[Avis] John Rabe, de Florian Gallenberger

Titre : John Rabe / City of War : The Story of John Rabe
Année : 2008
Durée : 2h15
Origine : Allemagne / Chine / France
Genre : Drame / Guerre

Réalisateur : Florian Gallenberger

Acteurs : Ulrich Tukur, Daniel Brühl, Steve Buscemi, Anne Consigny, Dagmar Manzel, Jingchu Zhang, Teruyuki Kagawa, Mathias Herrmann, Tetta Sugimoto, Akira Emoto, Gottfried John, Arata, Christoph Hagen Dittmann, Shaun Lawton, Togo Igawa, Christian Rodska, Joachim Heist, Yu Fang, Yuan Wenkang, Hans-Eckart Eckhardt, Ming Li

Synopsis : Nankin, 1937. John Rabe qui vit depuis plus de trente ans dans l’ancienne capitale chinoise dirige la filiale locale de Siemens et doit rentrer à Berlin. Lors de son bal d’adieu, la ville est bombardée par l’armée japonaise. Le lendemain matin, les étrangers encore en ville proposent de mettre en place une zone de sécurité à Nankin afin de protéger les civils chinois. John Rabe est nommé président de cette zone.

Avis de Laurent : Nombre de films relatent plus ou moins brillamment les horreurs du massacre de Nankin durant décembre 1937 (Black Sun : The Nanking Massacre, Don’t cry Nanking ou encore City of Life and Death). Durant cette période trouble des guerres sino-japonaises, des centaines de milliers de civils et de soldats furent brutalement assassinés dans l’ancienne capitale chinoise. La difficulté principale dans l’appréciation de ces films est qu’ils sont exclusivement réalisés par des cinéastes chinois avec, parfois, un parti pris qui ne fait pas toujours honneur à la rigueur de l’historien. Toujours est-il que ce sujet houleux cristallise encore aujourd’hui les nationalismes de part et d’autre de la mer de Chine orientale (rappelons que le massacre de Nankin fait état d’un certain révisionnisme japonais alimenté par des historiens douteux et autres politiciens nationalistes). On se doute bien que l’on pourra toujours attendre le réalisateur japonais qui aurait le courage et/ou la maturité de traiter un tel sujet annonciateur de polémiques. En attendant, saluons donc l’excellente initiative du réalisateur allemand Florian Gallenberger de s’en charger à l’aide d’un drame humaniste inspiré de la vie et du journal intime de John Rabe durant ces événements douloureux. Cette histoire méconnue et récemment réhabilitée a value à John Rabe le surnom de « Schindler de la Chine ».

En 1937, John Rabe (interprété par Ulrich Tukur) est responsable du site industriel de Siemens à Nankin et cela fait presque trente ans qu’il habite le pays. En 1937, il se trouve qu’il est une des vitrines du nazisme dans l’ancienne capitale chinoise. Durant le massacre de Nankin, avec l’aide d’expatriés ayant refusés de quitter la ville, il a aménagé une zone de refuge pour de nombreux Chinois permettant de sauver la vie à des milliers de personnes.

Avec ce projet ambitieux, Florian Gallenberger décide de s’éloigner radicalement de la plupart des films traitant des batailles entre la Chine et le Japon mais aussi des clichés relatifs au nazisme durant la seconde guerre mondiale. S’appuyant sur des faits relatés par les historiens et les témoins des massacres, il réussit à s’affranchir du manichéisme caricatural auquel on est habitué avec les chinois de par sa neutralité. Pour cela, il juxtapose aux événements des personnages emblématiques de cette période trouble pendant laquelle les idéologies vont s’affirmer avec le résultat que l’on connaît. On retrouvera donc une galerie de personnages symboliquement stéréotypés avec, entre autre, le journaliste juif (Daniel Brühl), l’institutrice française (Anne Consigny), ou encore le médecin américain extraverti interprété par l’excellent Steve Buscemi. Certains de ces personnages serviront de caution à Florian Gallenberger pour nuancer son discours. En effet, il est difficile pour un réalisateur allemand d’évoquer le nazisme sans tomber dans un manichéisme caricatural. Il est même surprenant de voir des symboles nazis au service de l’humanité. En effet, le drapeau nazi que John Rabe dressait sur sa propriété (épicentre de la zone de sécurité) empêchait les pilotes japonais de la bombarder.

Florian Gallenberger jongle en permanence entre le biopic et le film de guerre avec une mise en scène relativement classique. C’est sûr qu’en le comparant au chef d’œuvre de Lu Chuan City of Life and Death John Rabe passe pour un téléfilm de luxe. Mais ne comparons pas l’incomparable. La vision de Lu Chuan est un film à l’ambiance immersive, glauque et poisseuse sublimée via un mémorable noir et blanc granuleux et contrasté. Au contraire, John Rabe est un film « témoin » qui prend du recul sur les événements. Son ambiance est quelque peu aseptisée et ses couleurs chaudes lui permettent d’assumer son côté fictionnel. Pour intégrer la dramaturgie historique, Florian Gallenberger a l’idée salutaire d’y incorporée des images d’archives d’une grande dureté … comme un message dirigé aux négationnistes en tous genres.

Sans avoir les qualités de mise en scène d’un S. Spielberg, Florian Gallenberger signe un film original qui peut se targuer de rivaliser avec La Liste de Schindler concernant la thématique. Le cadre exotique est suffisamment décalé pour attirer un minimum les amateurs de films historiques qui pourront éventuellement regretter le manque de personnalité dans la forme. Espérons tout de même que cette louable initiative puisse inspirer un jour un réalisateur japonais à donner sa vision des choses.

Note : 6/10

 Lien http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Nankin

 

 

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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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