En 1950, suite à l’invasion nord-coréenne, deux frères sont envoyés de force au front afin de défendre le drapeau sud-coréen.
Avis de Laurent :
La Corée du Sud produit enfin son film de guerre à grand spectacle. Taegukgi raconte la première année de la guerre de Corée par l’intermédiaire de deux frères qui sont envoyés de force au front afin de défendre le drapeau sud-coréen suite à l’invasion nord-coréenne. Enorme succès en Corée en 2004 (11.6 millions de spectateurs dont 324 000 le premier jour d’exploitation !), Taegukgi commence à faire parler de lui en dehors de ses frontières avec un petit succès outre Atlantique qui ne semble pas indifférent au sujet abordé (n’oublions pas l’implication directe de militaires américains dans ce conflit et ses 150 000 morts). La guerre de Corée c’est avant tout une guerre de position entre frères ennemis. A savoir un seul et unique peuple parlant la même langue, partageant la même histoire, les mêmes coutumes, les mêmes soucis quotidiens et surtout dépassés par un contexte politique qui se place dans le cadre de la guerre froide entre les grands blocs communistes et capitalistes.
Pour replacer le film dans son contexte, il faut savoir que, suite au retrait des troupes US en 1948, l’armée sud-coréenne se retrouve à la merci des forces nord-coréennes, nombreuses et bien armées. Les tensions augmentent entre le Nord et le Sud et les soldats de la Corée du Nord commencent à envahir le Sud. L’été 1950, les forces armées nord-coréennes franchissent le 38ième parallèle pour pénétrer au Sud. Cet événement marque le début des hostilités qui feront rage pendant plus de trois ans. Kang Je-Gyu sort, quatre ans après Shiri, son nouveau blockbuster sur cette guerre aux 4 millions de morts, qui traumatise encore les Coréens cinquante ans après. Il faut savoir que la plupart des victimes étaient de simples civils. Que les choses soient claires dès le départ : Taegukgi est avant tout un actionner primaire à l’action quasi non-stop et non pas une reconstitution historique méticuleuse et réaliste. Il a longtemps été comparé au Soldat Ryan de Spielberg mais, dans la forme, on reconnaîtra davantage l’inspiration de La Chute du Faucon Noir de Ridley Scott.
Kang Je-Gyu filme avec rage et une rare violence une année entière de combats sanglants dans les tranchées en plaçant le spectateur en immersion totale au milieu de cette boucherie. On ne compte plus le nombre de morts, de corps mutilés, de bras arrachés, de chairs brûlées. Il ne vous reste plus qu’à avoir le cœur bien accroché car le but du réalisateur est de vous rendre témoin de cette souffrance. Les scènes intenses de combat sont filmées dans la confusion la plus totale afin de souligner la perdition du soldat coréen face à cette guerre qui le dépasse, dans un camp qu’il n’a souvent pas choisi pour une idéologie qu’il n’affectionne pas forcément. Chaque camp est ainsi mal défini. La guerre de Corée, à l’image des soldats Lee Jin-tae et Lee Jin-seok, c’est l’histoire de deux frères qui s’entretuent, transposée à l’échelle de la nation, une passion qui passe de l’amour à la haine. Le côté actionner bestial est largement mis en avant lors des actes de bravoure du soldat Lee Jin-seok sans nuire à la narration et à l’émotion du spectateur qui perd alors tous ses repères rationnels et le sujet grave du film n’en est pas pour autant ridiculisé. Son personnage est sublimé pour finalement se transformer en démon avide de vengeance avec son visage déformé et méconnaissable. Le casting est judicieusement choisi, avec le peu connu Won Bin dans le rôle du jeune innocent et le très confirmé Jang Dong-Gun, qui est bon sans atteindre le niveau excellent de son interprétation dans Friend de Kwak Kyung-Taek ou The Coast Guard de Kim Ki-Duk. On remarquera aussi les excellents caméos des non moins excellents Choi Min-Sik en général nord-coréen et Kim Su-Ro en ordure de chef de police politique sud-coréenne.
Taegukgi a l’intelligence de ne pas prendre parti dans cette guerre fratricide. Malgré son côté bien bourrin, le film véhicule un message bien plus subtil que le médiocre Silmido (autre grand succès de l’année) sans dériver vers un manichéisme sommaire. Chaque personnage a sa part de bestialité, aucun camp n’est épargné dans sa cruauté (liquidation de prisonniers, massacres de populations civiles). Le rôle des Etats-Unis est évoqué de façon subliminale et c’est très bien ainsi. Chaque camp est caricaturé dans ses excès (la marée humaine chinoise, les foules haranguées sud-coréennes, la propagande nord-coréenne …) qui rappelle le contexte historique et propagandiste de l’époque. Bref un film qui fait la lumière sur son histoire sans prendre des pincettes. A l’instar de Shiri, et comme dans tout gros blockbuster populaire qui se respecte, Kang Je-Gyu n’oublie pas de nous pondre de bonnes grosses scènes larmoyantes, de ces scènes de séparations ou de morts faites pour émouvoir grossièrement le spectateur. On a le droit à de bons gros ralentis comme tout grand mélo qui se respecte. Et si vous êtes bon public ça fait mouche à chaque fois. Plus c’est gros et plus ça marche … et Taegukgi ça fait dans le très très lourd.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Action quasi non-stop ♥ La reconstitution historique ♥ La mise en scène intense ♥ Excellent casting |
⊗ Il faut avoir le cœur bien accroché |
Taegukgi est un film excessif qui va certainement déchaîner ses détracteurs. Le film n’invente rien mais est diablement efficace, bien réalisé avec des moyens financiers qui se voient à l’écran. Enfin un film à la hauteur du drame humain qui secoue la péninsule depuis maintenant un demi-siècle. |
Titre : Taegukgi / The Brotherhood of War / Frères de Sang
Année : 2004
Durée : 2h20
Origine : Corée du Sud
Genre : Guerre / Action
Réalisateur : Kang Je-Gyu
Scénario : Kang Je-Gyu, Han Ji-Hoon, Kim Sang-Don
Acteurs : Jang Dong-Gun, Won Bin, Lee Eun-Ju, Choi Mon-Sik, Kong Hyung-Jin, Lee Young-Ran, Ahn Kil-Kang, Jang Min-Ho, Jeong Dae-Hun, Jeon Jae-Hyeong