Titre : Sunny / Sseo-ni / 써니
Année : 2011
Durée : 2h04
Origine : Corée du Sud
Genre : Rayon de nostalgie
Réalisateur : Kang Hyung-Chul
Acteurs : Yoo Ho-Jeong, Shim Eun-Kyung, Jin Hee-Kyung, Min Hyo-Rin, Ko Su-Hee, Kang So-Ra, Park Jin-Joo, Hong Jin-Hee…
Synopsis : Na-mi est une élégante femme au foyer quadragénaire qui a oublié ses rêves de jeunesse pour se consacrer à sa famille qui ne la considère guère plus comme un meuble. Son quotidien est monotone, réglé par les désirs d’un mari souvent absent et d’une fille taciturne. Alors qu’elle rend visite à sa mère à l’hôpital, elle retrouve une amie d’enfance. Celle-ci souffre d’une longue maladie en phase terminale et charge Na-mi d’accomplir sa dernière volonté : Retrouver les membres du groupe qu’elles composaient avec cinq autres filles du lycée au milieu des années 80, les terribles Sunny !
Avis de Juzz :
Certains diront, et certainement à juste titre, que les comédies dramatiques, les romances, les drames, les dramas et beaucoup d’autres choses en provenance de Corée du Sud, ne sont pas vraiment mon truc…
Pourquoi s’en cacher? C’est vrai que la plupart du temps, le sentimentalisme exacerbé et la mièvrerie affligeante de naïveté m’exaspèrent au possible et que seuls quelques rares films arrivent à trouver grâce à mes yeux car ils ont quelque chose en plus…
Dans ce paysage cinématographique bondé de films qui ont tendance à se ressembler de plus en plus, que peut-on dire de Sunny..?
La trame de base est relativement simple, il suffit de lire le résumé du film pour imaginer les tenants et les aboutissants. A première vue, pas grand chose de nouveau sous le soleil… Limite de quoi se dire « encore un film qui va sentir la nostalgie et nous bazarder une leçon d’amitié affreusement typique »… Certes, ce n’est pas faux, autant être franc et voir les choses en face, c’est même tout à fait ça… Tout à fait? En y regardant de plus près, et bien pas vraiment.
Le scénario se scinde en deux histoires presque distinctes qui ont parfois tendance à se rejoindre, à se confronter, et n’ont de cesse de se téléscoper dans un amas de souvenirs et de flashbacks empreints de nostalgie. Là où le scénario se démarque habilement des autres films qui misent sur la nostalgie et les 80’s, c’est qu’il n’entre quasiment jamais dans le kitch et le cliché grotesque. Bien sur, on retrouvera bon nombres de codes de l’époque, mais on trouvera surtout un contexte historique et culturel précis. De la même manière, la partie ‘actuelle’ dépeint certains aspects sociologiques concrets tout en amenant certaines réflexions ‘convenues’ de manière intelligente et avec un dose d’originalité propre au film.
L’originalité, malgré un sujet qui peut paraitre ‘bateau’, reste le second maitre-mot du scénario. Hormis certains passage obligés pour évoquer un contexte précis, comme la musique typique des 80’s, l’originalité vient de thèmes et d’aspects rarement explorés dans ce genre de film. Le climat politique, les querelles violentes entre groupes d’adolescentes, le constat de l’adulte face à l’enfant qu’il était et aux aspirations qu’il avait…
Etre original avec une histoire pareille demande aussi beaucoup d’ingéniosité dans l’écriture. Eviter les clichés ou le caricatural trop poussé, savoir placer l’humour et l’émotion où il faut, trouver le bon ton pour conduire le spectateur là où on veut qu’il soit, etc; ce n’est n’est pas un exercice facile, et force est de constater que la légèreté, tout comme la tension dramatique, sont rapportés avec juste ce qu’il faut pour permettre au spectateur de s’immerger dans le film complètement et de recevoir pleinement le ressenti qu’on a cherché à faire passer.
On pourra toujours trouver des défauts dans l’écriture, comme la ‘facilité’ de certains thèmes abordés ou l’utilisation peut être abusive de grossièretés à des fins comiques, mais même les défauts trouvent malgré eux une justification au travers d’une réalisation adéquat.
Kang Hyung-Chul montre ici que « Scandal Makers » (7ème plus gros succès cinématographique de tout les temps en Corée du Sud) n’était pas qu’un simple coup d’essais, mais bien les prémices d’un nouveau genre qui dépayse le cinéma de son pays. A l’instar de Wes Anderson, il propose des films qui ne sont pas des comédies, mais qui peuvent faire rire; des films qui ne sont pas des drames, mais qui peuvent coller la larme à l’oeil; redonnant ainsi ses lettres de noblesse à la « comédie dramatique » en jouant sans retenues avec le spectateur, le prenant à contre pied régulièrement pour finir par l’emmener là où il veut.
Avoir une bonne histoire, c’est bien, mais encore faut il savoir bien la raconter…
Ici, pas de fioritures, Kang Hyung-Chul évite les quelques lourdeurs de son précédent film et fait dans la simplicité. Loin d’être bêtement académique, son film puise dans des sources classiques en y ajoutant sa ‘patte’ afin de leurs donner une identité propre et servant au mieux le scénario. Comme son confrère américain, il aime les personnages hauts en couleurs et à la personnalité bien trempée, ce dont il se sert habilement pour dépeindre à sa façon les 80’s et la vie de cette bande de copines. Le contraste marquant avec les même personnages dans un contexte contemporain est flagrant et permet une narration parallèle imaginative qui s’appuie sur la solidité du scénario. Le réalisateur n’utilise pas de subterfuges inutiles pour marquer les changements de temps et, même si on pourra lui reprocher, sa simplicité reste efficace en tout points.
Si il demeure simple du début à la fin, il trouve son originalité ailleurs, comme dans sa manière d’aborder sommairement quelque chose pour y revenir quant on s’y attend le moins et développer ainsi une identification via le détail. N’allez pas non plus vous imaginer que chaque micro détail à une importance majeure dans le film, mais on retrouve pas mal de petites choses effleurées qui prendront un sens bien plus important tôt ou tard… La double narration simpliste ne fait pas non plus que dans originalité, et on voit venir certaines scènes de très loin, mais la mise en parallèle est souvent intéressante et montre clairement un contraste entre l’enfant et l’adulte. Le contraste est d’ailleurs souligné par une sorte de grain de folie, peut être exagéré, qui souligne l’insouciance, voire l’inconscience, de l’enfant face à l’avenir qui l’attend et que l’adulte essaye tant bien que mal de retrouver quand il replonge volontairement dans le passé.
Ce grain de folie ne peut être mis en valeur que si le casting est à la hauteur, ce qui, heureusement, est le cas ici.
Le panel d’actrices déployé est assez impressionnant car nous avons la bande de filles aujourd’hui et la même bande de filles dans les 80’s…
Si une ressemblance physique peut aider, c’est le jeu qui arrivera à définir si oui ou non on les reconnait, qui nous montrera les changement entre l’enfant et l’adulte, ou encore qui nous donnera envie de nous impliquer dans le film ou pas…
J’imagine déjà le public masculin rebuté par l’idée de voir un film où le casting est majoritairement féminin et dont la trame de fond implique une histoire d’amitié entre adolescentes…
Je vous rassure messieurs, ce n’est pas un ‘film de filles’!
Dans l’ensemble, le casting reste très convainquant. On reprochera peut être à certaines un sur-jeu un peu trop prononcé parfois, mais ça n’est jamais excessif et cela permet de donner corps à leurs personnages de manière plus aboutie afin de mieux coller avec leurs homologues d’une autre époque.
On accordera tout de même une mention spéciale au tandem Ho-jeong Yu / Sim Eun-Kyeong qui donne vie à Na-mi, offrant une prestation décalée juste ce qu’il faut pour l’adolescente, et particulièrement juste pour l’adulte. On remerciera également Su-hee Go d’avoir su évoluer dans un tel registre pour donner une prestation que la majorité trouvera surement très drôle; Hee-kyung Jin qui malgré peu de temps a l’écran frôle la perfection, et aussi pourquoi pas Hyo-rin Min pour son joli minois et sa prestation sans faille de la beauté inaccessible…
Pour le reste de la technique, la photographie est jolie et les jeux de couleurs différencient sans mal le monde contemporain et l’époque des 80’s sans faire dans l’extravagant. Les lumières sont souvent peu artistique et misent sur la crédibilité, mais à l’aide de quelque cadres bien choisis, le tout fait ressortir de certaines scènes une véritable atmosphère, tantôt joyeuse, tantôt morose, tantôt poétique, tantôt nostalgique…
Le tout est souvent souligné par la bande originale dont la discrétion aide à mettre en avant un certain coté émotionnel, tout en n’oubliant pas certains standards des 80’s qui viendront égayer certaines séquences obligatoires dans ce genre de films.
Pour un film à double narration, le montage reste sobre. Pas de grandes envolées ni de grosses originalités, mais entièrement mis au service du scénario et de la réalisation, la sobriété montre une grande efficacité et donne au film un rythme très agréable avec peu de temps morts et aucune lourdeur intempestive.
Sans en faire des tonnes et sans oser de grandes prouesses créatives en matière de cinématographie, « Sunny » montre que les bonnes recettes n’existent pas forcément et que parfois une grande simplicité est plus qu’appréciable pour faire profiter d’un film au maximum.
Au final, il s’avère que « Sunny » porte plutot bien son nom car c’est un film brillant… Attention, pas forcément « brillant » comme dans « intelligent », mais « brillant » parce que c’est un film lumineux…
« Sunny » est un joyeux foutoir, un grand bordel sentimental ou se mêlent la fatalité, la tristesse, la morosité du quotidien, les remords, les regrets, la nostalgie, la joie, l’insouciance, le bonheur, le malheur, l’amour, la colère et l’espoir qui brille jusqu’à la fin comme un petit rayon de soleil perçant d’un coup les nuages gris…
Malgré quelques défauts, le film reste une alchimie entre de multiples sentiments, parfois contraires, mais toujours concrets et qui parleront à la plupart des spectateurs. « Sunny » n’est pas qu’un énième film sur l’amitié ou la nostalgie des années lycée, c’est un parcours dans lequel on pourrait se reconnaitre, ce n’est pas une fable, c’est une tranche de vie servie en double qui nous montre aussi bien les cotés sombres que ceux plus réjouissants…
Avec « Sunny », le cinéma coréen se dégage enfin des comédies souvent trop farfelues pour être crédibles, des romances à l’eau de rose comme on n’en voit qu’au cinéma, et des drames tellement tragiques que les plus sensibles en pleureront pendant des semaines… « Sunny » peut faire rire et pleurer, il peut faire rêver les midinettes et s’apitoyer sur la mort, il reste entier du début à la fin en laissant le spectateur satisfait devant un petit rayon de soleil.
Note : 8/10
Le Trailer :