[Film] Divergence, de Benny Chan (2005)


Suen est un policier détruit psychologiquement par la disparition mystérieuse de sa femme Fong. Lors d’une enquête, il sera confronté à un tueur nommé Coke et To Hou-Sung, un avocat mystérieux défendant un riche homme d’affaires dont le fils a été kidnappé.


Avis de Laurent :
Benny Chan est probablement le réalisateur hongkongais le plus incompris de sa génération. Après un début de carrière mémorable (souvenez-vous le merveilleux Moment Of Romance) et une suite de films d’action sans prétention mais diablement efficaces (Man Wanted, Big Bullet), il est regrettable que le public ne retienne principalement que Gen X Cops et Gen Y Cops. Deux films laborieux plombés par une nouvelle génération d’acteurs aussi ridicules que faussement branchés. Et pourtant ces deux films ne sont pas aussi mauvais que l’on voudrait bien nous le faire croire. En effet, Benny Chan n’a pas oublié ses fondamentaux et s’il y a bien un maître pour filmer de l’action nerveuse, c’est bien lui. Merci à Jackie Chan de lui avoir redoré sa réputation par l’intermédiaire du dernier film de la franchise Police Story. Suite au succès surprise de la série des Infernal Affair, voilà que le polar noir urbain reprend du poil de la bête dans l’ancienne colonie britannique avec une série de films remarquables (One Nite in Mongkok et Love Battlefield pour ne citer que les plus brillants). C’est le moment idéal pour Benny Chan de prendre une nouvelle dimension de par la réalisation de films plus ambitieux. La recette est simple : une intrigue plus étoffée accompagnée de personnages plus approfondis et moins caricaturaux que d’habitude. Divergence marque donc cette nouvelle étape dans sa carrière.

Divergence appuie donc son scénario sur trois personnages centraux que tout sépare mais qui seront liés plus ou moins indirectement à la même affaire. Aaron Kwok incarne un flic torturé aux méthodes ambiguës. Daniel Wu un tueur plein de principes. Enfin, Ekin Cheng incarne un avocat mystérieux et antipathique. Voilà le genre de cast qui fait peur … et pourtant ! Aaron Kwok, qui a gagné en virilité insoupçonnée, est tout simplement métamorphosé et tient sans problème le film sur ses épaules. Un sans-faute surprenant et mémorable pour un acteur jusque-là limité. Sans compter sur un Daniel Wu, jamais génial, mais toujours dans les bons coups qui joue cette fois-ci à la perfection son rôle de tueur désœuvré. Dommage qu’Ekin Cheng gâche en partie les efforts et les progrès effectués par ses deux collègues par sa transparence et son inexpression aussi lamentable que malvenue. Heureusement que son temps à l’écran est court, ce qui permet de limiter la casse. Et si on ajoute que tout ce beau monde est entouré par une multitude de seconds rôles emblématiques (Eric Tsang, Lam Suet, Yu Rong-Guang, Lau Siu-Ming), Divergence ne peut que tenir la route. Au niveau de la réalisation, Benny Chan n’oublie pas les bonnes vieilles recettes qui ont assis sa réputation. Les scènes d’actions se font rares (deux seulement retiennent véritablement l’attention) mais sont d’une efficacité salutaire. Tout d’abord une fusillade de nuit sur route sans aucune surenchère, nerveuse et millimétrée. Montage minimaliste et d’une clarté exemplaire, Benny Chan prend à contre-pied la nouvelle vague clipesque qui n’apporte (sauf rare exception) que de la confusion visuelle et de l’épate superficielle. Benny Chan, c’est de l’action brute. Une balle bien placée et une bonne giclée de sang suffisent à faire monter la pression et mettre le spectateur dans le climax. L’intrigue est enfin lancée, Aaron Kwok est bien énervé et le témoin parfaitement buté. Voilà, c’est clair, net et sans bavure. La deuxième scène qui attire l’attention est une course poursuite pédestre entre Daniel Wu et Aaron Kwok qui commence en bordure d’autoroute pour finir dans un marché couvert et surfréquenté. Scène absolument vertigineuse d’audace et de savoir-faire.

Ce que l’on pourrait reprocher au réalisateur c’est probablement la partie mélo qui enrichie le thriller psychologique. Domaine dans lequel Benny Chan excelle tout particulièrement. La sincérité et la naïveté du réalisateur ont pourtant accouché par le passé d’œuvres indispensables. Qui a oublié Moment Of Romance et ses scènes Too Much sous fond de tubes canto-pop sirupeux ? La frontière entre le génie et le ridicule est parfois mince … et la maturité nouvellement acquise de Benny Chan contraste trop brutalement avec la naïveté de ses débuts. Parfois ça marche (la scène de la tentative de suicide en voiture de Suen est d’une émotion rare), parfois ça tombe à plat (la scène du manège). Et la sensibilité du spectateur, ainsi que son degré de lecture, ne le feront pas forcément réagir dans le bon sens. Difficile donc de juger objectivement la qualité mélodramatique de Divergence. Ça passe ou ça casse. Photographie irréprochable, rythme judicieusement calculé entre alternance de scènes brutes de coffrage et de mélodrame sincère, interprétation étonnante de justesse pour certains seconds rôles de choix, intrigue complexe … Tant de paramètres qui peuvent faire passer Divergence dans la catégorie des œuvres majeures du polar hongkongais post-rétrocession. Hélas, Benny Chan ne maîtrise malheureusement pas complètement la gestion de tous ses nombreux personnages (l’histoire mériterait d’être développée davantage), ainsi que la fin étrangement bâclée qui tombe comme un cheveu sur la soupe.

LES PLUS LES MOINS
♥ Les scènes d’action
♥ Le duo Aaron Kwok / Daniel Wu
♥ La mise en scène
♥ Le rythme
⊗ La naïveté de certaines scènes
⊗ Histoire pas assez développée
Pas tout à fait convainquant, parfois bancal et largement imparfait, Divergence reste une œuvre excitante et charnière dans la filmographie de Benny Chan qui sera probablement l’alternative la plus sérieuse pour concurrencer Johnnie To dans le domaine du polar. Le meilleur est sans doute à venir.



Titre : Divergence
Année : 2005
Durée : 1h38
Origine : Hong Kong
Genre : Action / Policier
Réalisateur : Benny Chan
Scénario : Ivy Ho

Acteurs : : Aaron Kwok, Daniel Wu, Ekin Cheng, Gallen Lo, Angelica Lee, Ning Jing, Yu Rong-Guang, Tommy Yuen, Eric Tsang, Samuel Pang, Lam Suet, Jan Lam

 Divergence (2005) on IMDb


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Auteur : Laurent

Un des membres les plus anciens de HKmania. N'hésite pas à se délecter aussi bien devant un polar HK nerveux, un film dansant de Bollywood, qu'un vieux bis indonésien des années 80. Aime le cinéma sous toutes ses formes.
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