[Film] Hakuchi : L’Idiote, de Makoto Tezuka (1999)


Isawa est un jeune assistant de réalisation pour le groupe Media Station. D’un naturel calme et réservé, il passe son temps libre à filmer des événements simples et regarder ses bobines. Un jour il s’attire les foudres de Ginga, l’animatrice vedette de la station, et lui sert alors de souffre-douleur. De retour chez lui, il trouve la femme d’un de ses voisins enfermée dans son placard. Et il tombe amoureux de cette femme simple d’esprit.


Avis de Yume :
Il y a des filiations qui sont plutôt pesantes. Prenez par exemple Makoto Tezuka, le réalisateur de Hakuchi. Son père n’est autre que celui que le Japon, et même le monde entier, surnomme le Dieu du manga. Alors bien sûr, l’homme est attendu au tournant quand il commence sa carrière artistique, comme si le génie du père pouvait être transmis génétiquement au fils. Le génie est-il donc une qualité héréditaire ? A la seule vision de Hakuchi, il est impossible de répondre. De toutes façons, il est vain de vouloir comparer l’œuvre gigantesque du père, et celle juste naissante du fils.

Hakuchi n’est pas une première œuvre, mais une continuité thématique de ce qui semble être l’univers particulier de Makoto Tezuka. En effet, un rapide coup d’œil sur la filmographie de l’homme permet de remarquer son attirance pour les univers d’horreur ou de SF déjantée. Et Hakuchi se place d’emblée comme un film mixant ces deux types d’univers. Imaginez un Japon qui ne serait jamais sorti de son époque d’après seconde guerre mondiale. Un Japon ravagé, pauvre, oscillant entre modernisme technique et vie traditionnelle dans des quartiers aux rues étroites. Un Japon uchronique dominé par Media Station, la toute puissante société de télévision qui semble offrir des programmes d’abrutissement de masse. Dès le début du film, le ton est donné grâce à des images très documentaires de gens vivants dans des cabanes de fortune au bord de routes dévastées. Et dans le fond se détachent les couleurs chatoyantes des robes de mannequins, posant tout sourire dans ce décor post apocalyptique. Le côté absurde de la situation est donc clairement donné et va aller en s’amplifiant tout le long du film.

D’ailleurs s’il est un parallèle à faire avec le monde de Hakuchi, c’est bien celui avec l’œuvre de Enki Bilal. On y retrouve la même décadence des classes dirigeantes, la même technologie retrofuturiste, et les mêmes univers pessimistes dans lesquels surnagent pourtant un ou deux personnages positifs comme celui joué par Asano Tadanobu. Cinéaste amateur et auteuriste Isawa n’est pas du tout en phase avec le monde dans lequel il vit. Il le survole sans vraiment le comprendre, perdu dans un de son monde, qu’il ne voit que par objectif interposé, où le vent souffle sur les hautes herbes comme dans un de ses films. Malheureusement son attitude distante va lui attirer les foudres de la diva télévisuelle Ginga, prêtresse de la masse, icône vivante capricieuse qui ne comprendra pas pourquoi et comment quelqu’un peut l’ignorer. Iconographie caricaturale du star system japonais (les fameuses idols), Ginga est un personnage fascinant autant que détestable. Véritable peste dominatrice, sa façade s’égrène pourtant au contact (lointain) de Isawa, la perfection laissant place à la solitude et à la folie. Reika Hashimoto se révèle formidable dans l’interprétation de Ginga. Cette jeune mannequin à demi japonaise crève l’écran avec une facilité déconcertante dans toutes les facettes de Ginga. Face à la démesure de folie de ce personnage, son antithèse Isawa est campé tout aussi formidablement par un Asano Tadanobu au regard perdu dans un monde qu’on imagine lointain et beau. Un monde pur, comme celui de l’innocente (ou l’idiote selon la traduction du titre japonais) voisine de Isawa.

L’expression  » Heureux les simples d’esprit  » pourrait alors parfaitement s’appliquer à l’histoire d’amour entre Isawa et cette femme. Tous deux coupés de la réalité, leur union donnera naissance à une dérive graphique et narrative du film vers l’onirisme pur et simple. Une fin inattendue, chaleureuse comparé à la raideur froide du reste du film, qui propulse Hakuchi vers des hauteurs insoupçonnées. De conte cruel et réaliste, le film bascule dans une fable surprenante et surréaliste, dont le ton tranche net avec la partie précédente. Isawa romps alors le peu d’attaches qui le retenaient ancré à la réalité et… Il n’y a aucun doute, Makoto Tezuka est un réalisateur mature tout autant sur un plan narratif que technique. Car Hakuchi est un film d’une beauté plastique hypnotisante, dans lequel un soin tout particulier a été apporté aux costumes. On y croise donc une faune bigarrée d’individus dont les costumes, oscillants entre l’habit militaire fasciste et la robe légère et colorée de danseuse, rendent à merveille le coté militarisme décadent du film. Bien évidemment le côté technique de la réalisation n’est pas en reste, et même ce côté du film reste dans l’ensemble des plus classiques (on ne peut pas non plus faire que des films à la Suzuki). Hakuchi recèle de plans et séquences tour à tour merveilleuses et effrayantes, en incluant, entre autres choses, quelques passages qui n’auraient pas dépareillés dans un kaidan eiga.

LES PLUS LES MOINS
♥ Visuellement superbe
♥ Le casting et les personnages
♥ Le final
⊗ …
Makoto Tezuka est sans nul doute un nom à retenir de l’industrie cinématographique japonaise. L’homme révèle avec Hakuchi un véritable talent de conteur et de metteur en scène et signe un film en dehors des standards. Une jolie réussite



Titre : Hakuchi : L’Idiote / Hakuchi – The Innocent / 白痴
Année : 1999
Durée : 2h26
Origine : Japon
Genre : Pop-Apo
Réalisateur : Makoto Tezuka
Scénario : Makoto Tezuka

Acteurs : Tadanobu Asano, Miyako Koda, Reika Hashimoto, Masao Kusakari, Shunji Fujimura, Kyoko Enami, Yoshihiko Harada, Anji, Shunsuke Matsuoka

 Hakuchi, l'idiote (1999) on IMDb


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Auteur : yume

Un bon film doit comporter : sailor fuku, frange, grosses joues, tentacules, latex, culotte humide, et dépression. A partir de là, il n'hésite pas à mettre un 10/10. Membre fondateurs de deux clubs majeurs de la blogosphere fandom cinema asitique : « Le cinema coréen c’est nul » World Wide Association Corp (loi 1901) et le CADY (Club Anti Donnie Yen).
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