Chine 1989 : dans un pays soumis aux troubles et à l’instabilité politique, deux étudiants vivent une relation complexe et passionnée.
Avis de Laurent :
Lou Ye est certainement l’un des réalisateurs chinois les plus appréciés à l’étranger avec des œuvres intimistes et indépendantes qui ont pu faire le tour des festivals. Parfois tournés clandestinement, certains de ses films ont dû subir l’hostilité des censeurs chinois. Suite à une reconnaissance méritée, Lou Ye peut enfin filmer librement. On peut alors craindre pour son intégrité artistique et une autocensure sur les thèmes abordés. Au lieu de caresser les autorités chinoises dans le sens du poil, Lou Ye signe avec » Une jeunesse chinoise » (a.k.a. » Summer Palace » à l’international) le film le plus courageux de ces dernières années en provenance de Chine populaire. En effet, il aborde frontalement deux sujets tabous : le sexe et les événements de Tien An Men. Rien que ça !
» Une jeunesse chinoise » débute par le départ de Yu Hong quittant son village natal, sa famille et l’homme qu’elle aime pour étudier dans la capitale. Elle construira avec un autre étudiant, Zhou Wei, une histoire d’amour sulfureuse sur fond d’instabilité politique. Lou Ye décrit avec passion, couplée à un érotisme rare, les différentes expériences sexuelles des deux amants. Les séquences d’amour sont nombreuses et suffisamment explicites pour faire réagir la censure. Mais » Une jeunesse chinoise » est bien plus qu’une simple histoire d’amour. C’est un film nostalgique de toute une époque où l’espoir de voir une société se démocratiser était perceptible. Lou Ye, dont l’œuvre est en partie autobiographique, s’est inspiré d’événements vécus et les personnages décrits ont fait partie de son entourage. Il est important pour apprécier » Une jeunesse chinoise » à sa juste valeur de resituer le contexte politique de l’époque avec les confrontations au sein du PCC des réformistes et des conservateurs. La scène la plus touchante et troublante d' » Une jeunesse chinoise » concerne le départ des étudiants pour la place Tien An Men, suite au décès du réformateur Hu Yaobang au printemps 1989. Le reste est montré subtilement hors champs ou par des images d’archives. Il est donc fondamentalement important de souligner les risques pris par le réalisateur qui a conscience de tout l’obscurantisme lié à ces événements dans son pays.
Malgré la controverse des sujets abordés, Lou Ye filme avec une maturité impressionnante. Fini les œuvres intimistes tournées caméra à l’épaule façon » Suzhou River « . » Une jeunesse chinoise » est une œuvre ambitieuse avec les moyens techniques et financiers qui vont avec. La maîtrise est totale et chaque plan est millimétré. L’aspect international du film (une bonne partie est tournée à Berlin) offre une légitimité à la hauteur de l’ouverture et de la pensée de son réalisateur. Tout est réussi, que ce soit au niveau technique, narratif, de l’interprétation tout en justesse des comédiens ainsi que de la mémorable attention portée à la bande originale avec ces airs de pop chinoise qui résonneront de longues heures dans la tête des spectateurs.
| LES PLUS | LES MOINS |
| ♥ Un film courageux ♥ L’érotisme ♥ L’histoire d’amour ♥ La mise en scène |
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| Au final, on ne peut que se réjouir, malgré l’interdiction d’exercer pour 5 années concernant le réalisateur et sa productrice, que l’œuvre soit accessible à l’étranger en espérant une diffusion alternative dans son pays. | |
Titre : Une Jeunesse Chinoise / Summer Place / 頤和園
Année : 2007
Durée : 2h20
Origine : Chine / France
Genre : Drame
Réalisateur : Lou Ye
Scénario : Lou Ye, Feng Mei, Ma Yingli
Acteurs : Xueyun Bai, Lin Cui, Long Duan, Xiaodong Guo, Lei Hao, Ling Hu
