Kang-Ho, Kim Ok-Vin, Park In-Whan, Kim Hae-Sook, Shin Ha-Kyun, …
Synopsis : Afin de rompre son quotidien auprès de sa paroisse, Sang-hyun, un jeune prêtre, décide d’offrir ses services et son corps à la recherche médicale. Il s’en va donc en Afrique tester un vaccin qui pourrait lutter contre un virus mortel tout juste découvert. Au fil des expériences, il se retrouve contaminer suite à une injection du virus dans ses veines, les symptômes se succédant, Sang-hyun finit par y laisser sa peau. Étrangement, une transfusion sanguine le ramène à la vie, mais sous le signe d’un vampire…
Avis de Drabaye :
Park Chan-wook est poursuivi par l’ombre de son triptyque à succès sur le thème de la vengeance (Sympathy for Mr Vengeance, Old Boy et Lady Vengeance) oeuvre brutale depuis laquelle le public l’attend sans cesse au tournant. Il s’est ensuite converti à la comédie avec le non-moins sympathique «I’m a cyborg, but it’s ok». Avec thirst il s’attaque au film de genre « aux canines acérées pompeuses de sang ». Encore une fois il s’en sort largement victorieux. Malgré quelques maladresses narratives l’auteur nous embarque sur un fleuve ensanglanté qui a autant d’embranchements que de genres exploités. Car une fois n’est pas coutume le réalisateur nous emporte dans l’éternel mélange des styles, ce qui nous donne, en résumé, un film dramatico-érotico-gore-burlesquo-sombre(héros). Vous l’aurez compris thirst ne fait pas dans le film de vampire traditionnel, il y campe un style sang pour sang Park Chan-Wook. Gangrénée par la folie de son auteur, l’ œuvre se veut singulière, excentrique et bouleversante. Ceci est son sang. Toutefois, il n’hésitera pas à signaler qu’il a librement perfusé les veines de son inspiration d’une œuvre d’Émile Zola : «Thérèse Raquin».
Comme à son habitude, Park Chan Wook nous livre des images fortes où nos yeux chevauchent sa caméra afin de pénétrer librement l’intimité de ses protagonistes. Les émotions se ressentent, ainsi que les douleurs. Nous accompagnons de très près la déchéance des personnages dans l’engrenage de leurs tourments. Le jeune prêtre, assoiffé de sang et s’adonnant aux plaisirs de la chair, doit renoncer à tous ses principes de vie et religieux afin d’assouvir ses pulsions au délicieux goût du pêché. Il finira même par entretenir une relation bien plus qu’amoureuse voir 200% passionnelle avec Tae-Joo (l’épouse d’un ami d’enfance). La férocité du métrage se dévoile aussi lors de leurs ébats sexuelles, réduisant parfois l’acte à des pulsions primaires et bestiales. Sang-hyun finit par contaminer son amante achevant donc son âme et le plongeant dans la souffrance morale.
Les rôles de Sang-Hyun (Song Kang-Ho déjà excellent dans memories of murder; sympathy for mr vengeance; le bon, la brute et le cinglé) et de Tae-Joo (Kim Ok-vin : dans son premier grand rôle) sont totalement fusionnels. Relation totalement folle et passionnelle entre un prêtre vampire et une femme mariée à un homme extrêmement misogyne. La tension monte lorsque Tae-Joo suggère à Sang-Hyun d’éliminer son mari, le prêtre, ne supportant plus de la voir stigmatiser par les coups qu’il lui porte, passe à l’acte. Hantés par leurs culpabilités, nos deux anti-héros vont littéralement s’adonner à la folie. Le film nous invite alors à une deuxième partie totalement déjantée gonflée aux vapeurs de LSD. Park Chan-Wook se lâche et envoie tout valser d’une manière magistrale. Chapeaux bas aux acteurs pour leurs prestations qui d’ailleurs nous déchirent profondément le cœur lorsqu’il s’affrontent pour des raisons d’opinions divergents. L’un (l’ex prêtre) finit par chercher la voie de la rédemption tandis que l’autre prend un malin plaisir d’user de la canine.
Tout au long du film nous assistons à un spectacle visuel hors du commun. Chaque plan nous enivre, chaque plan est d’une qualité incroyable qui relève du génie. Park Chan-Wook trouvant à chaque fois des idées novatrices autant sur l’aspect technique qu’esthétique. Des plans contemplatifs, un montage effréné,une photographie magnifiquement ténébreuse, une palette de couleurs froides faisant ressortir le rouge sanguin d’une telle vivacité que l’on voudrait bien y goûter, une bande originale du pur style baroque qui accompagne parfaitement les fantasmes et les frissons qui surgissent en nous, une mise en scène à la fois poétique et macabre qui nous amène à un final des plus grandioses; Thirst enchante par sa réalisation mais n’est pas exempt de défauts.
Effectivement le métrage s’étalant sur une durée de près de 2h10, nous faisons parfois face à certaines longueurs. A l’instar d’un bon somnifère Thirst peut avoir un effet de somnolence aigüe sur le spectateur lambda. Le rythme parfois mâché par l’accumulation des genres tend à nous faire perdre le fil, jusqu’à nous questionner sur les réelles intentions du cinéaste. A noter aussi que quelques envolés câblées de nos buveurs de sang sont assez inégales, l’artifice étant parfois flagrant à l’écran.
Encore une fois Park Chan-Wook démontre avec Thirst qu’il est l’un des plus grands réalisateurs du continent asiatique voir du monde entier. Le petit génie du cinéma n’en a pas fini avec nous, son éternel talent frappera encore c’en est certain.
Enivrant, puissant et dévastateur Thirst nous enfonce le pieu là où ça fait mal tout en nous effleurant la nuque d’une poésie vampirisante. Attention chef d’oeuvre.
Note : 9/10