Le duel à distance entre Kokubu et Kagawa. Entre l’idéalisme du capitaine du club de Kendo et le modernisme de son rival.
Avis de Kamï :
La pureté d’une vie ou les valeurs du bushido. « Celui qui choisit de continuer à vivre alors qu’il a failli à sa mission, celui-ci encourra le mépris qui va aux lâches et aux misérables. Si on veut devenir un parfait samouraï, il est nécessaire de se préparer à la mort matin et soir, jour après jours » écrivit Yukio Mishima, auteur du roman adapté par le réalisateur Misumi, et ami de l’acteur Ichikawa. « Valeurs extrêmes » diront certains, « Codes réactionnaires » en conviendront d’autres.
Toujours est-il que Mishima, de son vrai nom Kimitake Hiraoka, connu comme un écrivain homosexuel, tel un être fasciste, charmé par la mort, se la donna à l’âge de 45 ans. Un seppuku sous les yeux des soldats de l’état-major de l’armée japonaise, l’auteur s’ouvrant le ventre avant d’être décapité par son amant. Et ce peu après une tentative de Coup d’Etat, une prise d’otages écourtée, menée par son armée privée, la « Société du bouclier », une milice fondée en parallèle des « Forces d’Autodéfense du Japon ». « Nous jurons dans l’esprit des vrais hommes de Yamato de nous lever l’épée à la main contre toute menace portant à notre culture ou à notre patrimoine. » Ainsi, prêtaient serment les membres de la « Société du bouclier ». On ne sait trop quoi penser de l’adaptation de Kenji Misumi. Diatribe ou simple témoignage ?
Père : « Cherche un bonheur simple, intéresse-toi au monde réel.
Fils : Je vis une jeunesse pure et n’envisage pas mon avenir autrement. »
Le Sabre / Ken est un duel à distance entre Kokubu et Kagawa, entre une incarnation des idéaux de Mishima et un représentant de la soi-disant dérive de la société japonaise, entre une image réactionnaire et une vision moderne. Un duel entre traditionnel et contemporain. Jiro Kokubu est -ou tout du moins semble être- un homme froid, ne vivant que pour une passion exclusive, le Kendo. Il s’impose une discipline rigide -voir surhumaine-. Les autres élèves ne voient en lui qu’un « cinglé », Mibu, le cadet, dément. Il considère Kokubu comme un mentor, un maître en tout, martial et spirituel. Kagawa, le vétéran, s’en défait. Il considère, lui, le capitaine du club de Kendo tel un imposteur. Au point de devenir lui-même, intransigeant. Réprouvant l’idéalisme -ou plutôt, impuissant face à la détermination- de son leader, Kagawa fini par en oublier de concevoir les principes de Kokubu comme vrais, tentant avec sa sœur, charmeuse et éprise, de faire tomber le masque de ce dernier. Le masque qui n’en est pas un. Kagawa : « Sa façon de vivre m’exaspère pourtant il m’arrive de la trouver d’une merveilleuse fraicheur. »
Ken est une œuvre forte, sombre et violente, parfois ambiguë à l’image de cette scène où Kokubu sauve un oiseau des tirs d’une bande de moins que rien, puis tente de tordre le cou de l’animal s’apercevant qu’il est incapable de reprendre son vol. Comme par pitié. « Celui qui choisit de continuer à vivre alors qu’il a failli… ». La mise en scène de Misumi et photographie de Makiura tiennent de la superbe. Certains plans sont emplis de sens ; après avoir été blâmé par le capitaine, Kagawa se dirige vers le mur pour se poser immobile pendant quarante interminables minutes. La caméra film le buste et le visage de l’homme, vexé ou humilié, mais en apparence stoïque. En fond, derrière lui, Kokubu continue l’entraînement des cadets, obsédé par la préparation pour le tournoi inter-universitaire à venir.
LES PLUS | LES MOINS |
♥ Visuellement superbe ♥ Belle mise en scène ♥ L’interprétation des acteurs |
⊗ Rythme très lent |
La sobre performance des acteurs n’est pas en reste. Vraiment. Une œuvre marquante. Oui, vraiment. |
Titre : Le Sabre / Ken / 剣
Année : 1964
Durée : 1h34
Origine : Japon
Genre : Initiation à la spiritualité du kendo
Réalisateur : Kenji Misumi
Scénario : Kazuro Funabashi
Acteurs : Raizo Ichikawa, Akio Hasegawa, Chikako Miyagi, Yuka Konno, Junko Kozakura, Yoshio Inaba, Rieko Sumi, Yusuke Kawazu