[Film] Kal Ho Naa Ho, de Nikhil Advani (2003)


New-York, aujourd’hui… Une jeune femme d’origine indienne, Naina, essaie péniblement de terminer ses études, coincée à la maison entre sa mère, sa grand-mère, son frère, sa demi-sœur et son fidèle ami Rohit … Entre problèmes familiaux et financiers la situation se dégrade de plus en plus, mais c’était sans compter sans leur nouveau voisin, l’angélique et étrange Aman, qui va remettre son ordre dans leur chaos…


Avis de Postscriptom :
He’s back ! Après les succès internationaux KUCH KUCH HOTA HAI et KABHI KUSHI KABHIE GHAM, alias K3G, Karan Johar revient aux affaires avec ce film qui a été un énorme succès populaire là-bas… A ce détail près que cette fois il ne l’a pas réalisé mais « seulement » écrit et produit (avec son père Yash Johar), la mise en scène ayant été confiée à Nikhil Advani, talentueux chef-opérateur de ses deux méga-hits…

Donc les questions que l’on se pose immédiatement : dans quelle mesure KAL HO NAA HO est-il un film de Karan Johar, et dans l’affirmative pourquoi ne l’a-t-il pas réalisé lui-même ? … Rendons tout de suite à Nikhil Advani ce qu’on lui doit, ce film est visuellement une pure merveille, très élégamment filmé dans un style classique, héritier des grandes comédies romantiques américaines (ce n’est pas par hasard si le film se déroule entièrement à New-York) et pourtant moderne (c’est pas du Subbash Ghai) avec un effet pervers inattendu et assez savoureux, c’est qu’on ne doute plus du tout après l’avoir vu que son réalisateur, et probablement quelques autres talentueux artistes et techniciens, ont joué un rôle capital dans la réussite de KUCH KUCH… Alors certes on s’en doutait un peu (qui peut réussir seul un – premier – film tel que celui-ci ?) mais cette confirmation ne se teinte absolument d’aucune déception, la « Johar’s touch » allant bien au-delà de la sublime mise en images de KAL HO NAA HO…

Au niveau de la structure tout d’abord, on retrouve un univers familier, sorte de mix de ses précédentes œuvres, à savoir une histoire d’amour triangulaire (à la KUCH KUCH) combinée à tout un environnement familial complexe (à la K3G), le tout étant une comédie mélodramatique tout à fait dans l’esprit de ses films, donc rien de bien nouveau ici… Au niveau des thèmes c’est plus intéressant car de nombreuses idées laissées en friche auparavant se retrouvent largement approfondies : poids des traditions, conflit des générations, liens du sang, problèmes de castes, mais (et peut-être justement parce que Karan ne réalise pas) avec un pessimisme voire une noirceur assez inédites chez lui : le père absent s’est en fait suicidé, la grand-mère qui ne rêve que de mariage arrangé est franchement antipathique (elle hait littéralement sa petite fille qui est adoptée) et j’en passe, bref c’est assez incroyable et inédit… Sauf si on avait déjà pressenti que son univers n’est rose bonbon qu’en apparence (exactement comme pour notre Jacques Demy national, dont beaucoup n’ont jamais compris la noirceur de l’œuvre) … Il y a même des allusions homosexuelles répétées (ici ça ne choquerait personne mais là-bas ça ne doit pas être très courant) quand la bonne surprend à plusieurs reprises Shahrukh et Saif Ali Khan dans des situations « équivoques » et s’évanouit à chaque fois, hilarant… Tout cela ne visant bien sûr qu’à plaider pour un peu plus de tolérance et d’ouverture d’esprit…

Bien sûr c’est une comédie et tout finira bien (plus ou moins, hé, hé…) mais on n’est pas dupes monsieur Johar, on sent bien que les traditions et les vieux schnocks vous en avez un peu marre aussi… Un autre point capital est que la deuxième partie est globalement plus rythmée que la première… Anodin en apparence, mais on se rappelle que KUCH KUCH et K3G étaient plus réussis AVANT l’entracte (ce qui n’empêchait pas que les meilleures scènes étaient peut-être dans la seconde partie, comme pour le DEVDAS de Sanjay Leela Bhansali), donc Karan, au lieu de griller toutes ses cartouches d’entrée de jeu, préfère poser ses charges petit à petit, comme au début de K3G quand Jaya Bachchan devinait la présence de Shahrukh avant même de le voir (ce qui préparait la scène magnifique où elle apparaît de façon complètement inattendue à la fin de la dernière chanson)… Ce procédé est étendu à tout le film, et si au début on ne voit pas bien où il veut en venir (le personnage de Shahrukh Khan étant de plus assez mystérieux), n’ayez crainte et attendez, vous ne serez pas déçus…

Autre aspect intéressant du film et une constante chez Johar, sa fascination pour l’Amérique. On se souvient que KUCH KUCH rendait hommage dans quelques plans au sublime mélo (déguisé en film catastrophe) TITANIC de James Cameron, les deux hommes œuvrant dans le même état d’esprit : faire des classiques instantanés qui soient à la fois énormes, lyriques et universels… On ne s’étonnera donc pas que KAL HO NAA HO rappelle fortement l’autre mélo énorme, lyrique et universel du moment (déguisé cette fois en film d’héroic fantasy), la trilogie du SEIGNEUR DES ANNEAUX de Peter Jackson, et plus particulièrement LE RETOUR DU ROI dont il reprend la plus belle idée (c’est d’autant plus extraordinaire qu’il ne peut pas l’avoir vu avant, ils sont sortis au ciné en même temps), celle des multiples fins enchaînées en crescendo : une seule nous aurait largement contenté mais on en rajoute une autre, et encore une autre, et une dernière pour la route… Inoubliable, où quand deux grands esprits se rencontrent…

On peut encore citer les superbes chansons du film, comme la scène où Shahrukh interprète en pleine rue une reprise hindi-rock de « Pretty Woman » (!) avec survêt’ de d’jeun à l’appui, hilarant surtout quand il se met à rapper en prime, ça sonne tellement faux qu’il a sûrement prêté sa voix pour ce passage… Il y aussi le superbe thème musical du film au piano (laissez tourner du DVD juste pour l’écouter en boucle…), et bien sûr la scène de la boite de nuit (« It’s the time to disco ! »). A ce propos on ne peut pas ne pas évoquer Preity Zinta, qui atteint enfin ici sa « maturité de star »… Déjà adorable dans DIL SE où elle débutait, elle s’est améliorée de film en film, notamment dans DIL CHAHTA HAI et MISSION KASHMIR (sorti en DVD en France) mais à mon sens il lui manquait toujours un « petit quelque chose »… Absolument superbe avec sa coiffure bien sage et ses petites lunettes rondes (et bien sûr toujours sa SUBLIME fossette sur la joue droite, la plus belle jamais vue au cinéma), elle est absolument rayonnante dans KAL HO NAA HO qu’elle domine de bout en bout, et de plus (enfin), ELLE DANSE, allant même jusqu’à éclipser Shahrukh Khan et Saif Ali Khan qui l’entourent, exécutant avec un superbe naturel les mouvements créés par Farah Khan qui a dû vraiment la faire bosser comme une bête, magique…

A propos de DIL CHAHTA HAI (dont le titre est ouvertement cité dans le film) on peut presque imaginer Karan devant ce film si juste qui présente des personnages de sa génération et se dire « tiens, je vais écrire un truc dans ce genre » … Et accessoirement leur piquer une ou deux idées, car contrairement à ce qu’on pourrait croire Karan est loin d’être un neuneu perdu dans ses univers colorés, et présente un côté très terre-à-terre et pratique, et surtout prêt à tout pour satisfaire son public populaire (dans le bon sens du terme), un point commun avec l’autre prodige du cinéma indien (même s’il vit et tourne aux Etats-Unis) : M. Night Shyamalan, qui, au moment de la sortie de SIGNES avouait avoir été très déçu par les résultats de son INCASSABLE au box-office, dû au fait qu’il n’avait pas réussi à toucher les gens de l’Amérique profonde… Ayant bien réfléchi au « problème » il avait tout simplement situé SIGNES chez les bouseux, imparable… Pour Karan ses deux films ont été d’immenses succès mais ça revient au même finalement, il sait qu’on l’attend au tournant, d’où les points communs avec DIL CHAHTA HAI et d’autres succès récents (dont une reprise très drôle de la chanson de la scène d’entraînement de LAGAAN, c’est dire qu’il a même pensé à ses fans internationaux qui n’ont pas forcément vu beaucoup de films hindis). Cela dit c’est peut-être aussi l’influence de son père, gros malin et immense producteur (c’est souvent lié) dont on se souvient que l’autre film qu’il avait produit avec Shahrukh, le très marrant DUPLICATE (voir critique), reprenait PLAN PAR PLAN la grande scène d’action de DESPERADO de Roberto Rodriguez (quand Banderas massacre tout le monde dans le bar)… Toujours cette volonté d’oser tout et le reste au premier degré sans se préoccuper des critiques, un de leurs grands « charmes naïfs » qui fait ricaner certains mais représente précisément leur exemplarité comparé au cynisme et au second degré qui gangrènent le cinéma occidental…

Et pour ceux qui doutent encore que KAL HO NAA HO est totalement un film de Karan Johar, citons le superbe hommage rendu à… ses propres films ! On se souvient des clins d’œil à KUCH KUCH disséminés çà et là dans K3G, qui hélas tombaient un peu à plat, même si on peut discuter (regard-caméra de Shahrukh quand il voit passer son petit frère avec une danseuse, le petit garçon qui compte les étoiles, les chœurs dans la scène en Egypte…). Donc dans son optique d’en faire toujours plus, Karan semble là aussi avoir réfléchi au « problème »… Résultat, en l’espace d’une minute ( !) il nous sort un magnifique « double coup de coude de la mort qui tue dans ta face » (comme dirait ONG BAK) d’hommage à KUCH KUCH et K3G : on est cueilli à froid par le premier qu’on n’attendait pas du tout (je rappelle qu’on est dans un film de Nikhil Advani), on a juste le temps de réaliser ce qui se passe et hop c’est fini, superbe et élégant… Puis un autre dans la foulée, là on était sur nos gardes mais rien à faire on se fait de nouveau étaler… Et cette fois-ci rien à dire, c’est imparable… Le pire c’est que le film continue et j’aime autant vous dire que s’il n’avait pas été au niveau c’était terminé…

LES PLUS LES MOINS
♥ Visuellement sublime
♥ Les thèmes traités
♥ Bien construit
♥ Les chansons
⊗ …
Par contre on ne saura pas pourquoi Karan n’a pas réalisé KAL HO NAA HO : dans le making-of lui et son père sous-entendent qu’ils ont voulu donner sa chance au fidèle Nikhil Advani de réaliser son premier film, mais nous on se doute bien qu’il nous prépare autre chose d’encore plus grand et magnifique, wait and see… Et en attendant n’oubliez pas de regarder K3G, sorti chez nous sous le titre LA FAMILLE INDIENNE, traduction littérale du titre anglais choisi par Karan lui-même pour l’exportation, qui peut paraître prétentieux mais est en fait totalement justifié voire un peu limitatif tant ses films sont universels…



Titre : Kal Ho Naa Ho / New York Masala
Année : 2003
Durée : 3h06
Origine : Inde
Genre : Comédie musicale / Drame
Réalisateur : Nikhil Advani
Scénario : Niranjan Iyengar, Karan Johar

Acteurs : Jaya Bachchan, Shahrukh Khan, Saif Ali Khan, Preity Zinta, Sushma Seth, Reema Lagoo, Lillete Dubey, Delnaaz Paul, Shoma Anand, Kamini Khanna

 New York masala (2003) on IMDb


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Auteur : Postscriptom

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