[Film] Les Fleurs et les Vagues, de Seijun Suzuki (1964)


Suite à un mystérieux incident, Kikuji et son épouse, Oshige, ont fui pour se réfugier à Asakusa. Anonymes, ils sont néanmoins contraints de vivre séparément pour ne pas éveiller les soupçons. Car ils sont toujours activement recherchés.


Avis de Oli :
En 1964 Suzuki Seijun enchaînait les films pour la Nikkatsu, mais n’était pas encore entré en conflit avec le célèbre studio. Il ne torturait pas véritablement l’image de ses longs métrages, n’exposait pas non plus ses personnages dans des couleurs kitchs et outrancières. Alors ce Suzuki, finalement il est capable de tout faire ?

Oui, bien entendu oui. Avec LES FLEURS ET LES VAGUES, il nous livre ainsi un mélo sur fond de drame social et amoureux, dans la plus grande tradition du genre. Ou presque. Je dis bien « presque », car le remuant réalisateur japonais va apporter quelques touches indélébiles de sa virtuosité, teintant alors l’écran de tout son talent : la plus belle preuve de ce refus de l’académisme viendra poindre à la fin. En effet le film va se conclure dans des décors de studio enneigés et très abstraits, mais c’est surtout sur le fond que Suzuki semble s’être le plus amusé à déjouer les règles du genre, puisque LES FLEURS ET LES VAGUES nous propose un dénouement très osé. Indépendamment de ce final, le film de Suzuki demeure, il est vrai, assez classique : guerre des gangs, amours impossibles et un homme rattrapé par son passé. Coincé entre la police et les yakuzas, hanté par un meurtre qui attirera à lui un homme mystérieux pareil à un spectre assassin, Kikuji ne connaîtra jamais le repos. Ou alors si bref, dans les bras de sa femme, Oshige, qu’il cache pour qu’ils puissent vivre en paix, ou bien au creux du sourire ou de cette chute de reins qu’une étrange geisha ne réserve qu’à lui. Qu’à ses mains qui n’en finissent pourtant pas de se dérober. Ces deux femmes, les plus solides points d’ancrage d’un homme fatigué, presque en perdition, constituent l’une des plus belles réussites du film : deux portraits opposés mais qui sont aussi complémentaires. Deux visages de l’amour, du dévouement. De la peine aussi.

Avec ces trois personnages principaux remarquablement écrits et interprétés, Suzuki tenait déjà là tout ce qu’il faut pour faire un bon film. Le réalisateur japonais n’allait bien entendu pas gâcher ce merveilleux matériau, et rendait grâce à l’intrigue imaginée par son décorateur Kimura Takeo en découpant son film avec panache. Alternant quelques passages violents (des batailles rangées carrément) avec de très beaux moments intimistes, s’attardant parfois sur les simples jeux et la misère acceptée de ces ouvriers exploités, relançant alors soudainement le rythme de l’ensemble par une cruelle montée de la tension, Suzuki a su rendre une histoire, somme toute assez classique, très prenante. Jusqu’à cette fin donc, et cette lente mais implacable montée du suspense, lorsque Oshige doit rejoindre son époux à la gare, alors que toute la police de la ville est à leur recherche. Alors aussi qu’un redoutable tueur les suit, pas à pas, depuis des semaines déjà. Boudé par beaucoup en raison d’un manque de folie certain, LES FLEURS ET LES VAGUES constitue malgré tout à mes yeux une remarquable réussite, aussi bien esthétique (Suzuki reste un virtuose même quand il prend moins de risques) que scénaristique. Les personnages sont très joliment écrits, et leur histoire prend d’avantage d’épaisseur à chaque nouvelle minute qui passe. Jusqu’au dénouement enneigé imaginé par Suzuki, et ce suspense grandissant qui aboutira à une très belle fin.

LES PLUS LES MOINS
♥ Déjoue les règles du genre
♥ Les personnages principaux
♥ Histoire prenante
⊗ Scénario assez classique

Un film à ne pas manquer donc, pour peu que vous appréciiez les grands drames en costumes, auréolés de pleurs et de sang. Et puis si tous les films de Suzuki étaient construits sur le même modèle, on s’ennuierait un peu, non ?



Titre :Les Fleurs et les Vagues / The Flower and the Angry Waves
Année : 1964
Durée : 1h31
Origine : Japon
Genre : Drame / Ninkyo eiga
Réalisateur : Seijun Suzuki
Scénario : Keiichi Abe, Kazuro Funabashi, Takeo Kimura

Acteurs : Akira Kobayashi, Tamio Kawaji, Chieko Matsubara, Naoko Kubo, Kaku Takashina, Shoki Fukae, Osamu Takizawa, Isao Tamakawa, Yoko Yamamoto

 Les fleurs et les vagues (1964) on IMDb


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Auteur : Oli

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