Le premier voyage commun d’un père, postier attitré des villages reclus d’une province chinoise et effectuant son dernier parcours, et de son fils unique, qui prendra la relève dans cette tâche à forte dimension humaine.
Avis de Best :
Je suis encore tout retourné par tant de sensibilité, de simplicité et d’émotions. Un pur chef d’œuvre. Un film d’une infinie tendresse qui s’attarde sur la naissance sur le tard de relations entre un père et son fils, au cours d’un long parcours effectué dans le cadre de leur travail de facteur… Le départ de l’histoire est simple. Le père effectue là son dernier trajet en tant que facteur attitré d’une région montagneuse située au cœur d’une province chinoise, accompagnant pour l’occasion son jeune fils de 24 ans dans sa première tournée. Car il raconte aussi l’histoire d’un passage de témoins entre deux générations … Une tournée accomplie au beau milieu de décors somptueux, dans une nature foisonnante qui cache des villages reclus où vivent des personnes d’une simplicité et d’une gentillesse sans égal.
Les rapports entre ces deux êtres très attachants sont le thème principal du film. Ils sont traités avec une justesse et une tendresse qui touche au sublime, et atteignent directement nos cordes sensibles. Très motivé à l’idée d’exercer ce métier, le bonheur se lit sur le visage souriant du fiston, de même que dans son regard plein de vie. Le père, lui, a créé des liens très forts au cours de ses innombrables aller-retour précédents, multipliant les rencontres inoubliables avec une foule de gens qu’il revoit ici pour la dernière fois avec une mélancolie évidente. Envahit par les souvenirs, et heureux de revoir une fois encore ceux avec qui se sont créées ces amitiés, mais aussi ces jeunes enfants qu’il a vu grandir, ces paysages familiers … Des émotions qui transparaissent sur son visage usé par la vie, mais plein de gaieté à la vue de son fils qui à son tour commence à créer des liens amicaux, affectifs, voir même plus (il a lui-même rencontré sa femme sur ces chemins sinueux), avec certaines personnes qu’il sera amené à revoir régulièrement. Ici, pas besoin de s’attarder des heures sur ces relations pour les rendre intenses, joyeuses et pleines de promesses pour le futur. Quelques instants suffisent : un simple échange de regards, quelques mots partagés, un sourire sincère. Ces émotions palpables sont l’immense point fort de ce film à la fois contemplatif et tellement vivant. Une qualité indéniable pour une œuvre qui sait également être drôle, usant à merveille de petites touches d’humour subtiles et touchantes. Visuellement, c’est une parfaite réussite. L’eau qui ruisselle, le vent caressant les herbes hautes, des moulins qui tournent calmement, un coucher de soleil où une lune qui brille … pas besoin d’artifices pour capter notre attention et nous faire ressentir de belles et sincères émotions. La musique, essentielle dans ce type de production, tient quant à elle parfaitement son rôle et berce agréablement nos oreilles durant les 1h30 du film.
Apaisant, reposant, et tellement humain, ce film brille par sa réalisation sans faille, sa mise en scène impeccable, mais surtout par la beauté de ses images. Le nombre de plans laissant pantois est à ce titre particulièrement réjouissant, et rend le périple de ces deux hommes encore plus plaisant à suivre. L’espace de cet ultime trajet, véritable passage de témoin, la compréhension et le respect du fils envers son père et cette vie de facteur si particulier, qu’il ne connaissait jusque-là qu’à travers les départs de son paternel, vont s’approfondir… et leur distance passée se combler de la plus belle des manières. Le regard que porte ce dernier sur son fils est à ce titre très touchant, et porte même plus d’une fois la larme à l’œil. A la fois protecteur et conseiller, il peut enfin tenir son rôle de père, avant de laisser son fils prendre son envol. Et attendre à son tour son retour au sein du foyer familial. Comme son fils par le passé. Il est intéressant de signaler que le film évoque aussi l’importance du facteur aux yeux des habitants de ces contrées éloignées. Toujours accueilli chaleureusement, il est celui qui brise les distances et maintient un lien précieux avec l’extérieur. Porteur aussi bien des bonnes que des mauvaises nouvelles, le père a conscience de l’importance de sa tâche, et prend très à cœur ce qui est bien plus qu’un simple travail à ses yeux. Une philosophie qu’il transmet à son fils de par son attitude, et que ce dernier absorbe avec admiration. La scène où le père se précipite pour stopper l’ensemble des quelques lettres subitement envolées, sous le regard paralysé de son fils, est à ce titre très évocateur. Plus saisissant encore, il sera aidé par son fidèle chien, qui se jettera pour happer la dernière lettre. Comme si lui aussi avait saisi avec le temps l’importance de leur mission.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Visuellement époustouflant ♥ Les personnages et leurs rapports ♥ Les touches d’humour subtiles ♥ Les émotions palpables qui nous envahissent |
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Et comment finir sans relever la remarquable interprétation des deux acteurs principaux, qui transmettent toute la justesse de leurs émotions à leurs personnages, étant ainsi pour beaucoup dans la réussite de ce film qui ne laisse pas indifférent. Je ne connaissais pas le réalisateur chinois, Huo Jianqi. Il signe ici mon coup de cœur de l’année. |
Titre : Postmen in the Mountains / 那山那人那狗
Année : 1999
Durée : 1h33
Origine : Chine
Genre : Voyage initiatique
Réalisateur : Huo Jianqi
Scénario : Si Wu
Acteurs : Liu Ye, Teng Rujun, Gong Yehang, Chen Hao