Tous les hommes de la célèbre famille de guerriers, les Yang, tombent dans une embuscade tendue par les Mongols et sont ignoblement massacrés… Désireuses de les venger, et malgré l’avis de l’empereur qui veut négocier la paix avec l’ennemi, les veuves et enfants des disparus se mettent en route…
Avis de Postscriptom :
« …14 AMAZONS c’est du béton ! On en était tout retournés. Depuis combien de temps ne s’était-on pas payé une telle tranche de massacres, une telle accumulation de morts juteuses ? 14 AMAZONS c’est LES 12 SALOPARDS à la mode Shaw : parce que leurs pères, frères, amants et maris ont été hachés menus par l’envahisseur mongol, une poignée de jeunes femmes menées par une véritable mamie Tartine monte une armée composée exclusivement de veuves et de serviteurs dévoués en vue d’une formidable expédition punitive. Vous voulez rire mais cette armada hétéroclite et parfumée va infliger défaite sur défaite aux fils des steppes avant de coincer leur état-major dans un gigantesque château fortifié. Et c’est g-ô-ô-ô-ô-ô-re, bon Dieu ! Gore à n’en plus pouvoir. Le réalisateur, Cheng Kang, n’est pas ce qu’on peut appeler un raffiné : il se fait pratiquement un devoir de tomber dans tous les pièges de l’anachronisme. On peut même repérer un touriste avec un bob sur le crâne dans un coin de cadre lors d’une scène de foule. Mais en 1868 (72 en fait, ndP) ce Cheng Kang avait le courage d’aller droit au but, de fournir au public des Chinatowns ce qui n’aurait jamais passé le barrage des censures occidentales : des corps sectionnés à hauteur du nombril, empalés sur des pieux d’acier gros comme la cuisse, des têtes sectionnées, et, dans le même élan, fléchées au vol par des archers ricanant… Le tout agrémenté de zooms exorbités, d’arrêts sur l’image rougeâtres (histoire de mieux détailler une plaie) et, clou du spectacle, une caméra à l’épaule littéralement aspergée du sang du méchant écharpé par quatre de nos suffragettes en armure. Bref, le film que vous auriez aimé découvrir à treize berges en double programme avec LE GEANT A LA COUR DE KOUBLAI KHAN de Ricardo Freda ! Car ces 14 AMAZONS sont un fabuleux péplum à la chinoise : en un sens, elles ont marqué l’apogée de l’ultra-violence dans les studios Shaw avant que l’ouverture sur le marché occidental ne ramène tout ce délire à des normes plus standard… ».
Impossible de résister à la tentation de ressortir ce petit texte écrit à l’époque (1987) par Christophe Gans dans feu le magazine Starfix, et de constater à quel point il était déjà là avant tout le monde… Pour les plus jeunes je parle de cette glorieuse période où on pouvait voir environ DEUX films asiatiques par an en France, et encore, quand on avait de la chance (réjouissez-vous si vous n’avez pas connu cette glorieuse période…) ! Mais alors le calme revenu et la passion retombée (enfin presque, on est toujours là…), qu’en est-il aujourd’hui de THE 14 AMAZONS, alors qu’on peut enfin le voir dans des conditions idéales en DVD ? Tout d’abord il est bon de préciser que, malgré ses qualités indéniables, il ne plaira pas à tout le monde : ce n’est en effet pas une œuvre polie et réfléchie, mais un gros budget dont on imagine bien à quel point le tournage a dû être difficile (nombreux extérieurs, figurants pléthoriques, casting de stars…), sans compter le style très « lourd » de la mise en scène, en gros le contraire d’un esthète comme Chu Yuan, même Chang Cheh c’est du Ozu à côté de ce Chen Kang, déjà réalisateur du massif LES 12 MEDAILLONS D’OR (et accessoirement père de Ching Siu-Tung…). Heureusement le film a visiblement été très « allégé » au montage, qui surprend en effet par son style très cut pour un film de cet acabit (comme le dit Gans, un authentique « péplum asiatique »), probablement histoire de camoufler tous les défauts qu’ils ont dû découvrir horrifiés en voyant les rushes, ah, ah, et qui fait qu’aujourd’hui il plaira aux jeunes générations adeptes de films ultra-clippés, tandis que justement certains amateurs de films plus classiques seront assez surpris…
D’autant que, vous l’aurez deviné, THE 14 AMAZONS est un vrai film « bis », car franchement on n’y croit pas une seconde à cette histoire, les femmes (et les vieillards !) qui composent l’armée en question n’étant pas une seconde crédible en combattants, donc n’espérez pas un film sombre et réaliste… Ceci posé on peut maintenant s’attacher à ce qui fait le charme unique de cette bande : Tout d’abord sa naïveté exubérante, qu’on ne peut comparer qu’aux films hindis les plus « osés », alliance contre-nature entre croyance absolue et presque infantile en ce qu’on raconte (même quand on a pas toujours les moyens de ses ambitions…) et bien sûr ultra-violence graphique, et ici effectivement assez gore par moments (de façon très brève cela dit, par exemple la caméra « littéralement aspergée du sang du méchant » dont parle Gans franchement on voit deux ou trois gouttes, qui n’étaient probablement pas prévues d’ailleurs…). Sinon le film comporte tout de même des passages objectivement réussis et qui fonctionnent au premier degré, dont le final évidemment, de loin la bataille la mieux réglée du film, et peu avant le franchissement d’un gouffre où deux pyramides humaines sont formées par les guerriers et servent de « pont » pour permettre aux autres de passer, un passage hallucinant et mis en scène avec le plus grand sérieux (et là on sent bien que ça a été bien préparé et qu’ils savaient exactement ce qu’ils faisaient, ce qui n’est pas le cas de tout le film…). Un truc amusant à noter, c’est que cette famille de guerriers a servi de base à un autre Shaw Brothers lui aussi assez violent et gore par moments, il s’agit bien sûr du magnifique LES 8 DIAGRAMMES DE WU-TANG (8 DIAGRAM POLE FIGHTERS) de Liu Chia-Liang, sa séquence générique illustrant d’ailleurs avec toute l’emphase requise et force détails cette bataille célèbre (contrairement à l’ouverture de THE 14 AMAZONS où elle est à peine esquissée…), ce qui permet de souligner les ressemblances entre les deux films, Liu s’étant visiblement autant inspiré du film de Chen Kang que de ceux de son ex-mentor Chang Cheh…
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Une violence exacerbée ♥ Le côté décalé du film ♥ La naïveté de l’ensemble |
⊗ Parfois pas crédible |
Bref, malgré des défauts THE 14 AMAZONS a su conserver ce charme naïf et désuet qui plaira aux nostalgiques de la Shaw (tant qu’ils n’espèrent pas un chef-d’œuvre), donc un indispensable à voir absolument ! |
Titre : Les 14 Amazones / The 14 Amazons / 十四女英豪
Année : 1972
Durée : 1h57
Origine : Hong Kong
Genre : Péplum martial
Réalisateur : Cheng Kang
Scénario : Cheng Kang
Acteurs : Lisa Lu Yan, Ivy Ling Po, Lily Ho Li-Li, Yueh Hua, Shu Pei-Pei, Wang Ping, Liu Wu-Chi, Karen Yip, Li Ching, Tina Chin Fei, Ou-Yang Sha-Fei, Wong Gam-Fung